Le Moineau domestique (Passer domesticus) est l’exemple typique de l’oiseau commun, que l’on voit “partout”. Cependant, l’espèce subit un déclin important ces dernières décennies. Elle ne se maintient pas trop mal dans certaines zones rurales, mais la chute des populations dans les villes est spectaculaire (95% depuis 1992 en Région bruxelloise (1)). Les raisons de cette dégringolade sont la raréfaction et la fragmentation de l’habitat, les maladies, et le dérèglement climatique. Cette espèce illustre parfaitement la nécessité de protéger également les espèces “communes”, dont le statut de conservation est à priori moins défavorable (le statut UICN du Moineau domestique est “préoccupation mineure” (2, 3)).
Le Moineau domestique, un cohabitant de l’homme
Le Moineau domestique est une espèce cavernicole qui niche en colonies dans les anfractuosités des bâtiments. Au fil de millénaires d’évolution, l’espèce s’est rapprochée de l’être humain, qui lui fournit de nombreux services (alimentation facilement accessible, sites de nidification), au point d’en être aujourd’hui complètement dépendante. Le Moineau ne peut se reproduire sans les sites de nidification que constituent les trous et autres fissures des constructions humaines. Nous avons donc le devoir de laisser une place à cette espèce dans nos bâtiments.
Un pensionnaire régulier du Centre de Soins de la LRBPO
Le Moineau domestique est la cinquième espèce la plus fréquemment recueillie à notre Centre de Soins d’Anderlecht. En 2022, ce sont 117 individus qui ont été accueillis au Centre, avec un pic en mai, juin et juillet. Les causes d’accueils principales sont les juvéniles tombés du nid (parfois apportés au Centre alors que ce n’était pas nécessaire), et la prédation par les chats. Ces chiffres illustrent bien l’extrême vulnérabilité du Moineau domestique en milieu urbain.
Comment aider les moineaux ?
Avant toute chose, il est crucial de préserver les colonies existantes. Cela est d’autant plus important que le Moineau domestique est une espèce sédentaire et peu mobile. Notamment, en cas de rénovation d’un bâtiment abritant des nids, il est impératif d’effectuer les travaux en dehors de la période de reproduction, et de bien anticiper afin de pouvoir prévoir à l’avance des mesures alternatives adéquates. Il est aussi très utile de conserver certaines cavités lors de la rénovation, notamment les trous de boulin. Ceux-ci peuvent même être adaptés de manière à pouvoir accueillir spécifiquement des nids de Moineaux et/ou de Martinet noir.
Par ailleurs, pour étendre les colonies, on peut lui offrir des nichoirs spécifiques composés de plusieurs cavités indépendantes (ou éventuellement, placer plusieurs nichoirs simples à proximité les uns des autres). Plus les nichoirs seront placés à proximité d’un endroit déjà fréquenté par des moineaux, plus la probabilité qu’il soit occupé sera élevée. Mettre des graines à sa disposition en hiver est aussi un précieux coup de pouce.
Mais l’espèce a également besoin d’autres éléments à proximité de son nid: des éléments végétaux qui lui permettent de se cacher et de trouver des ressources alimentaires (graines, insectes,…), des sols naturels nécessaires à l’entretien de son plumage,… (4).
Enfin, il est très utile d’encoder la présence de Moineaux domestiques, notamment les cavités utilisées comme site de nidification, sur la plateforme https://observations.be/. Ces données pourront ensuite être exploitées par de nombreux acteurs qui agissent pour la protection de cette espèce (la LRBPO, l’ASBL Moineaux et Biodiversité, Bruxelles Environnement, et bien d’autres).
Mais finalement, pourquoi aider les moineaux ?
Le Moineau domestique peut être considéré comme une espèce “parapluie”. Cela signifie qu’en lui venant en aide, on favorise également toute une série d’autres espèces. Avant tout, agir en faveur de la protection du Moineau domestique revient à prendre conscience de la nécessité de coexister avec les êtres vivants qui nous entourent, et de (ré)apprendre à cohabiter avec eux, même en ville. Nous ne sommes pas les seuls habitants de nos maisons: le Moineau y vit aussi. Et il en va de même pour d’autres espèces comme le Martinet noir ou le Rougequeue noir, mais aussi certains insectes ou chauve-souris (5).
En laissant une place à ces espèces, on profite de l’animation qu’elles apportent, on peut les admirer et apprendre à les connaître, ce qui en retour favorise la cohabitation. Aider ces espèces, c’est aussi participer au maintien d’un écosystème urbain dont nous avons nous aussi besoin en tant qu’êtres humains.
Et “l’autre” Moineau ?
On parle ici du Moineau domestique… Mais n’oublions pas qu’en Belgique, on trouve aussi une autre espèce : le Moineau friquet (Passer montanus). Il vit aussi à proximité de l’homme, mais est plus rare, plus discret, et il ne fréquente que les villages. Ses populations ne se portent pas bien non plus. Les causes sont plutôt liées à l’artificialisation des milieux ruraux.
Références
- Paquet, A. (2023) : Monitoring des Populations d’Oiseaux en Région de Bruxelles-Capitale : rapport 2022. Département Études Natagora, Rapport pour Bruxelles Environnement, 2022, 167 pp.
- Nature Forever Society (2023). World Sparrow Day. https://www.worldsparrowday.org/index.php
- The Cornell Lab of Ornithology (2020, 4 mars) House Sparrow – Passer domesticus. Birds of the World.https://birdsoftheworld.org/bow/species/houspa/cur/introduction
- Maison Eco Huis. (2018). Le cahier des moineaux. https://moineaux-biodiversite.be/wp-content/uploads/2022/05/Cahier-moineaux-UL-photocopies.pdf
- Maison Eco Huis. (2023). Habitat vivant – Cohabiter avec la faune dans le bâti. http://maisonecohuis.be/wp-content/uploads/2023/03/HabitatVivant-CahierTechnique-F-web-planches_compressed.pdf