Vous ne le savez peut-être pas mais votre chat mène une vie bien remplie quand vous n’êtes pas là : il peut manger, se prélasser, s’amuser avec ses jouets, … mais il peut aussi se promener dehors et chasser des petits animaux sauvages présents dans votre jardin. En effet, ce félin a conservé son instinct de chasseur malgré sa domestication et peut chasser des petits mammifères, des amphibiens, des reptiles ou encore des oiseaux pour se nourrir. De plus, il est susceptible d’adopter un comportement d’abattage en surplus, c’est-à-dire se prêter à la chasse alors qu’il est rassasié (Courbatze, 2019). De ce fait, le chat qui souvent est considéré comme un membre de la famille est aussi capable à son niveau d’exercer une pression non négligeable sur la petite faune des jardins, et notamment sur les oiseaux. 

Etats de lieux de la situation

Les facteurs anthropiques sont la principale cause de la diminution  des populations aviaires. John Bradshaw, directeur de l’institut d’anthrozoologie de l’université de Bristol en Angleterre, affirme que la perte d’habitat causée par les activités humaines est la principale cause de préoccupation en ce qui concerne la faune sauvage (Davis, 2016). Cette perte d’habitat est fortement influencée par l’urbanisation des espaces. Plus un endroit est urbanisé, moins il y a d’oiseaux (Stracey & Robinson, 2012). La quantité de chats domestiques augmente également avec l’urbanisation en raison de l’augmentation des ménages et des habitants. 

Le problème de diminution des populations d’oiseaux et de l’extinction de certaines espèces fait l’objet d’une attention croissante en France. La Ligue de Protection des Oiseaux française a estimé par extrapolation que 75 millions d’oiseaux sont tués en 2018 par des chats (Ligue pour la Protection des Oiseaux, s.d). Différents auteurs ont essayé d’estimer la quantité des proies d’un chat par an en moyenne, avec une grande variété entre 7 proies/chat/an  (Lepczyk, Mertig, & Liu, 2004) et 28,9 proies par an (Howes, 2002). Mais il faut noter que tous les chats ne chassent pas des proies. Par exemple, les chats d’intérieur qui ne sortent pas ne peuvent par conséquent pas chasser. Lepczyk, Mertig, et Liu (2004) estiment que plus de 50 % des chats n’attrapent aucune proie, ce qui correspond bien à l’estimation de Baker, Molony, Stone, Cuthill, et Harris (2008) que 60% des chats ne chassent pas.

En outre, une partie non négligeable des proies des chats est constituée d’oiseaux, plus précisément des granivores et insectivores, qui peuvent se nourrir au sol ou sur les mangeoires en hiver. La Société française pour l’étude et la protection des mammifères (SFEPM) a mis en place avec le Muséum national d’Histoire naturelle une recherche entre 2015 et 2018 qui démontre que 20% des proies prédatées par les chats domestiques sont des petits oiseaux, avec en tête de liste le merle noir, le rouge-gorge et le moineau domestique (Pisanu & Clergeau, 2019). Une autre étude française, réalisée en Haute-Savoie dans la commune de Feigères, témoigne du fait  que 40% des proies tuées par la prédation des chats sont des oiseaux, parmi lesquels le moineau domestique représente 60% et le merle noir 13% (Vuagnay-Kolter, 2016).

En conclusion, l’urbanisation des espaces ainsi que l’introduction d’un nombre conséquent de chats dans les espaces urbains cause une perte d’habitat pour les oiseaux et le risque pour ceux-ci d’être prédatés, ce qui explique en bonne partie la diminution de la quantité d’oiseaux en Europe. Sachant que les oiseaux (notamment le merle noir, le moineau domestique et le rouge-gorge que l’on retrouve essentiellement dans les jardins urbains) constituent une part non négligeable des proies des chats ayant accès à l’extérieur, les données ci-dessus montrent que sans en avoir l’air, les chats ayant accès à l’extérieur et qui réussissent à attraper des proies ont un impact important sur les oiseaux, surtout sur les granivores et insectivores en France. Mais dès lors, quelle est la situation en Belgique ?

 

L’impact de la prédation des chats sur les oiseaux en Belgique

Depuis quelques années, la quantité d’oiseaux en Belgique ne fait que diminuer. “Entre 1990 et 2020, les populations wallonnes des 81 espèces d’oiseaux communs considérées ont perdu en moyenne 39 % de leurs effectifs, soit une érosion de 1,6 % par an” (Etat de l’environnement Wallon, 2020). Les trois principales raisons de la mortalité des oiseaux de jardin en Belgique sont les collisions avec des bâtiments hauts et des fenêtres, les tirs et le piégeage délibéré, représentant respectivement 25,7 %, 18,6 % et 17,6 % (Pavisse, Vangeluwe, & Clergeau, 2019). L’American Bird Conservancy (s.d) explique la raison pour laquelle les oiseaux se heurtent aux fenêtres comme suit : les oiseaux voient des reflets de la végétation dans les fenêtres et les perçoivent comme réels. De ce fait, ils essaient de les atteindre et percutent la fenêtre. Le piégeage et le tir délibéré sont liés à la chasse et incluent des pièges à chaux, pièges à colle et boîtes pour obtenir des oiseaux chanteurs ou de la viande d’oiseau. 

En outre, cette étude pointe comme quatrième cause  la prédation du chat qui contribue à la perte des oiseaux. Concrètement, elle représente 16.3% de la mortalité totale. En effet, le taux de mortalité des oiseaux de jardin causé par la prédation des chats a augmenté de 50% entre 2000 et 2015 (Pavisse et al., 2019). Naturrpunt (2015) montre que de nombreuses espèces d’oiseaux plus petits ont décliné au cours des dernières décennies dans les jardins flamands, en raison de l’impact des chats domestiques et des chats sauvages .

Nous avons contacté 25 centres de soins en Belgique, parmi lesquels 13 pouvaient nous fournir des données par rapport à la prédation des chats sur les oiseaux. Sur base de ces données, les chats sont responsables d’environ 15% des blessures et des décès d’oiseaux. L’estimation de 16% faite par Pavisse, Vangeluwe, et Clergeau (2019) mentionnée ci-dessus est assez proche de notre estimation à partir de données empiriques, ce qui atteste sa crédibilité. De plus, au cours de l’année 2020, la quantité totale d’oiseaux blessés/tués par des chats et pris en charge est d’environ 3500 en région flamande. Etant donné que tous les oiseaux chassés par les chats n’ont pas été amenés aux centres de soins, nous pouvons estimer que la quantité réelle d’oiseaux blessés par la prédation des chats est d’un ordre de grandeur plus élevé.

Le top 10 des espèces d’oiseaux attaquées par les chats représentent 80 % du nombre total : dans ce top 10, il y a notamment le pigeon ramier, le merle noir, le moineau domestique, la mésange charbonnière, le rouge-gorge familier  ou encore la mésange bleue.

Les chats, à leur niveau, jouent donc effectivement un rôle non négligeable dans la diminution de la quantité d’oiseaux, même si cette diminution est en grande majorité d’origine anthropique. Cependant, la chasse constitue un comportement instinctif pour le chat qui mérite lui aussi mener une vie heureuse. 

En tant que propriétaire, nous avons le pouvoir de permettre à notre chat et aux oiseaux de pouvoir cohabiter sereinement. En effet, il existe plusieurs solutions pour limiter la prédation de votre matou, dont beaucoup ont été efficaces pour protéger à la fois les chats et les oiseaux. 

Lire les solutions possibles pour une réduction de la prédation‎

Bibliographie 

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