Nourrir les oiseaux permet de les observer de tout près. A ce titre, le nourrissage offre une opportunité unique de sensibilisation. Cependant, certaines précautions doivent être prises pour que le nourrissage ne soit pas dangereux pour les oiseaux que l’on a l’intention de protéger. Et surtout, n’oublions pas que la meilleure source de nourriture est un jardin naturel et varié dans lequel les oiseaux trouvent tout ce dont ils ont besoin, toute l’année.

Objectif : un jardin naturel et varié… sans nourrissage artificiel

Dans la nature, les oiseaux trouvent toute l’année tout ce dont ils ont besoin pour se nourrir : graines, insectes, chenilles, vers, baies, fruits,… Pour réellement aider les oiseaux, chacun peut contribuer à recréer autant que possible de tels milieux attractifs, où le nourrissage n’est pas nécessaire, même dans un petit jardin ou sur un balcon. Les règles de base pour atteindre cet objectif sont notamment de planter des plantes indigènes les plus variées possibles, bannir les produits phytosanitaires, et penser aux habitants non-humains de l’endroit dans chaque décision d’entretien et d’aménagement.

Il est important de garder à l’esprit que le nourrissage des oiseaux n’est pas un idéal, mais n’est qu’une compensation partielle du manque de milieux naturels appropriés.

Faut-il nourrir les oiseaux ?

L’utilité du nourrissage des oiseaux est une question plus complexe qu’on pourrait le penser à première vue. Il n’est en tout cas pas évident que le nourrissage soit directement bénéfique aux oiseaux. Certaines études montrent des effets plutôt positifs, d’autres plutôt négatifs, sur la santé des oiseaux (1, 2). Le nourrissage a aussi tendance à favoriser les espèces les plus opportunistes, dont les effectifs se portent en général mieux, au détriment des oiseaux plus spécialisés (3, 4).

Mais, dans nos sociétés artificialisées, le nourrissage est parfois le seul moyen de voir des oiseaux, de s’intéresser à eux, de s’émerveiller, et finalement d’avoir envie de les protéger. L’impact le plus clair du nourrissage est donc la sensibilisation (5). “On ne protège que ce que l’on connaît”…

Quand nourrir les oiseaux ?

Afin de limiter les risques sanitaires (voir ci-dessous) et les autres effets indésirables potentiels, nous recommandons de ne nourrir les oiseaux que durant l’hiver, quand il fait très froid (c’est-à-dire quand les températures sont négatives ou légèrement au-dessus de 0°C) et que les oiseaux ne peuvent plus trouver toute la nourriture dont ils ont besoin dans la nature (6). Selon les endroits et les conditions météorologiques, cela peut correspondre à une période allant de mi-novembre à fin mars. Mais c’est sur base des températures qu’il faut prendre la décision de commencer et d’arrêter le nourrissage; il est donc difficile de recommander des dates précises.

Quelle alimentation donner aux oiseaux ?

Pour nourrir les oiseaux, il faut privilégier les graines. Le tournesol noir ou les mélanges de graines sont particulièrement recommandés. On peut aussi fournir quelques fruits (pommes, poires) et des fruits secs (noix, noisettes) pour les espèces au régime plus omnivore, comme les merles ou les grives.

Quant aux arachides, elles produisent des mycotoxines nocives pour les oiseaux lorsqu’elles sont au contact de l’humidité ou mal stockées. De plus, elles viennent toujours de pays lointains. Il faut donc les stocker bien au sec et ne les donner que ponctuellement, en petites quantités, en guise de “friandise”.

Et les boules de graisse ?

Les boules de graisse sont très populaires auprès des nourrisseurs d’oiseaux, mais elles ne doivent être mises à leur disposition que temporairement, lors des rares périodes de froid intense et prolongé. Les graines sont, par essence, riches en lipides, et suffisent donc à fournir aux oiseaux tous les lipides nécessaires, via une voie métabolique naturelle.

De plus, la graisse mal stockée (humidité, températures trop élevées, etc.) ou laissée trop longtemps à l’extérieur peut devenir rance et intoxiquer les oiseaux. Par ailleurs, la composition de certaines boules de graisse de grande distribution laisse à désirer. Enfin, les boules vendues entourées d’un filet sont encore plus problématiques, car les filets peuvent être des pièges mortels pour certains oiseaux qui s’y emmêlent les pattes, et sont des déchets plastiques bien souvent abandonnés dans la nature.

Penser bio et local

Les aliments issus de l’agriculture biologique, fabriqués le plus près possible de chez nous, et dont la production est plus respectueuse de la nature que l’on voudrait aider, sont à privilégier. Alors que l’agriculture intensive est l’une des causes principales du déclin des oiseaux, à quoi bon nourrir les oiseaux de nos jardins avec des aliments dont la production est néfaste pour la nature, parfois bien loin de chez nous ?

“Oui mais, les oiseaux aiment bien…”

Même lorsqu’elles contiennent des aliments peu adaptés, les oiseaux viennent malgré tout se servir aux mangeoires. Il est normal que les oiseaux exploitent cette ressource abondante et facilement accessible, car ils ont la contrainte de devoir sans cesse rechercher de la nourriture. Mais leur présence à la mangeoire ne signifie pas pour autant que la nourriture est adaptée et bénéfique. En tant qu’humains aussi, nous savons tous que les aliments qui nous attirent le plus ne sont pas forcément bons pour notre santé.

Comment mettre des graines à disposition des oiseaux ?

Les oiseaux sont souvent nombreux à fréquenter les mangeoires et leurs environs. Les concentrations d’oiseaux y sont plus élevées que dans la nature. Cela fait la joie des observateurs d’oiseaux, mais c’est malheureusement favorable à la propagation de maladies. L’hygiène est donc capitale dans le nourrissage des oiseaux (7). En Angleterre par exemple, la population de Verdier d’Europe a chuté de manière significative à cause d’une épidémie plus que probablement propagée via un nourrissage massif et un manque d’hygiène des mangeoires (2).

Pour cette raison, les mangeoires de type “silos” sont à privilégier, car les graines y sont protégées de l’humidité et des déjections dans un compartiment réservoir, ce qui diminue le risque de propagation de maladies. Dans le même ordre d’idées, le nourrissage au sol est déconseillé.

Il est crucial de vider, nettoyer et désinfecter très régulièrement les mangeoires. Pour cela, il est conseillé de mettre de la nourriture en petites quantités (la quantité nécessaire pour 24h). Cela évite que les graines ne soient en contact prolongé avec l’humidité, et évite l’accumulation de graines contaminées (la salive peut suffire à propager des maladies chez les oiseaux, comme chez nous). Nourrir par petites doses permet aussi de vider et nettoyer les mangeoires régulièrement. Les mangeoires de petite capacité sont donc préférables (exemple: silos à deux ouvertures). Au besoin, on peut multiplier les points de nourrissage (plusieurs petites mangeoires plutôt qu’une grande). Enfin, il est conseillé de déplacer régulièrement les mangeoires pour éviter l’accumulation de résidus de nourriture et de fientes au sol.

Toute l’année, les oiseaux ont besoin d’eau

Les oiseaux ont besoin d’eau en toute saison, pour leur hydratation mais également pour l’entretien de leur plumage. Mettre de l’eau à leur disposition est un coup de pouce bien utile, surtout quand les oiseaux ont du mal à trouver de l’eau : en été, quand il fait très sec, et en hiver quand l’eau gèle.

Les oiseaux ont besoin d’un abreuvoir peu profond (soucoupe, couvercle, ou abreuvoir conçu à cet effet). Celui-ci doit être placé dans une zone dégagée, pour pouvoir anticiper l’arrivée de prédateurs. Pour plus de sécurité, choisir un abreuvoir suspendu ou placé sur un trépied. Comme pour le nourrissage, l’hygiène est capitale pour éviter la propagation de maladies. Il faut vider et nettoyer les abreuvoirs tous les jours. Enfin, quand il gèle, l’eau doit être changée à heure fixe. Nos amis à plumes auront vite compris à quel moment de la journée ils sont assurés de trouver de l’eau non gelée. Ne jamais ajouter d’additif dans l’eau !

En résumé

  • Un jardin naturel et sauvage doit rester l’objectif
  • Ne nourrir les oiseaux qu’en hiver
  • Privilégier les graines
  • Choisir des aliments bio
  • Utiliser des petites mangeoires verticales faciles à nettoyer
  • Mettre peu de nourriture à la fois
  • Vider, nettoyer et désinfecter régulièrement les mangeoires
  • Toute l’année: donner de l’eau (attention ici aussi à l’hygiène)

Le kit de nourrissage conseillé

 

Références

  1. Wilcoxen, T. E., Van Horn, D., Hogan, B. M., Hubble, C. N., Huber, S. J., Flamm, J., Knott, M., Lundstrom, L., Salik, F., Wassenhove, S. J., & Wrobel, E. (2015). Effects of bird-feeding activities on the health of wild birds. Conservation Physiology, 3(1), cov058. https://doi.org/10.1093/conphys/cov058
  2. Lawson, B., Robinson, R. A., Toms, M. P., Risely, K., MacDonald, S., & Cunningham, A. A. (2018). Health hazards to wild birds and risk factors associated with anthropogenic food provisioning. Philosophical Transactions of the Royal Society B, 373(1745), 20170091. https://doi.org/10.1098/rstb.2017.0091
  3. Plummer, K. E., Risely, K., Toms, M. P., & Siriwardena, G. (2019). The composition of British bird communities is associated with long-term garden bird feeding. Nature Communications, 10(1). https://doi.org/10.1038/s41467-019-10111-5
  4. Burt, S. A., Vos, C. J., Buijs, J., & Corbee, R. J. (2020). Nutritional implications of feeding free‐living birds in public urban areas. Journal of Animal Physiology and Animal Nutrition, 105(2), 385‑393. https://doi.org/10.1111/jpn.13441
  5. Cox, D. T., & Gaston, K. J. (2016). Urban Bird Feeding : Connecting people with nature. PLOS ONE, 11(7), e0158717. https://doi.org/10.1371/journal.pone.0158717
  6. LPO. Quand nourrir les oiseaux ? https://www.lpo.fr/decouvrir-la-nature/conseils-biodiversite/conseils-biodiversite/accueillir-la-faune-sauvage/quand-nourrir-les-oiseaux
  7. Schaper, L., Hutton, P., & McGraw, K. J. (2021). Bird-feeder cleaning lowers disease severity in rural but not urban birds. Scientific Reports, 11(1). https://doi.org/10.1038/s41598-021-92117-y