La révolution énergétique est en marche…avec la production de plus de 1000 éoliennes en Belgique. Mais force est de constater que ces géants de métal n’ont pas que des avantages. La LRBPO se positionne en faveur de l’éolien, dans la mesure où les conditions d’application suivantes sont respectées. Biodiversité et éolien ne sont pas deux thématiques incompatibles. 

Conditions d’application

Où ?

Les parcs éoliens doivent se situer hors des couloirs migratoires des oiseaux. L’implantation devrait toujours être alignée parallèlement au flux général estimé des populations d’oiseaux. Par exemple : entre une aire de refuge et une aire de nourrissage ou entre deux milieux humides. Les endroits à haute valeur biologique seront évités (réserves naturelles, réseau Natura 2000, …) de même que dans les zones de nidification d’oiseaux menacés ou dans les zones riches en oiseaux. 

Les zones forestières doivent également rester vierges de toutes implantations. Les espaces forestiers constituent en effet les derniers espaces naturels n’étant pas morcelés et leur maintien est impératif pour lutter contre les changements climatiques (stockage de carbone, production nette d’oxygène). Notons par ailleurs que l’avifaune y est très abondante et que les massifs forestiers servent aux espèces migratrices.  

Il faut aussi éviter la concentration de trop d’éoliennes en milieu ouvert, et privilégier les implantations dans des milieux industriels, ou autoroutiers, ou fortement dégradés, ou dans les grandes zones de monoculture. Ces zones sont déjà hautement morcelés et devraient être des lieux privilégiés d’implantation.

Il faut également proscrire les implantations linéaires, ou les implantations trop denses. 

Comment ?

Une fois installés, les parcs éoliens doivent veiller à diminuer leur attractivité pour la faune et à l’augmenter dans les zones proches, en jouant notamment sur le couvert végétal. Des avertissements sonores peuvent aussi être installés afin de prévenir les oiseaux, comme c’est le cas en France, sur certaines lignes à haute tension (LPO, 2015). Il existe aussi des systèmes de détection de mouvement migratoire d’oiseaux (en grand nombre) qui arrêtent automatiquement les éoliennes. Ce système est déjà en fonction au Portugal (Econostrum, 2015). 

Par ailleurs, en 2008, Natagora avait diffusé une carte de zones d’exclusion sur base du pôle ornithologique AVES (Annexe 1 & 2). Cette carte reprend les zones où le développement de l’éolien paraît présenter un faible, moyen et fort risque pour l’avifaune. Depuis, notamment grâce à l’Atlas des oiseaux nicheurs de Wallonie, les connaissances se sont affinées. Le développement d’une nouvelle carte, actualisée, est en cours. Les zones d’exclusion présentes sur cette carte doivent être évitées à tout prix lors de l’installation d’éoliennes. Un suivi post installation devrait également être mis en place afin de mesurer l’impact des éoliennes sur la biodiversité et notamment les populations aviaires. Ce suivi permettrait d’ajuster les projets éoliens wallons pour le futur.

Quand ?

Il faut également éviter de construire les moulins à vent au printemps, pendant la saison de reproduction des oiseaux. En effet, si ces travaux ont lieu pendant cette période, durant laquelle les oiseaux sont les plus sensibles, cela peut compromettre le succès reproductif de certaines espèces.

Impacts sur les oiseaux

La perte d’habitats

Les phases de construction et de démantèlement peuvent détruire des habitats : réalisation des fondations, abattage d’arbre, passage d’engin, création de voirie, enfouissement des câbles,…Les oiseaux vont tout simplement quitter la zone. Cette zone d’exclusion peut atteindre 600 mètres de rayon autour du parc éolien. 

Les perturbations sont particulièrement problématiques pour les oiseaux nicheurs, surtout pour les espèces spécialisées dépendant fortement de leur habitat. Les oiseaux nicheurs ont alors un succès de nidification plus faible ce qui peut mener à la diminution de leur population, ou encore à leur disparition. Cette perte d’habitat variera en fonction de la présence d’autres habitats et ressources à proximité ainsi que de la zone concernée. Pour certaines espèces, c’est une perte d’habitat non négligeable. Les complexes d’éoliennes en Wallonie sont situés, en général, sur des plateaux voués à l’agriculture. Ils sont constitués principalement de monocultures de céréales, de betteraves, de colza, etc. Il n’y a pas, ou peu, de haies, de prés, de bosquets, de bocage. Ces plateaux sont, de ce fait, des milieux pauvres en oiseaux sédentaires causés par l’industrialisation de l’agriculture. Donc l’impact sur cette avifaune semble moins important sauf peut-être pour les oiseaux spécifiquement liés et attirés par ces milieux agricoles comme les busards ou encore les vanneaux. Les rapaces sont particulièrement sensibles vis-à-vis du dérangement au nid, plus particulièrement pendant la ponte et la couvaison.

D’autres espèces sont moins perturbées par l’arrivée d’éolienne et finiront même par s’y accoutumer en diminuant la distance d’éloignement.

Effet barrière

Ce type d’effet est caractérisé par un évitement, en vol, des éoliennes à des distances variables. Ceux-ci sont en vol dans le cadre de leur migration ou encore en cas de transit entre une zone de repos et une zone de gagnage. Les anatidés mais aussi les grues sont particulièrement affectés par cet effet (exemple : distance d’évitement de 300 à 1000 m pour les grues (LPO-ADEME-MTS (2019)). 

Pour ce qui est du risque de collision : les petits oiseaux volent à faible hauteur, et les grands oiseaux migrent très haut dans le ciel, bien plus haut que les éoliennes. C’est le cas des Grues ou encore de certains rapaces. Le risque de collision est alors peu important. Il en va tout autrement pour les oiseaux planeurs comme par exemple les Cigognes qui planent dans le ciel pour observer leurs territoires et chercher de la nourriture. Ces oiseaux utilisent généralement les courants ascendants. Les éoliennes sont souvent implantées sur les sites favorisant ces courants et augmentent ainsi les risques de collision (Barrios & Rodriguez, 2004). Les oiseaux de proie seraient aussi victimes, car ils seraient moins attentifs aux pales des éoliennes quand ils fixent leur attention sur une proie lorsqu’ils chassent. 

Mortalité

La mortalité des oiseaux due aux collisions avec les éoliennes est très variable et dépend des parcs éoliens. Au Danemark, une ferme éolienne offshore (Nysted Offshore Wind Farm) située sur une voie de migration d’anatidés tue en moyenne 1,2 oiseau par an et par éolienne. Dans la documentation disponible on estime le taux de collision entre 0,01 à 23 morts chaque année par éolienne. Ces chiffres varient suivant qu’ils viennent des pros ou des contres.

Selon l’Ademe (Agence française de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie), en Europe, les éoliennes tuent, en moyenne et par an, entre 0,4 et 1,2 oiseaux, bien moins que l’hécatombe causée par les lignes électriques ou les immeubles par exemple. De mauvaises conditions météorologiques (brouillard, brume, vent fort) engendreront aussi une mortalité plus importante. 

Globalement, la mortalité est faible par rapport aux autres activités humaines. 

Effets positifs des éoliennes

Malgré tous les aspects négatifs évoqués ci-dessus, le système éolien possède de nombreuses qualités que les énergies fossiles ne partagent pas. Nous ne reprenons que les principaux ici :

1) Ressource inépuisable

Il s’agit d’une ressource inépuisable. En effet, le vent constitue une source d’énergie inépuisable, quoique intermittente.

2) Ressource propre

En 12 mois, une éolienne peut s’acquitter de sa dette carbone. Il s’ensuit qu’aucun déchet ni aucune pollution atmosphérique ne sont induits par l’exploitation éolienne. En effet, une éolienne ne dégage pas de CO2.

3) Ressource locale

L’énergie produite par les éoliennes sera principalement utilisée dans un rayon proche du lieu de production. 

4) Equipement recyclable

Les éoliennes sont recyclables car elles sont constituées de métal.

NOTRE POSITION

En définitive, la Ligue Royale Belge pour la Protection des Oiseaux prône le recours à l’énergie verte et notamment aux éoliennes. Pour ce faire, certaines règles strictes doivent néanmoins être respectées. Afin de minimiser l’impact sur l’environnement, ces géants de métal ne doivent pas être placés dans les couloirs migratoires des oiseaux, les zones écologiques sensibles ou encore les forêts. Il faudra privilégier les implantations dans des milieux fortement dégradés et morcelés. Une fois installés, les parcs éoliens devront mettre en place une série de recommandations afin d’éloigner la faune du complexe. L’installation des éoliennes doit en tous cas ne jamais se produire durant la période de reproduction de la faune sauvage (avril-août).

Bien qu’une série de règles soient inscrites dans le CoDT (Code du Développement Territorial, 2019), celles-ci sont souvent outrepassées (Legrain & Piraux, 2020). Les critères d’implantation ci-dessus devraient figurer dans un décret éolien wallon encadrant l’installation des éoliennes dans les zones autorisées. Un projet avait été proposé en 2013 mais n’avait malheureusement pas vu le jour.

 

Références

Barrios L., & Rodriguez A. (2004). Behavioural and environmental correlates of soaring‐bird mortality at on‐shore wind turbines. Journal of applied ecology, 41(1), 72-81.

Code du Développement Territorial (2019).  En ligne : http://lampspw.wallonie.be/dgo4/tinymvc/apps/amenagement/views/documents/juridique/codt/CoDT_Fr.pdf

Econostrum (2015). Les radars portugais de Strix vont sauver des oiseaux en Égypte. En ligne : https://www.econostrum.info/Les-radars-portugais-de-Strix-vont-sauver-des-oiseaux-en-Egypte_a19620.html

Legrain B., Piraux J., Paquet J-Y.. Le magazine Natagora Mai-Juin 2020 #97. Le grand désordre éolien.

LPO (2015). Oiseaux et lignes électriques. En ligne : http://rapaces.lpo.fr/cna-oiseaux-et-lignes-electriques/reseau-de-transport-delectricite

LPO-ADEME-MTS (2019). Programme national éolien et biodiversité : Impacts des éoliennes sur les oiseaux. En ligne : https://eolien-biodiversite.com/impacts-connus/article/eoliennes-et-oiseaux

 

Annexes

Annexe 1 : Carte des zones d’exclusion (Natagora, 2008)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Annexe 2 : Nom de la zone d’exclusion et raison principale