Le 27 juillet 2022, le Royal Saint-Hubert Club de Belgique publiait un communiqué de presse intitulé « Non, la nature ne se régule pas toute seule ! Stop aux dégâts anormaux occasionnés par les corvidés ». Ce texte condamne quatre espèces de corvidés (la Corneille, la Pie bavarde, le Corbeau freux et le Choucas) pour leur impact sur les récoltes agricoles et sur la raréfaction de la petite faune des plaines. A travers ce communiqué, la demande du Royal Saint-Hubert Club de Belgique est claire : tirer plus de corvidés.

Cependant, ces quatre espèces sont protégées en Wallonie, dont deux (le Corbeau freux et le Choucas) au niveau européen. Il est donc nécessaire d’obtenir une dérogation de la part du DNF « en vue de prévenir des dommages importants aux cultures ». En 2021, la Ligue Royale Belge pour la Protection des Oiseaux, une des associations fondatrices du collectif Stop aux dérives de la chasse et historiquement active contre la destruction des corvidés, a introduit cinq recours au Conseil d’Etat concernant la délivrance de ces autorisations de destruction. De nombreuses dérives ont alors été mises en évidence par la LRBPO, comme l’absence de solutions envisagées avant la destruction, le nombre trop important d’autorisations octroyées, l’absence de justifications précises et le mépris d’une potentielle mise en danger des populations concernées. Sur seulement 5 conseils cynégétiques (parmi les 50 conseils cynégétiques en Wallonie), plus de 15 000 corvidés étaient visés par ces dérogations, un chiffre invraisemblable ! Ces dérogations ont été retirées par le DNF qui a reconnu l’illégalité commise.

Avant d’en venir au fusil, il est important de considérer l’ensemble des solutions disponibles pour pallier les éventuels dégâts agricoles entraînés par ces oiseaux. La Ligue Royale Belge pour la Protection des Oiseaux en propose plusieurs :

  • l’implantation plus profonde des semis,
  • le traitement et la protection des semences,
  • l’effarouchement ou encore les canons anti-oiseaux.
  • Mais plus globalement, c’est replanter des haies qu’il faut faire, c’est maintenir des jachères, c’est assurer des prairies à herbage, …

L’agriculture intensive transforme les campagnes en désert de nature ! Les corvidés, qui se nourrissent principalement d’insectes, sont affamés et tentés par les nids du petit gibier, mal dissimulés en l’absence de haies et de zones naturelles. La destruction en période de nidification n’est pas permise par la Directive Oiseaux. C’est aussi une atteinte au bien-être animal pour les jeunes des corvidés détruits, condamnés à périr de faim.

La destruction systématique de ces espèces ne se révèle même pas être une solution à court terme. Des études récentes ont démontré que les corvidés s’organisent en larges métapopulations et que prélever la population locale en cas de dégâts ne fera qu’ouvrir la place à d’autres individus qui s’installeront dans cet environnement récemment libéré [1].

Les chasseurs obtiennent aisément des autorisations de destruction de corvidés. La justification est toujours la même : les populations de ces espèces ont fortement augmenté ces dernières années. Ce qui est faux ! Seuls les Choucas (15 à 28.000 couples) et les Corbeaux freux (16 à 19.000 couples) sont actuellement en augmentation mais absolument pas considérés en surpopulation. Les populations de Pies bavardes (20 à 36.000 couples) sont considérées comme stables et les effectifs de la Corneille noire sont même en diminution (31 à 32.000 couples) [2].

La croissance observée des Corbeaux freux en Wallonie est très certainement liée à l’utilisation très populaire du maïs pour nourrir le bétail – favoriser donc l’herbage permettrait une réduction naturelle des dégâts.

« Il est intéressant de se demander quel est l’intérêt du Royal Saint-Hubert Club de Belgique, association de promotion de la chasse de loisir, à tenter d’influencer la législation portant sur la destruction de ces espèces protégées. L’envie de tirer semble prévaloir sur toute véracité scientifique. » déclare Jean-François Buslain, Directeur de la Ligue Royale Belge pour la Protection des Oiseaux.

Le Royal Saint-Hubert Club de Belgique mentionne également dans son communiqué la « prédation importante dans les nids et les jeunes de la petite faune des plaines, ce qui contribue à la raréfaction de nombreuses espèces, comme le bruant proyer, la perdrix grise ou la caille des blés ». Selon un article de 2015 il n’y a pas de preuves cohérentes de l’impact limitant lié à la présence des corvidés sur la démographie de ses espèces proies [3]. Continuer de blâmer ces espèces pour la raréfaction de la petite faune des plaines revient à refuser une réalité plus complexe et témoigne d’une véritable méconnaissance de la biodiversité de la part du RSHCB. La seule solution pour sauvegarder ces espèces en danger d’extinction est de supprimer leur chasse (perdrix) et une révision globale de notre système agricole et non le tir local de corvidés.

Références :
[1] Jiguet F. (2020). The Fox and the Crow. A need to update pest control strategies. Biological Conservation 248, doi : 10.1016/j.biocon.2020.108693
[2] Paquet J-Y., Derouaux A., Devos K., Vermeersch G. & Versteirt V. (2019). Rapport sur l’état des populations d’oiseaux en Belgique selon l’article 12 de la directive oiseaux, exercice 2013-2018. Banque de données compilée – INBO, D., Natuurpunt, Studie & Aves, pôle ornithologique de Natagora.
[3] Madden C., Arroyo B. & Amar A. (2015). A review of the impacts of corvids on bird productivity and abundance. IBIS, International journal of avian science 157, 1-16, doi : 10.1111/ibi.12223

 

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