Les corvidés constituent une famille de passereaux de taille moyenne à grande dans laquelle on retrouve pas moins de 130 espèces. Parmi celles-ci, les plus communes en Belgique sont les corbeaux freux, les grands corbeaux, les corneilles noires ou encore les choucas des tours. La plupart d’entre eux présentent un plumage sombre. Réputés pour leur grande intelligence, ils sont toutefois assez visibles et bruyants ce qui leur confèrent souvent un statut d’indésirables.

Etat des populations

A Bruxelles, la population de corneilles noires et de choucas des tours est en augmentation. Celle des pies bavardes est considérée comme stable [1]. Les corbeaux freux sont considérés comme peu communs au sein de la capitale.

Les effectifs de corneilles noires sont importants en Wallonie, cette espèce est en augmentation, tout comme les corbeaux freux. La population de pies bavardes est considérée comme stable, de même que celles des choucas des tours. [2]

Rôle écologique

Leur intelligence et leur caractère ubiquiste et opportuniste en font d’excellents « nettoyeurs » de la nature. Leur alimentation partiellement nécrophage en fait des équarrisseurs efficaces, en débarrassant les cadavres avant que les maladies ne prolifèrent. Dans les cultures, ils sont également les prédateurs de nombreux ravageurs, améliorant ainsi la qualité de nos produits. Ils accomplissent même une tâche prépondérante en qualité d’agent de santé : des animaux sont régulièrement tués au moment où les champs sont fauchés ou lors des travaux du sol. Il peut s’agir de lièvres, d’oiseaux nichant directement au sol et surtout de souris. Les corvidés repèrent très vite ces cadavres et les mangent. Ils empêchent de cette manière la contamination de l’herbe coupée et préviennent donc la souillure des aliments destinés aux bétails. A côté de la nourriture animale, les corvidés peuvent aussi ingérer des aliments végétaux, en abondance, comme des noix, toutes sortes de céréales, des graines et des fruits. Ce sont nos vautours à nous. Ils nettoient par ailleurs nos routes et autoroutes des milliers de victimes du trafic routier (oiseaux, mammifères, insectes, batraciens etc…).

Des oiseaux rusés

Les corvidés font preuve des capacités les plus étonnantes dès lors qu’il s’agit d’accéder à la nourriture. Certains peuvent, par exemple, cueillir des fruits sur les arbres, happer des insectes en vol ou, vu leurs grandes performances de vol, parviennent aussi à faire lâcher leur butin à d’autres oiseaux en les harcelant. Maints busards, milans et mouettes doivent dès lors finalement abandonner leurs proies. D’autres ont aussi appris des tours d’adresse à part pour ouvrir les noix. En effet, en les laissant tomber de plusieurs mètres de haut sur le sol, ils parviennent à faire éclater les dures coquilles, ou encore les déposent sur un passage pour piétons quand les voitures sont à l’arrêt et attendent les changements de feux et que les voitures écrasent les noix. Les rusés volatiles n’ont plus alors qu’à tendre le bec pour accéder à leur alléchant contenu.

Législation

A Bruxelles, ces espèces sont protégées en vertu de l’ordonnance du 29 août 1991 relative à la conservation de la faune sauvage et de la chasse.

En Wallonie, les 4 espèces sus-citées bénéficient de la protection définie par l’Article 2 de la loi du 12 juillet 1973 qui stipule que : “sont intégralement protégés, tous les oiseaux, normaux ou mutants, vivants, morts ou naturalisés, appartenant à une des espèces vivant naturellement à l’état sauvage sur le territoire européen.”

“Cette protection implique l’interdiction : 

  • 1° de piéger, de capturer ou de mettre à mort les oiseaux quelle que soit la méthode employée ;
  • 2° de perturber intentionnellement les oiseaux, notamment durant la période de reproduction et de dépendance, pour autant que la perturbation ait un effet significatif eu égard aux objectifs de la présente sous-section ; 
  • 3° de détruire, d’endommager ou de perturber intentionnellement, d’enlever ou de ramasser leurs œufs ou nids, de tirer dans les nids ;”[3]

Sur dérogation, il est néanmoins autorisé de les détruire “en vue de prévenir des dommages importants aux cultures, à la forêt ou dans l’intérêt de la santé et de la sécurité publique”[4].

La détention, le transport et l’utilisation des engins ou moyens suivants sont cependant interdits : collets, gluaux, appâts empoisonnés, tranquillisants, trébuchets, nasses autres qu’à entonnoir, clapettes, ceps, pièges à mâchoires, filets de tenderie. L’usage d’appâts carnés et l’exposition de cadavres des espèces dont le piégeage ou la destruction est autorisée est également interdit. Il est néanmoins autorisé d’utiliser des trébuchets à fermeture verticale ou nasses à entonnoir pour les piéger [4].

Le cas du corbeaux freux

Nuisances

Les corbeaux freux vivent en colonies en période de nidification. Ces oiseaux s’installent généralement en janvier et commencent la nidification en mars. Les jeunes sont généralement en mesure de quitter le nid vers la fin juin. Certaines colonies ne quittent occasionnellement les lieux qu’en septembre [5]. Ils positionnent leurs nids au sommet de grands arbres, très ramifiés, les uns à proximité des autres. La nuit, les agitations entre certains individus peuvent rapidement provoquer l’agitation de la colonie entière. Des nuisances sonores sont alors rapportées. Il est vrai que le corbeau freux, étant un animal très sociable, est assez bavard. Il a été démontré que le bruit des voitures dépassait de loin celui des corbeaux freux. Cette constatation n’apaise néanmoins pas les riverains concernés [5]. Leurs déjections peuvent également incommoder les voitures ou les passants se situant non loin.

Solutions

  • Taille et élagage des arbres : Dans les zones conflictuelles, il est possible de réduire l’installation des corvidés à proximité des habitations en taillant et élaguant les arbres à la fin de l’hiver, avant la montée de la sève. Cette technique semble particulièrement efficace si elle est appliquée de manière sélective : en taillant deux ou trois branches sur lesquelles les corbeaux construisent leur nid [5]. Attention néanmoins à ne pas trop tailler les arbres, certaines espèces ne peuvent pas être taillées à volonté sans subir de dommages.
  • Couverture des nids : Recouvrir des nids à l’aide de plexiglas n’a, à ce jour, pas amené les résultats escomptés. Les corbeaux freux reconstruisent leur nid à proximité [5].
  • Effarouchement : Le procédé d’effarouchement est à mettre en place dès l’installation de la colonie (généralement fin février). Des effarouchements sonores ou optiques existent. Cette méthode demande un suivi plus régulier et s’étale longuement dans le temps étant donné que certains couples s’installent plus tardivement.
  • Empêchement de la nidification : Détruire les nids à l’aide de barres métalliques est une méthode efficace si celle-ci est réalisée dès l’installation de la colonie. Elle n’est cependant applicable que dans les arbres de tailles modestes [5].
  • Émission de cris de détresse : L’émission de cris de détresse peut s’avérer pertinente si celle-ci est effectuée avant ou pendant la période de ponte. Diffusés 4 à 6 fois par heure, pendant 2 minutes, à intervalles irréguliers, ces cris incitent les oiseaux à quitter leur nid si ce dernier est situé à moins de 20 mètres de la source [5].
  • Rayon laser : La technique des rayons lasers, appliquée à plusieurs reprises lors de la formation de la colonie, a fait ses preuves dans plusieurs villes [5].
  • Destruction : Des plaintes sont souvent déposées contre les colonies de Corbeaux freux en période de nidification et les communes se trouvent souvent à court d’arguments face à la détermination de certains citoyens. La solution la plus souvent proposée étant la destruction de ces corvidés (cf point législation).

Les corvidés et l’agriculture

Nuisances

Dès la fin de l’hiver, les agriculteurs effectuent des semis (orge, avoine, froment,…) sur leurs cultures. Les corneilles noires, corbeaux freux ou encore choucas de tours ne sont pas les bienvenus dans les zones agricoles et sont friands de culture de maïs ou de tournesol. Ils peuvent occasionner des dégâts dans certains champs, lorsqu’ils se jettent sur les jeunes semis. Le plus souvent, ces derniers doivent être protégés pendant une brève période seulement, jusqu’à ce que les semences soient levées au point que les oiseaux ne veulent plus s’en nourrir [6].

Solutions

  • Implantation des cultures : Si une graine est semée assez profondément, les corvidés auront des difficultés à s’en emparer.  Il est donc conseillé de semer le plus profondément possible, à 5 ou 6 centimètres idéalement [7]. Pour minimiser l’atteinte de la graine, mieux vaut bien préparer son sol en retirant tous les résidus. Il est aussi conseillé de rouler les terres : ce procédé permet de réduire la visibilité des lignes et ainsi l’accessibilité aux corvidés [6]. Le facteur temps est également à prendre en compte : en regroupant les semis au même moment sur une même zone géographique, les corvidés n’auront qu’une seule période pour s’attaquer aux semis, leurs dégâts en seront donc réduits [7].
  • Traitement des semences : Un traitement des semences est possible pour certaines d’entre elles, comme le maïs. Ce traitement joue un rôle de répulsif pour les corvidés. Bien que ces traitements soient pour la plupart interdits en Belgique, le Korit est toujours homologué, bien qu’il soit moins efficace que le Mesurol [7].
  • Protection des semences : Pour de petites parcelles, il est possible d’installer un câble sur lequel on tend des fils ou des rubans, avec un espacement de 2 mètres à 100 centimètres de hauteur [3].
  • Effarouchement : Différentes techniques pour effaroucher les corvidés existent comme des drapeaux scintillants ou encore des épouvantails. La plus communément utilisée est probablement celle du cerf-volant mimant le vol d’un rapace à la recherche d’une proie [6]. Les rapaces sont les prédateurs des corvidés. Leur vol brusque causé par le vent aura pour effet de dissuader la venue des corvidés. Ces derniers, étant des oiseaux intelligents, s’accoutumeront rapidement à la présence du cerf-volant. Raison pour laquelle il est indispensable de le déplacer d’endroit tous les 3-4 jours. Une autre technique consiste en l’exposition de cadavres. Certains agriculteurs tuent les corvidés pour les suspendre morts à des piquets, cette façon de faire est quasiment sans effet. Les corvidés ont effectivement tôt fait de remarquer qu’il n’y a pas de danger dans ces endroits. Cette technique d’effarouchement est légale en Wallonie.
  • Canons anti-oiseaux : Des canons générant des détonations sonores peuvent également être mis en place pour effrayer les corvidés. Attention néanmoins aux plaintes de voisinage : l’idéal est de placer le canon à plus de 300 mètres des habitations [6]. Il faudra également veiller à diriger le canon dans le sens contraire du vent pour que la détonation ne résonne pas.
  • Piégeage : Pour pallier ces problèmes, les agriculteurs demandent des dérogations afin de pouvoir détruire les corvidés (cf point législation). Ils placent alors des cages en bordure de champs au sein desquelles se trouvent de la nourriture afin de les attirer. Une fois le premier corvidé pris au piège, les autres suivront plus facilement. Ces animaux sont ensuite tués. Si vous trouvez un corvidé en cage, vous pouvez prendre contact avec le Département Nature et Forêt de votre région afin de vous assurer qu’une autorisation de destruction a bien été octroyée : http://environnement.wallonie.be/cgi/dgrne/plateforme_dgrne/visiteur/v2/frameset.cfm?page=http://environnement.wallonie.be/administration/dnf.htm
  • Chasse : La destruction de la corneille noire et des pies est accordée au titulaire du droit de chasse. Le corbeau freux et le choucas des tours sont quant à eux repris dans la liste des espèces protégées établies par l’Europe (Directive Oiseau). Des dérogations peuvent néanmoins être octroyées auprès du Département Nature et Forêt afin de les détruire en cas d’abondance et de dégâts. La destruction des corneilles noires, choucas, corbeaux freux, geais et pies, ainsi que leurs œufs et couvées, peut se faire du 1er juillet au 30 juin, uniquement de jour, dans les champs, cultures, prés, prairies, vergers ; et installations diverses susceptibles de subir des dégâts de la part de ces oiseaux.
  • Biodiversité : La meilleure mesure préventive est naturelle. Si l’on prévoit dans les zones agricoles des haies, des grands arbres, et des bords de champs écologiques offrant une abondance de nourriture animale, les couples nicheurs y trouvent des biotopes adaptés, y construisent leurs nids et tiennent à distance de leur territoire les troupes voraces, ce qui protège les champs avoisinants.

Les corvidés en ville

Nuisances

Les nuisances générées par les corvidés en ville sont principalement le bruit (des fois tôt le matin), les déjections acides qui sont corrosives et peuvent abîmer les carrosseries ou encore le pillage de poubelles.

Solutions

La présence de populations de corvidés en ville est principalement due au fait que ces oiseaux trouvent en milieu urbain des conditions favorables à leur développement (accès à de la nourriture, absence de prédation naturelle,…). La principale solution consiste donc à limiter au maximum le nourrissage, souvent non intentionnel, de ces oiseaux. Pour ce faire, les villes doivent pouvoir fournir aux riverains des poubelles en dur, empêchant ainsi les oiseaux de les ouvrir pour se servir. La nourriture de chats ou de chiens domestiques ne devrait par la même occasion pas être distribuée à l’extérieur de son habitation. Plusieurs animaux sauvages, dont les corvidés, viendront le cas échéant en profiter.

Notre position

Concernant les corbeaux freux, La Ligue Royale Belge pour la Protection des Oiseaux se positionne contre la destruction de ces corvidés. Outre le problème éthique posé par leur destruction pure et simple, cette technique risque de surcroît de ne pas être efficace : le site pourra être réinvesti plus tard, par une autre colonie [8]. D’autres techniques, plus soucieuses du bien-être animal, doivent être mises en place:  la taille et l’élagage des arbres, l’effarouchement, la destruction préalable des nids, l’émission de cris de détresse ou encore les rayons lasers. Elles donnent toutes de bons résultats. De plus, si la colonie est dissuadée de nicher à un endroit donné de manière répétée pendant plusieurs années, il est fort probable qu’elle abandonnera le site sur le long terme. 

Concernant les dégâts aux cultures, la Ligue soutient l’idée qu’une meilleure gestion du paysage agricole (haies, grands arbres et bords de champs écologiques offrant une abondance de nourriture animale) permettrait de diminuer drastiquement l’impact néfaste des corvidés sur les semis. La Ligue ne conteste pas qu’il y ait des dégâts et entend la détresse de certains agriculteurs, dont certains ne sont que trop peu considérés et ont été conduits dans l’impasse par des politiques publiques insatisfaisantes. La mise en place simultanée de différentes techniques est recommandée par la Ligue : implantation réfléchie des semis, traitement et protection des semences, effarouchement à l’aide de drapeaux ou de cerfs-volants ou encore les canons anti-oiseaux. Les autres techniques ne sont défendables sous aucun prétexte pour la Ligue. D’un point de vue éthique et du bien-être animal, les techniques de piégeage, de chasse ou encore de l’exposition de cadavres sont dégradantes envers des êtres vivants et jugées d’un autre âge.

Les corvidés en ville ne constituent pas pour nous un problème. Limiter le nourrissage non intentionnel peut s’avérer utile, notamment pour d’autres espèces comme les renards qui tentent alors à se rapprocher de plus en plus des habitations. De tout temps, l’Homme a dû apprendre à cohabiter avec la faune sauvage. 

En ces temps moroses pour la biodiversité, ne serait-il pas temps d’apprendre à vivre avec les êtres qui nous entourent ? 

 

Références

1) Bruxelles Environnement (2018). En ligne : (https://environnement.brussels/lenvironnement-etat-des-lieux/rapports-sur-letat-de-lenvironnement/synthese-2015-2016/espaces-vert-6

2) Portail Wallonie, la biodiversité en Wallonie (2021). En ligne : http://biodiversite.wallonie.be/fr/tout-sur-les-especes.html?IDC=149

3) Portail Wallonie, statut de protection des espèces en Wallonie (2021). En ligne : http://biodiversite.wallonie.be/fr/especes.includehtml?IDC=2912

4) Royal Saint Hubert Club de Belgique (2021). En ligne : https://www.chasse.be/services/formulaires/

5) Vogelwarte. Feuilles d’information pour la protection des oiseaux (2021). En ligne : https://cdnfiles2.biolovision.net/www.nosoiseaux.ch/pdffiles/infos/Corbeaux_freux_Cantons-8047.pdf

6) Spotifarm le tour de plaine (2020). En ligne : https://blog.spotifarm.fr/tour-de-plaine-spotifarm/6-moyens-efficaces-pour-lutter-contre-les-corbeaux

7) Fédération Wallonne de l’agriculture. Les dégâts des corvidés, une réalité de plus en plus préoccupante (2021). En ligne : https://www.fwa.be/elevage/les-degats-de-corvides-une-realite-de-plus-en-plus-preoccupante

8) LPO. Appel aux maires (2015). En ligne : https://www.lpo.fr/actualites/appel-aux-maires-dp34