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Les pigeons en ville

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Adulés par certains et détestés par d’autres, les pigeons en ville sont au cœur d’une problématique complexe. Ces oiseaux (les Pigeons domestiques) sont des descendants de Pigeons bisets autrefois exploités par l’homme comme messagers. Retournés à l’état sauvage, ils ont appris à se nourrir de la nourriture fournie (volontairement ou non) par les humains. Les Pigeons domestiques ont adopté le milieu urbain comme nouveau territoire

Origines des pigeons en ville

Les pigeons des villes, tels que nous les connaissons aujourd’hui, descendent presque tous du Pigeon biset, qui est reconnaissable à son plumage gris aux teintes vertes et violacées au niveau du cou. Il ne faut pas les confondre avec le Pigeon ramier qui, bien que courant en ville, vit préférentiellement dans les milieux arborés. Dans nos villes, les nombreux métissages entre races de Pigeons domestiques ont fait peu à peu disparaître certains caractères du Pigeon biset.

Pigeon domestique

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Pigeon ramier

Actuellement, la grande majorité des colombidés qui colonisent nos villes est constituée de Pigeons domestiques retournés à l’état sauvage. Souvent utilisés comme messagers par le passé, ils participent aujourd’hui à des concours de colombophilie au cours desquels de nombreux individus s’égarent. Ils finissent par adopter le milieu urbain comme nouveau territoire. Avec le temps, ces oiseaux ont appris à se nourrir de la nourriture fournie (volontairement ou non) par les humains. Leur adaptabilité remarquable, couplée à l’activité humaine, a fait d’eux les invités permanents de nos rues.

État de la population de Pigeons domestiques à Bruxelles

De 2001 à 2007, la population de pigeons était estimée à 2200-4500 couples nicheurs à Bruxelles [1]. Le suivi de la population de pigeons à Bruxelles de 1992 à 2017 montre une augmentation de 4.4% par an en moyenne [2]. Cette tendance semble s’être stabilisée par la suite.

Nuisances possibles causées par les Pigeons domestiques

Dégradation matérielle

Si cet oiseau qui peuple les villes est une source de nuisances sonores modérées, le principal désagrément qu’il cause est d’émettre des déjections. Ces dernières sont odorantes et surtout corrosives pour les bâtiments [4, 5]. Cet oiseau est un cavernicole qui est susceptible d’établir son nid à de nombreux endroits sur ou dans les bâtiments. En outre, ils ont l’habitude de se regrouper, ce qui entraîne des dégâts qui peuvent parfois se révéler importants. Cependant, les dégâts ne sont réellement significatifs que pour les bâtiments en marbre, fréquents par exemple en Italie ou Espagne. Chez nous, les bâtiments sont souvent en pierre bleue ou pierre blanche, beaucoup plus résistantes. Il y a donc très peu de dégradations de bâtiments dus aux fientes en Belgique. Il s’agit tout au plus de salissures.

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Risque sanitaire

Les fientes des pigeons peuvent également être porteuses de maladies, mais cela ne pose que très rarement problème. Généralement, les maladies véhiculées par les pigeons sont peu virulentes et touchent principalement les personnes étant en contact très fréquent avec les volatiles (colombophiles, personnes travaillant dans les centres de revalidation, etc.). La majorité de ces zoonoses se transmettent via inhalation de particules de fientes ou par contact direct avec l’oiseau ou ses sécrétions. Les pigeons sont parfois porteurs de l’ornithose (ou psittacose), de la cryptococcose et de la maladie de Newcastle. Il convient de noter que les pigeons présents dans les rues, dans les jardins, nichant sur les balcons, etc. ne présentent donc à priori pas de danger.

Comment sont gérées les populations de pigeons en ville ?

Effarouchement
Pour éviter l’établissement de populations sur des sites précis (immeuble, façade,…), il est possible de tenter d’éloigner les pigeons à l’aide de différentes techniques [2].

  • Ultrasons : Les études testant l’effarouchement par système d’ultrasons n’ont pas donné de résultats concluants.
  • Effarouchement visuel : Ce procédé vise à installer des rapaces artificiels aux endroits problématiques. Il fonctionne dans un premier temps mais un phénomène d’accoutumance est très vite observé.
  • Détonations : La diffusion de bruits de tirs s’avère parfois efficace. En ville, ces bruits ne sont néanmoins pas utilisés car trop dérangeants pour le voisinage.

Barrières physiques à la nidification
Certains lieux peuvent être aménagés afin d’empêcher la nidification des pigeons (bâtiment, terrasse,…).

  • Fils et piques: Le placement de fils en inox tendus pour empêcher les pigeons de se poser est une des techniques utilisées. Les systèmes à base de piques constituent des solutions dissuasives acceptables dans la mesure où les cas de blessures voire de mort sont rares. Les piques à l’extrémité arrondie semblent être la meilleure alternative afin d’éviter de blesser les oiseaux. Les pigeons sont très attachés à leur sites de nidification et de repos. Pour les éloigner, les déloger des endroits qu’ils ont choisi pour passer la nuit en les rendant inaccessibles semble avoir un impact positif [6].
  • Architecture: L’architecture d’un bâtiment peut être pensée de manière à éviter les zones de nidification. Il faut par exemple éviter le placement de larges rebords de fenêtre à l’abri du vent [2].
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Pigeonniers de régulation

Cette méthode a pour but d’offrir un lieu de nidification attractif, fourni en eau et en nourriture, dans le but de fidéliser les pigeons à une zone qui ne gène pas les citoyens, et où le taux de reproduction peut être contrôlé [7]. Lors de la ponte, un employé des services publics vient stériliser les œufs à partir de la seconde nichée. Cette solution permet également de pallier à un problème important, celui des personnes qui nourrissent les pigeons. En effet, ceux-ci auront, en fonction des moyens de gestion dont dispose les autorités, l’opportunité de participer au nourrissage des pigeons selon un calendrier préétabli. Par ailleurs, l’état sanitaire des pigeons pourra également être contrôlé. Le pigeonnier de régulation semble prometteur. Les premières études déjà réalisées semblent montrer que ce système de gestion a un impact réel sur la reproduction des pigeons [6,8].

Réduction des populations

  • Stérilisation : La stérilisation peut s’effectuer soit de manière chirurgicale (par l’ablation des organes sexuels) soit de manière chimique (par l’administration de graines). La stérilisation chimique présente comme inconvénient majeur la dissémination de perturbateurs endocriniens (présents dans les graines) dans l’environnement. Bien que la taille des graines ait été conçue pour ne pas être ingérée par les passereaux, certains colombidés (tourterelles turques, pigeons ramiers,…) ne sont néanmoins pas à l’abri de ces produits stérilisants. En ce qui concerne la stérilisation chirurgicale, son efficacité n’a été prouvée que lorsque 85% des pigeons étaient stérilisés [2]. Cette méthode est par conséquent très contraignante et difficilement mise en place.
  • Capture et euthanasie : Cette technique est souvent utilisée lorsque la présence des pigeons occasionne une nuisance importante à un endroit donné. De nombreuses études ont néanmoins montré que les pigeons supprimés sont rapidement remplacés, car ils s’installent là où les conditions et les ressources locales sont favorables (nourriture, lieu propice à la nidification,…). L’euthanasie se révélerait donc à moyen et long terme totalement inefficace [6]. Cette pratique comporte également certaines dérives potentielles. On a par exemple constaté par le passé que les pigeons capturés n’étaient pas tous euthanasiés, mais envoyés à l’étranger pour être utilisés dans les stands de tir au pigeon vivant.
  • Prédation : Le renforcement de la présence de prédateurs naturels des pigeons, comme le Faucon pèlerin, ne permet pas de diminuer significativement leur population [9 cité par 2].
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Diminution des ressources alimentaires

Dans nos villes, les pigeons bénéficient de deux sources importantes de nourriture : le nourrissage volontaire pratiqué par les citoyens, et le nourrissage involontaire tels que les déchets. Or, il a été établi que la nourriture constitue le facteur le plus déterminant vis-à-vis de la taille des populations de pigeons. En effet, en supprimant l’apport de nourriture, les études ont permis de démontrer une diminution drastique des populations en question [10]. Même si les nourrisseurs sont animés de bonnes intentions et agissent pour le bien-être des pigeons, leur action ne leur est pas bénéfique. En effet, sans s’en rendre compte, les nourrisseurs favorisent une augmentation de la population, dont découle une compétition entre individus pour s’approprier les ressources essentielles. Le rassemblement des oiseaux autour d’un point de nourriture engendrerait également une probabilité plus grande de transmission des maladies. En outre, la nourriture donnée aux pigeons n’est que très rarement adaptée à leurs besoins.

La position de la Ligue concernant la gestion des populations de pigeons en ville

Le pigeon domestique est un élément essentiel de la vie citadine tant esthétique que social. C’est un lien entre l’être humain et le monde animal, qui rapproche l’humain de la nature. L’idée que les pigeons sont sales est à proscrire, ce sont plutôt trop souvent nos villes qui le sont. Avant d’envisager une régulation de la population de pigeons, il faut avant tout évaluer s’il y a une réelle prolifération, et si des dégâts significatifs sont à déplorer. Ensuite, il faut tenter d’identifier la cause du problème et y remédier, plutôt que d’en éliminer la conséquence.

Pigeon-Domestique-Alimentation

Comme pour les autres espèces animales parfois considérées comme dérangeantes, la limitation des ressources alimentaires d’origine anthropique est essentielle. Tout gaspillage alimentaire doit être évité, et une bonne gestion des déchets alimentaires impliquant tant les citoyens que les pouvoirs publics est indispensable. Des solutions pour éviter la surpopulation des pigeons résident également dans l’entretien et la conception du bâti. Beaucoup de bâtiments sont abandonnés, des toitures ne sont pas entretenues… De plus, les bâtiments doivent être conçus dès le départ de manière à éviter les structures pouvant servir de site de nidification ou de perchoirs pour les pigeons, plutôt que de tenter de les faire fuir après coup.

Pigeons-Domestiques-Rambarde

Les différentes techniques d’effarouchement présentent l’inconvénient majeur de ne pas être spécifiques aux pigeons et donc de potentiellement pouvoir déranger le reste de la faune. Pour des raisons tant éthiques que environnementales, aucune des méthodes visant à limiter la taille des populations comme la stérilisation, l’euthanasie et l’augmentation de la prédation ne sont à recommander. De plus, leur efficacité n’a jusqu’à présent pas encore été démontrée. L’installation de fils et de piques (arrondies) semble un moyen simple, efficace et rapide pour contrer la venue de pigeons. Ces techniques ne sont néanmoins applicables que ponctuellement, à des endroits spécifiques et bien localisés.

Concernant la gestion plus généralisée des pigeons en ville, la Ligue préconise la mise en place de deux méthodes. Le pigeonnier de régulation est une technique prometteuse qui pourrait s’avérer une solution efficace et éthique pour diminuer les populations de pigeons, mais elle requiert un investissement en personnel et une coordination de l’ensemble des communes. Cette technique serait à mettre en parallèle avec le processus de diminution des ressources alimentaires qui constitue le moyen le plus efficace et le plus éthique pour parvenir à contrôler les populations de pigeons en ville. Cependant, la procédure de mise en place est assez complexe, elle nécessite des moyens humains et financiers plus importants. La Ligue s’y investit au travers des campagnes de sensibilisation qu’elle organise dans différentes communes bruxelloises. Il s’agit dans tous les cas d’un travail collectif de longue haleine qui se doit d’être évalué régulièrement. La seule vraie solution n’est pas de combattre les oiseaux, mais les raisons de leur présence et de leur regroupement. Pour ce faire, il faut agir sur leur milieu de vie, le modifier de façon à ce qu’ils ne puissent plus trouver ni la nourriture ni les espaces dont ils ont besoin.

Références

[1] Paquet, A. & Weiserbs, A. (2018). Oiseaux rares observés à Bruxelles en 2007-2017. Oiseaux de Bruxelles n°6. Natagora, Namur.

[2] Bruxelles Environnement (2019). Gestion coordonnée de la population de pigeons dans les différentes communes de Bruxelles. En ligne : https://document.environnement.brussels/opac_css/elecfile/STUD_2019_Pigeons

[3] Paquet, A. et Weiserbs, A. (2018): Inventaire et surveillance de l’avifaune à Bruxelles : rapport final 2017. Département Etudes Aves Natagora, Rapport pour l’Institut Bruxellois de Gestion de l’Environnement 2017.

[4] Spennemann D. H., Pike M., & Watson M. J. (2017). Effects of acid pigeon excreta on building conservation. International Journal of Building Pathology and Adaptation.

[5] Rentokil. Architecture et construction. En ligne : https://www.rentokil.com/be/fr/lutte-antiparasitaire-architecture-et-construction/

[6] LPO. Le pigeon en ville : écologie de la restauration et de la gestion de la nature. En ligne : https://www.lpo.fr/images/actualites/2016/nl_refuge_decembre/guide-pigeons-natureparif_2011.pdf

[7] Gaïa (2017). Plan pour une saine politique des pigeons. En ligne : https://www.gaia.be/sites/default/files/campaigns/attachments/2017-plan_pour_une_saine_politique_des_pigeons_urbains.pdf

[8] LPO (2015). Cohabiter avec le pigeon en ville. En ligne : https://www.lpo.fr/actualites/cohabiter-avec-le-pigeon-en-ville-dp1

[9] Vater G.(2000). Bestandsverminderung bei verwilderten Haustauben Teil 2. Springer Berlin/Heidelberg. Bundesgesuntheitsblatt – Gasundheitsforsch – Gesundheitsschutz 43, 41-46

[10] Johnston R. F., & Janiga M. (1995). Feral pigeons (Vol. 4). Oxford University Press on Demand.

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