Le Gobemouche noir (Ficedula hypoleuca) ne s’était plus reproduit en Région bruxelloise depuis plus d’un siècle. Ce printemps, un couple a posé ses valises au Domaine des Silex, une réserve cogérée par la Ligue Royale Belge pour la Protection des Oiseaux et Bruxelles Environnement. Il a fallu beaucoup de chance pour que cette reproduction ait lieu, mais les oiseaux ont également reçu un petit coup de pouce…

Généralités

Carte de répartition du Gobemouche noir (1).

Le Gobemouche noir est un passereau insectivore, qui capture souvent ses proies en vol. Comme beaucoup d’oiseaux ayant ce
régime alimentaire, il passe l’hiver en Afrique subsaharienne, où il peut trouver des proies en abondance durant l’hiver boréal. L’oiseau présente en tous plumages une plage alaire blanche, bien visible également sur l’aile repliée. Les parties supérieures sont brun-gris foncé et le dessous est blanchâtre. Les individus mâles de nos régions ne sont, en général, pas noir pur et ressemblent beaucoup aux femelles.
Le Gobemouche noir est un oiseau cavernicole. En Wallonie, il niche en Ardenne et en Lorraine; en Flandre, on le retrouve principalement en Campine. La population wallonne était estimée à 840 couples en 2007 (2). Sa nidification n’avait plus été documentée à Bruxelles depuis plus d’un siècle (3).

Déroulement de la nidification au domaine des Silex

Un Gobemouche noir mâle a d’abord été observé le 19 avril au bout du chemin des Silex, à proximité de l’étang du parc Tournay-Solvay à Boitsfort. Cette observation n’avait alors rien d’exceptionnel, car elle correspondait à la période de passage de l’espèce. En effet, depuis le 1er avril, une dizaine de gobemouches noirs avaient été sporadiquement observés en halte migratoire, en Forêt de Soignes, dans les friches, et dans les grands parcs de la Région bruxelloise (4).

Mais l’individu observé à Boitsfort a prolongé son séjour et a commencé à explorer les cavités, comme les loges de pics et les nombreux nichoirs placés dans les environs (5, 6). Dès son arrivée, le premier jour de sa découverte, l’oiseau chantait assidûment, peut-être dans le but d’attirer une femelle et de marquer un futur territoire… C’est à partir du 1er mai que l’espoir d’une possible nidification de l’espèce à Bruxelles a commencé à se faire sentir, car une femelle a alors rejoint le mâle présent depuis 12 jours.

Chez le Gobemouche noir, le mâle construit plusieurs ébauches de nid et la femelle fait le choix final de la cavité où elle construit le nid dans lequel elle pond ses œufs. Coup de chance, elle a opté pour le nichoir équipé d’une caméra ! Toutes les étapes de la nidification ont donc pu être suivies par l’heureux propriétaire du nichoir, Mario Ninanne (administrateur de la Ligue), et par la communauté ornithologique bruxelloise avec laquelle il partageait régulièrement les images.

Un adulte auprès des 6 oeufs, juste avant l’éclosion le 24 mai.
Les six jeunes, le 4 juin, âgés de 11 jours.
Les six jeunes, âgés de 15 jours, le 8 juin, la veille de leur envol.
Envol du dernier jeune Gobemouche noir (dernière image de la nichée prise de l’intérieur du nichoir).

Le 8 mai, la femelle a pondu le premier œuf.

Elle en pondra finalement six, ce qui correspond à la moyenne pour cette espèce. La couvaison a été assurée exclusivement par la femelle, pendant que le mâle continuait de chanter. Les œufs ont éclos le 24 mai. A partir de ce moment, les deux parents se sont relayés sans relâche pour nourrir les minuscules oisillons durant 17 jours. On estime en effet qu’un millier d’insectes sont apportés quotidiennement à une seule nichée (7). Les jeunes oisillons ont été bagués le 3 juin à l’âge de 10 jours. Enfin, les six jeunes se sont envolés le 9 juin. Les oiseaux ont encore été aperçus dans les environs durant les deux semaines suivant l’envol. Ils se sont alors dispersés et n’ont pas été revus depuis. Voilà qui clôture la nidification d’une espèce très rare pour la Région bruxelloise, qui a pu être suivie dans des conditions inespérées grâce à un nichoir connecté.

Un cas d’école de l’utilisation de nichoirs par le Gobemouche noir

© JP Thiry

Le Gobemouche noir affectionne les nichoirs. Ceux qui lui conviennent le mieux sont les nichoirs pour mésanges charbonnières (Parus major), avec un trou d’envol circulaire de 32mm de diamètre. Mais puisqu’il est migrateur transsaharien, le Gobemouche noir revient en Europe pour nicher vers la mi-avril, plusieurs semaines après que les espèces sédentaires comme les mésanges aient entamé leur nidification et accaparé bon nombre de nichoirs. À Boitsfort, pour que le couple de Gobemouche noir puisse s’installer, il a fallu ruser. D’abord, dans le but d’attirer cette espèce (ou d’autres migrateurs tels que le Rougequeue à front blanc (Phoenicurus phoenicurus), certains nichoirs
avaient été placés alors que les mésanges étaient déjà occupées à nicher (5). Ensuite, dès les premières observations du Gobemouche noir dans les environs, des nichoirs supplémentaires ont encore été ajoutés. Grâce à cette astuce, plusieurs cavités libres étaient disponibles au moment où le couple a cherché à établir son nid. Et cette stratégie a fonctionné, car le couple s’est installé dans un de ces nichoirs placés tardivement !

Bibliographie

1. http://datazone.birdlife.org/species/factsheet/european-pied-flycatcher-ficedula-hypoleuca/distribution
2. Jacob, J. (2010). Atlas des oiseaux nicheurs de Wallonie: 2001-2007. Weiserbs, A., & Jacob, J. (2007). Oiseaux nicheurs de Bruxelles, 2000-2004: répartition, effectifs, évolution.
3. https://observations.be
4. Ninanne, M. Comm. pers.
5. https://www.cowb.be/nidification-dun-couple-de-gobemouches-noirs-au-domainedes-silex/
6. Géroudet, P. (1998). Les Passereaux d’Europe : Tome 2, de la bouscarle aux bruants, 4ème édition revue et augmentée