Lorsque le chasseur s’autoproclame « régulateur de la nature », il se dit à la fois juge (naturaliste) et partie (chasseur). Il n’est donc pas indépendant, comme doit l’être un écologue, puisqu’il défend la plupart du temps ses intérêts propres, c’est-à-dire le « gibier » et non l’ensemble de la biodiversité.

« Les déséquilibres induits par la « chasse gestion » contribuent aujourd’hui à l’érosion de la biodiversité sur des territoires importants ».

Lionel Delvaux (IEW).

« La régulation déléguée aux chasseurs s’avère être un échec dont les conséquences, particulièrement pour la biodiversité, continuent d’être sous-estimées ».

Lionel Delvaux.

Le concept de régulation de la faune, selon les chasseurs-consommateurs, est très réducteur : il consiste à tirer en grand nombre le gibier qu’ils ont volontairement et artificiellement rendu pléthorique dans la nature. C’est une démarche similaire à celle du pompier pyromane: mettre le feu pour ensuite prétendre être utile pour éteindre l’incendie. Et ce chasseur n’arrive pas à éteindre le feu …, puisque la population de sangliers en Wallonie a quadruplé en 30 ans, créant un déséquilibre néfaste à la nature. Quelle hypocrisie de certaines autorités politiques, complices car elles autorisent le nourrissage, de présenter ensuite ce chasseur comme le sauveur face aux dégâts causés à l’agriculture par le sanglier.

 « La stabilité de la nature est due à l’action entrecroisée, compensée, de très nombreux facteurs, donc aussi des prédateurs variés. Je suis bien trop conscient et trop admirateur des carnassiers pour être un adversaire du principe de la chasse. Si j’en veux aux chasseurs c’est avant tout pour leur haine des autres prédateurs. Le prédateur doit être peu nombreux par rapport aux espèces dont il se nourrit et pas trop bien armé pour leur capture. S’il y a eu des prédateurs trop efficaces ils se sont détruits eux-mêmes en détruisant leur gibier. … Les chasseurs, pour la plupart, voudraient être les seuls prédateurs. C’est ne rien comprendre aux équilibres complexes de la nature et c’en est à se demander si se promener le fusil à l’épaule est bien le bon moyen de pénétrer son intimité ».

Robert Hainard.

« Le chasseur chasse pour réguler la faune ».

 « En fait, encore maintenant, malgré le contenu de certains discours, il est évident que le comportement de la toute grande majorité des chasseurs est en contradiction avec les principes d’une gestion « en bon père de famille » de notre patrimoine naturel. La chasse s’accompagne en effet, sauf exception rare, de toute une série d’aberrations écologiques: piégeage ou limitation des carnivores, utilisation de poisons contre les rapaces, élevage en vue du tir (faisans, sangliers), introduction d’espèces non indigènes (Mouflon, Perdrix rouge, Faisan vénéré) ou de souches étrangères d’espèces indigènes (Cerfs de Hongrie, Lièvres de Tchécoslovaquie ou de Pologne, voire de sanglochons !), cloisonnement de l’espace forestier par des clôtures, comme si les autoroutes ne suffisaient pas à limiter les échanges génétiques; absence de plan de gestion reposant sur des bases biologiques… ».

Roland Libois.

Le chasseur qui extermine les renards et les autres « nuisibles », celui qui nourrit le gibier pour développer ses populations de manière artificielle avant de le tuer, celui-là ne régule pas la faune, il la déstructure et il détruit ses biotopes. En effet, par le développement excessif et massif des populations de gibier, par le tir et par le dérangement, il fragilise tout l’écosystème, en ce compris les plantes et les animaux ; même les points d’eau deviennent des mares de boue. Les animaux qui échappent au tir deviennent plus craintifs. Une modification de la distribution géographique des espèces s’opère.

A l’inverse, dans la nature, la biodiversité évolue lentement et s’équilibre d’elle-même selon les milieux. Il s’agit d’un processus complexe qui résulte de la coévolution de tous les vivants sur terre et de l’interaction de ceux-ci, en réseaux et à diverses échelles, avec les écosystèmes.

L’homme moderne a déjà un impact considérable sur les équilibres naturels et sur la faune et la flore : agriculture intensive, agrochimie, fractionnement géographique par les infrastructures de transport, bétonnages et asphaltages, « assainissements » des milieux marécageux, réchauffement climatique, pollutions diverses, épuisement des ressources naturelles, etc. Dans ce contexte, les dérives de la chasse de loisir constituent une pression supplémentaire sur la faune et les biotopes. Elles deviennent un facteur aggravant qui accélère les disparitions et contrecarre les efforts réalisés par d’autres pour la sauvegarde et la protection de la nature.

La gestion de la faune et de ses habitats est une responsabilité du propriétaire mais avant tout de l’autorité publique et doit être assumée par le DNF. Cette gestion doit se baser sur des données objectives et doit veiller à l’intérêt général de la collectivité. En l’occurrence, son but doit être de veiller à assurer des conditions de vie naturelle à la faune sauvage afin de la protéger et de la sauvegarder à long terme.

La régulation des grands mammifères, en l’absence de prédateurs naturels, nécessite un suivi scientifique permanent de la faune.

Seuls des plans de tirs sélectifs, établis par le DNF sur cette base objective, permettent de viser l’équilibre naturel et non la maximisation des tableaux de chasse.

« Le chasseur remplace les grands prédateurs ».

Les chasseurs ont traqué, voire éliminé, pendant des siècles, avec acharnement, tous les prédateurs qu’ils considéraient comme des concurrents. Aujourd’hui, ils prétendent encore se substituer à eux. Même les plus petits de ceux-ci, comme les « becs droits et crochus » (les corvidés et les rapaces dans le langage des chasseurs) sont toujours persécutés. C’est ainsi que, régulièrement, s’élève la voix du chasseur pour dire qu’il y a trop de pies, de corneilles, d’autours et de buses. Certains d’entre eux réclament alors la cessation de la protection des corvidés et des oiseaux de proie, qu’ils jugent trop abondants.

Pour le chasseur, réguler c’est donc éliminer: comme le renard, dont la destruction est inutile et contreproductive puisque les individus tués sont systématiquement remplacés par les jeunes d’autres territoires qui doivent ensuite, eux aussi, être tirés ; ce brassage forcé des populations a alors pour effet de favoriser la dispersion des maladies (zoonoses).

« Que la marche du monde soit basée sur le triomphe du fort et l’élimination du faible, c’est une idée trop simple. Il est nécessaire qu’un équilibre s’établisse, car le fort ne peut régner sur le désert et il ne faut pas télescoper l’idée d’évolution en imaginant que la nature fournisse sans cesse au fort de nouveaux organismes avec qui se mesurer. Le mécanisme de cet équilibre, c‘est justement que la crainte du puissant délivre les faibles de leurs peurs réciproques et les coalise contre lui. Il s’établit ainsi un équilibre entre une certaine masse de petits et quelques puissants, qui ne peuvent pas être très nombreux, car le manque d’espace vital les pousse à se détruire, par concurrence violente ou plus simplement par les privations ».

Robert Hainard.

Que les prédateurs soient régulés par le nombre de leurs proies et qu’ils les recyclent dans l’écosystème, c’est une loi écologique que le monde de la chasse de loisir refuse d’entendre. Pourquoi ? Car elle dit l’inutilité de celle-ci pour la nature : la régulation de la faune se fait par l’écosystème lui-même. Dans ce système les prédateurs naturels font partie d’une chaîne trophique où proies et prédateurs s’équilibrent les uns les autres depuis toujours.

La nature n’a pas besoin des dérives de la chasse mais plutôt d’espaces et de milieux naturels plus équilibrés. Le retour en Wallonie des grands prédateurs, comme le Lynx ou le Loup, doit être accepté et favorisé. L’intervention du chasseur doit se limiter à se substituer à ces prédateurs s’ils sont absents et s’il n’y a pas de solution alternative.

« La chasse, facteur de sélection ».

La prédation est un comportement par lequel un animal localise une proie et produit un effort pour la tuer dans le but de la consommer. Le prédateur procède suivant la loi du moindre effort : il recherche l’animal le plus déviant par rapport à la moyenne, celui qui est blessé, malade, épuisé. Le prédateur naturel sélectionne donc ses proies, souvent les plus faibles; en outre, sa présence permanente induit une dispersion plus importante de celles-ci, ce qui est bénéfique à l’équilibre global de la nature. Le prédateur contribue dès lors au maintien d’une population saine de ses proies qui, a contrario, se sont adaptées à la prédation qui s’exerce sur elles.

Il paraît évident que le gibier n’a pas été sélectionné par l’évolution pour faire face au chasseur en réagissant comme il le ferait face à un prédateur naturel pour se défendre. Pourtant, le chasseur prétend se substituer aux prédateurs naturels. Son impact sur la faune est fort différent de celui qu’exerce la prédation naturelle, d’autant plus qu’il injecte dans la nature du gibier d’élevage, totalement inadapté à la vie sauvage, ou qu’il le nourrit artificiellement.

Puisque les prédateurs contribuent à l’équilibre de la nature, il faut donc les favoriser, eux, plutôt que les combattre, et non favoriser la chasse. D’ailleurs, ces prédateurs disparaissent ou diminuent proportionnellement au nombre de leurs proies disponibles. Mais, malheureusement, lorsqu’une espèce diminue (Perdrix grise, Sarcelle d’hiver par exemple), plutôt que d’accepter un moratoire sur la chasse, le chasseur-consommateur préfère continuer son hobby avec du gibier artificiel, élevé ou nourri de manière intensive. La chasse d’élevage ne peut en aucun cas mener à l’équilibre des populations et du biotope.

La vision de la nature qui se résume au gibier artificialisé et qui ne se préoccupe pas de la faune naturelle dans son ensemble est une position très réductrice.