Le Ministre wallon de la Nature propose un avant-projet de décret modifiant la loi sur la conservation de la Nature. Ces modifications ont plusieurs objectifs, entre-autres :

  1. Introduire légalement des individus d’espèces chassables (Perdrix grises, Faisans de Colchide et Canards colverts) dans la nature. À lire ici.
  2. Permettre une obtention aisée de dérogations létales pour détruire le Castor, le Blaireau, le Héron cendré et le Grand Cormoran.
  3. Ajouter à la liste d’espèces chassables la Pie bavarde et la Corneille noire, sous prétexte d’aider la petite faune des plaines. À lire ici.

Nous sommes radicalement opposés à ces trois mesures de l’avant-projet de décret. Il est à noter que d’autres propositions sont plus constructives, heureusement. Nous argumentons ici en faveur de la nature, du bien-être animal et du respect de valeurs partagées par la plupart des citoyens.

Vous aussi, vous êtes contre ces différents points ? Alors envoyez une lettre au Gouvernement wallon !

Ce projet de révision de décret modifiant la loi sur la conservation de la Nature est disponible ici.

L’avis du Conseil Supérieur Wallon de la Conservation de la Nature sur ce projet est disponible ici.

Ne détruisons pas le Castor, le Blaireau, le Héron cendré ou le Grand Cormora

Ces espèces posent parfois des problèmes très ponctuels de cohabitation avec l’homme. Le fond d’une prairie est inondé par un barrage de castor, un héron vient souvent se nourrir dans une pisciculture, etc. Mais pour tous ces problèmes, des solutions non-létales existent qui peuvent être facilement mises en place. Tuer un individu d’une de ces espèces doit rester exceptionnel et doit avoir lieu seulement quand toutes les autres solutions possibles ont déjà été mises en pratique et n’ont pas porté leurs fruits.
Nous demandons donc de ne pas permettre une obtention aisée de dérogations létales pour ces quatre espèces protégées, dont certaines en déclin. Toutes autorisations de ce type devraient toujours passer par le Conseil Supérieur Wallon pour la Conservation de la Nature qui est une instance constituée de différents acteurs (scientifiques, associations et autres conseils) permettant d’avoir un avis objectif sur les dérogations.

L’expansion du Héron cendré est terminée depuis plusieurs années et il en est de même du Grand Cormoran. Ces oiseaux voient d’ailleurs leur population régresser chez nous depuis plusieurs années. Ces deux espèces se nourrissent entre autres de poissons, certains pisciculteurs ne les apprécient donc pas ainsi que certains pêcheurs… Mais les conflits sont de plus en plus rares et localisés. De nombreux moyens de dissuasion non-létaux existent pour faire fuir ces espèces. Ils doivent être préférés aux exécutions. Le Héron n’est pas uniquement piscivore. Il est fréquent de le voir en plein champ, contribuant à maîtriser les populations de campagnols, il offre donc des services utiles aux agriculteurs !

 

Le blaireau a été exterminé dans de nombreuses régions au siècle passé, il recolonise maintenant difficilement ses territoires perdus. L’espèce souffre de la disparition d’habitats propices. Les zones naturelles disparaissent et les routes fragmentent son territoire. Quelques dommages, souvent insignifiants aux champs de maïs en fin de saison lui sont reprochés.

Il convient de noter que la plupart des dégâts dans les prairies et champs sont dus aux sangliers, dont leur nombre a explosé suite aux nourrissages artificiels pratiqués par certains chasseurs. Comme ces derniers doivent payer les dégâts, ceux-ci sont souvent attribués au blaireau car, pour lui, c’est l’administration qui doit mettre la main au portefeuille. D’ailleurs après des formations pour que les experts identifient mieux les dégâts dus aux sangliers de ceux des blaireaux, on est passé en 2012 d’environ 400 000 € de dégâts liés au blaireau en Région wallonne à 40 000 à 55 000 € par an au cours des trois dernières années !

Le Castor est un animal territorial se nourrissant de végétaux. Malhabile en dehors de l’eau, il construit parfois des barrages pour élever le niveau d’eau et ainsi atteindre plus facilement les végétaux. Ces barrages peuvent poser très localement problème en inondant certains milieux. De plus, certains se plaignent de ses attaques sur les arbres des berges. Mais des solutions pour une meilleure cohabitation existent et l’éliminer de sites occupés ne sert qu’à ouvrir la porte à des jeunes qui cherchent à s’établir. Plutôt que de devoir procéder à une destruction perpétuelle où l’espèce pose problème, il est préférable, par des grillages, d’assurer la protection des digues qui ne peuvent être fragilisées et des arbres à préserver. La pose de clôtures est la meilleure solution, la plus durable et ne demandant qu’une seule intervention.

La Castor est une espèce clé dans nos écosystèmes : en coupant et mangeant les végétaux le long des cours d’eau, il va ouvrir le paysage et permettre à un cortège de nouvelles plantes d’apparaître. Les zones humides créées par ses barrages forment un habitat idéal pour des centaines d’espèces dont de nombreuses en danger. Ces barrages sont aussi utiles pour lutter contre les inondations (Law et al., 2016).

Nous demandons donc que chaque dérogation létale concernant la destruction d’individus de ces quatre espèces passe toujours au CSWCN pour discussion et validation au besoin.

Référence : Law A., McLean F. & Willby N. J (2016), Habitat engineering by beaver benefits aquatic biodiversity and ecosystem processes in agricultural streams. Freshwater biology, 61, 486-499.