Sangliers : Monsieur le Ministre, les nourrir n’est pas une solution pour limiter leur population !

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Réponse au billet de Monsieur le Ministre de la Nature et de la Chasse, René Collin (CdH), intitulé : « Sangliers : la Wallonie a pris les mesures adéquates ! »

Disponible ici : http://www.rene-collin.be/sangliers-la-wallonie-a-pris-des-mesures-adequates/

Le nourrissage généralisé du sanglier, favorisé par le Ministre de la Région wallonne en charge, notamment, de l’Agriculture et de la Nature, est une vraie calamité pour les non-chasseurs.

Il y a trop de sangliers en Région wallonne par rapport à la capacité d’accueil des écosystèmes. En effet, ces animaux profitent d’un nourrissage artificiel réalisé par les chasseurs toute l’année.

Le nourrissage des sangliers est censé être un moyen de dissuasion pour les empêcher de se nourrir dans les cultures. Mais celui-ci n’est souvent qu’un prétexte pour augmenter le dynamisme des populations et fidéliser les sangliers à un territoire de chasse.

Les sangliers sont à l’origine de dégâts causés à l’agriculture, à la production sylvicole et aux écosystèmes naturels. C’est un véritable désastre écologique qui se déroule sous nos yeux au seul profit de ces quelques chasseurs d’affaires qui ont l’oreille attentive du Ministre et de son parti et qui souhaitent accroître leur « capital gibier » de sangliers et leurs activités cynégétiques de loisir.

Afin de satisfaire à leur demande, le Ministre, dès le début de son mandat, a revu la bonne décision prise par son prédécesseur en autorisant le nourrissage du sanglier toute l’année, alors qu’il ne l’était que durant 6 mois précédemment. Un sanglier bien nourri aura plus de marcassins, la population ne peut alors qu’augmenter.

Outre les dégâts sylvicoles et à l’agriculture, le sanglier surabondant provoque par sa prédation la destruction des taillis et de la flore, la disparition des oiseaux nichant au sol et aussi celle des batraciens et des reptiles. L’élimination de la Vipère péliade ou de la Gélinotte des bois en sont des exemples les plus dramatiques.

Alors non, Monsieur le Ministre, vous n’avez pas pris les bonnes dispositions pour limiter les populations. Ce n’est pas en augmentant le nourrissage pour pouvoir en tirer plus à travers un assouplissement des battues de « destruction » que le nombre de sangliers va diminuer.

La LRBPO demande une interdiction du nourrissage dissuasif comme c’est déjà le cas au Grand-duché du Luxembourg.

L’exemple du Grand-duché du Luxembourg

Le sanglier est un omnivore qui profite particulièrement bien du nourrissage artificiel des chasseurs. Cela a été mis en évidence scientifiquement. Par exemple, un article paru dans la revue « Forêt wallonne »[1] en témoigne. Il nous indique entre autres que :

  • « En raison de son régime alimentaire omnivore et opportuniste mais essentiellement végétal, le sanglier cause des dégâts importants aux cultures agricoles ».
  • « Les arguments en faveur du nourrissage et de l’agrainage ne tiennent pas debout face à une analyse basée sur des études scientifiques approfondies. Par contre, l’apport de nourriture supplémentaire a des effets négatifs scientifiquement prouvés, notamment en contribuant à l’augmentation dramatique des effectifs de sangliers observée les décennies passées. Au Luxembourg, des laies de 17 kg, âgées de 4 mois, participent déjà à la reproduction. Or le niveau des effectifs est le facteur le plus important déterminant le niveau des dégâts agricoles. Il semble donc probable, voire certain, que l’apport de nourriture est une des raisons principales, mais indirectes, des dégâts agricoles élevés observés au Luxembourg. Selon des études scientifiques à l’étranger, la contribution des populations serait due essentiellement au fait que l’effet réducteur des années d’absence de glandée est annihilée par la nourriture apportée par les chasseurs ».

Une nouvelle loi sur la chasse est d’application depuis 2011 au Grand-duché. Elle présente un modèle à suivre par la Région wallonne car elle définit clairement les objectifs de la chasse de façon à répondre à l’intérêt général, notamment en interdisant et en sanctionnant toute forme de nourrissage: « Art. 11. Le nourrissage qui consiste dans l’apport d’une alimentation supplémentaire au gibier est interdit ». Cette loi précise également que : « Art. 17. Le lâcher d’animaux appartenant aux espèces classées gibier ou d’autres espèces animales en milieu naturel est interdit ».

Les chasseurs nourrissant les sangliers ne sont pas les gestionnaires de la nature. Leurs pratiques de nourrissage et leur incapacité à limiter le nombre des sangliers en est une des nombreuses illustrations. Au contraire, ils accroissent artificiellement les effectifs de sangliers et corollairement aussi ceux d’autres espèces. Ils  prétendent devoir nourrir tout en indiquant simultanément que la nature est généreuse en favorisant les glandées abondantes sous l’effet du réchauffement climatiques.

Il  n’est pas bon de créer des déséquilibres dans la forêt en y nourrissant une espèce et ce pour en tirer plus dans des conditions où, en outre, le bien-être animal n’est pas respecté. Il faut donc revoir en Région wallonne la loi sur la chasse, en suivant l’exemple luxembourgeois.  Et il faut aussi que cesse le pouvoir exorbitant du lobby de la chasse auprès d’un certain monde politique.

[1]  Erasmy Jean-Jacques, Wolter Frank et Schley Laurent. « La réforme de la législation au Grand-duché de Luxembourg, avec focalisation sur le nourrissage du gibier ». Forêt wallonne. Mai – juin 2008.