SA greffe plumes

Enture : greffe pour des plumes (refaites) sur mesure

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Notre Centre de Soins pour la Faune Sauvage est malheureusement parfois confronté à des cas de maltraitance. Que ce soit dans le but de nuire à l’animal, le blesser ou le garder en captivité illégalement, la faune sauvage n’est pas épargnée par la bêtise humaine.

Fin juin 2024, à une semaine d’intervalle, ce sont deux oiseaux qui ont franchi les portes du Centre avec les plumes découpées avec des ciseaux : un Pigeon ramier (Columba palumbus) et une jeune Corneille noire (Corvus corone). Toutes les plumes principales, les rémiges et les rectrices, avaient été coupées, ce qui empêchait totalement le vol de nos deux pensionnaires, alors cloués au sol.

Copie de Les rectrices du Ramier ont été coupées aux ciseaux

Mais une plume, ça repousse ?

Oui, mais le temps de repousse est très long. Les oiseaux ne muent en général qu’une à deux fois par an. Pour le cas de la Corneille, la première mue partielle a lieu à la fin de l’été, mais n’est complète qu’un an après. La garder en captivité tout ce temps n’était pas envisageable… Souvent, lorsqu’une plume d’un oiseau est cassée, il est coutume de l’arracher précautionneusement pour stimuler la repousse, qui prendra environ un mois pour les rémiges et rectrices. Certains oiseaux les arrachent d’ailleurs d’eux même en cas de besoin.

Pourquoi ne pas toutes les arracher ?

Arracher une plume n’est déjà pas très agréable, en arracher une cinquantaine n’est pas la même histoire. L’oiseau se retrouverait presque nu et dans un état de stress profond en attendant la repousse complète, en sachant que la mue est progressive dans la nature. De plus, l’arrachage massif pourrait induire une repousse vicieuse des plumes, qui pourraient ne plus s’aligner dans un axe correct, condamnant pour toujours l’oiseau. Il faudrait alors arracher quelques plumes progressivement, attendre un mois de repousse, et recommencer l’opération une dizaine de fois, soit encore une éternité en captivité…

Alors que faire ?

Copie de Jonction de l'enture

La solution nous vient d’une pratique de fauconniers utilisée depuis des siècles. L’enture, ou le rempennage, qui consiste au remplacement des pennes (les rectrices et rémiges) cassées par des nouvelles plumes issues d’une mue précédente ou d’un oiseau donneur.

Les plumes doivent être installées à leur place exacte et avec une grande précision, dans l’axe parfait, pour ne pas entraver le vol. La rémige primaire n°1 remplace donc la n°1, etc. Afin de faciliter la greffe, les plumes sont coupées au même endroit sur le calamus, soit la base de la tige, plus large et naturellement troué. Une fine tige sera insérée dans la base des deux plumes pour les relier ensemble. Anciennement pratiquée avec des aiguilles, on utilise aujourd’hui plutôt des tiges souples résistantes comme de la fibre de verre ou de carbone. Le tout est fixé avec une colle instantanée, qui doit être appliquée méticuleusement pour ne pas engluer les autres plumes en bordure. Lorsqu’il s’agit de remplacer autant de plumes, l’anesthésie générale est de mise. Celle-ci offre un bon confort de travail pour cette manipulation. Notre vétérinaire Nathalie a donc prêté main-forte à notre Centre dans ce cadre. Trois heures ont été nécessaires pour enturer notre Corneille et notre Pigeon. Plus petit encore, un Martinet noir (Apus apus) a pu bénéficier d’une enture partielles de 8 rémiges primaire et de 6 rectrices.

Que sont-ils devenus ?

Le Pigeon ramier a dû tout de même patienter un mois car de nombreuses autres plumes étaient également arrachées. Il a pu retrouver la liberté après un peu plus d’un mois. Ses plumes enturées tomberont à la prochaine mue.

La Corneille quant à elle, a dû patienter de longues semaines avant l’enture pour terminer sa croissance, puisqu’elle est arrivée juvénile chez nous. Les plumes ne peuvent être rempennées que sur des plumes complètement développées. Un mois après son arrivée, elle a pu se parer d’un nouveau jeu de plumes. N’étant pas habituée à ce nouveau poids, elle s’est musclé quelques semaines en volière et a fait des progrès très rapides. Elle a pu être relâchée deux semaines après.

Enfin, notre Martinet a bien supporté la greffe et a pu retrouver la liberté seulement quelques jours après son enture, sous les yeux rassurés de nos soigneuses, bénévoles et stagiaires.

Tout est bien qui finit bien pour ces trois oiseaux, grâce à nos collaborations fructueuses.
Longue vie à eux !

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