Ou comment, la Région wallonne contourne la Directive de l’Europe qui interdit la chasse aux oiseaux durant leur migration prénuptiale et leur période de reproduction.
Selon le poil ou la plume
Lorsqu’il est question de dommages causés par des animaux, les règles qui s’appliquent diffèrent parfois totalement selon que ces dommages résultent d’espèces à poils ou à plumes. Lorsqu’il constate des dégâts dans ses champs, l’agriculteur peut en réclamer l’indemnisation aux titulaires locaux du droit de chasse si ces dégradations ont été commises par des mammifères gibiers (cerf, sanglier, lapin …). Pour les mammifères protégés (loup, lynx, blaireau …), l’indemnisation est accordée par l’autorité publique.
Mais, il en est tout autrement lorsque des oiseaux sont mis en cause, qu’ils soient gibier (bernache du Canada, canard colvert, pigeon ramier…) ou espèce protégée (choucas des tours, corbeau freux, corneille noire, pie bavarde …). L’agriculteur n’est pas invité à introduire une demande d’indemnisation. Au contraire de veiller à ce que les oiseaux restent en vie, la Région wallonne préfère octroyer des autorisations de destruction (admirez la nuance pour éviter l’usage du mot «chasse»). Pourtant, ces oiseaux ne peuvent être tirés que par des chasseurs.
Même sans dommages
Si, pour l’indemnisation, il est indispensable qu’il y ait des dommages reconnus et évalués, pour obtenir une autorisation de destruction, il n’est pas nécessaire qu’il y ait réellement des dégâts. La présomption de ce que les oiseaux sont susceptibles d’en commettre suffit. C’est pourquoi, même en l’absence de dommages, la destruction peut être autorisée. Il est aussi permis d’attirer l’espèce visée au moyen d’appelants et/ou de leurres. Si, de plus, l’oiseau invité à venir, se pose sur un champ voisin, parce qu’il n’est pas intéressé par la culture concernée par l’autorisation de destruction, il peut néanmoins être abattu s’il se trouve à moins de 50 mètres de cette culture (cas du ramier). C’est ahurissant ! Et, plus absurde encore, est la délivrance d’autorisations de destruction pour des céréales versées, devenues sans valeur, puisqu’elles ne seront pas moissonnées. Enfin, la destruction est souvent aussi autorisée, sans dommages apparents, lorsqu’elle est sollicitée par des chasseurs.
Si ce n’est une chasse masquée
Pourquoi les dommages sont-ils indemnisables lorsqu’ils sont causés par certains mammifères et ne le sont-ils pas lorsqu’ils ont des oiseaux pour origine ? N’est-ce pas pour permettre aux chasseurs de poursuivre leurs massacres en période de fermeture de la chasse ?
Pourquoi l’autorisation de destruction n’est-elle pas consécutive à des dommages existants et importants ? N’est-ce pas parce qu’il n’y en aurait que rarement ?
Pourquoi autoriser de faire usage d’appelants et/ou de leurres dans le but d’attirer les oiseaux ? N’est-ce pas là une action de chasse en opposition au but de les éloigner de la culture à protéger ?
Pourquoi accorder des durées de destruction dépassant de beaucoup les périodes vraiment à risques ? N’est-ce pas parce que ces périodes seraient trop courtes pour satisfaire les chasseurs ?
Pourquoi autoriser des destructions lorsqu’il n’y a rien à protéger ? N’est-pas là la preuve la plus évidente d’être en présence d’une chasse illégale dissimulée ?
C’est pourquoi, la Ligue Royale Belge pour la Protection des Oiseaux est en recours au Conseil d’État contre cette chasse masquée. Elle va s’attaquer à cette mascarade illégale jusqu’à ce que tous les oiseaux soient, enfin, réellement protégés durant leur retour prénuptial et leur temps de reproduction.