Thomas Gilbert Pearson est le premier Président du CIPO, il est ici photographié, dans les années trente, en Amérique du Sud, en compagnie d’un Cariama huppé (Cariama cristata).

Il y a 100 ans, le 20 juin 1922, à midi, une réunion a lieu au domicile londonien du chancelier de l’Echiquier, Sir Robert Horne. Les invités, unis par leur passion commune pour les oiseaux, ont décidé de réagir aux menaces qui pèsent à l’époque sur l’avifaune en créant le Comité International pour la Préservation des Oiseaux (CIPO – ICBP en anglais).

Les personnes qui se sont rencontrées ce jour-là, outre Sir Robert Horne, sont : le Dr Thomas Gilbert Pearson (cofondateur et président de la «National Association of Audubon Societies» aux Etats-Unis – actuellement «National Audubon»); Frank E. Lemon (secrétaire de la «Royal Society for the Protection of Birds» – RSPB); Jean Delacour (président de la «Ligue Française pour la Protection des Oiseaux» – LPO); P.G. Van Tienhogven et le Dr A. Burdet des Pays-Bas.

Les premières préoccupations du CIPO sont la protection des oiseaux migrateurs, l’identification, l’inventaire et la protection des principales zones de rassemblement des oiseaux migrateurs.

Plusieurs personnalités belges ont participé au CIPO : J.-M. Derscheid est secrétaire pour l’Europe en 1928; Louis Giltay crée la section belge du CIPO en 1935; Léon Lippens est secrétaire de la section belge puis secrétaire-général et enfin vice-président de 1935 à 1950; Charles Dupond est membre en 1952; le Docteur René Verheyen est président de la section belge dans les années cinquante, Edgar Kesteloot est président de la section belge de 1966 à 1970; Henri Franckx est membre de la section belge de 1966 à 1980; André Rappe est membre puis président de la section belge de 1966 à 1984; Antoon Frans De Bont est membre de la section belge à partir de 1966 puis co-président de 1977 à 1984; Jean-Claude Ruwet est co-président en 1977; Walter Pfeiffer est membre de la section belge en 1979; Albert Demaret est membre de 1966 à 1984; Jules Fouarge est membre de 1968 à 1983; Johan Vandervelden est membre de 1984 à 1991; et bien d’autres…

En ce qui concerne la Ligue Belge pour la Protection des Oiseaux, voici, à notre connaissance, les personnalités qui se sont impliquées dans le Comité : la Marquise de Pierre est membre du CIPO de 1928 à 1935; Louis Hicguet et Edmond Docclot représentent la LBPO à la réunion du CIPO en 1935; Roger Arnhem est secrétaire adjoint faisant fonction en 1977 puis secrétaire de 1979 à 1989; Frederik De Wilde et Jan Hublé sont membres de 1966 à 1980; Paul Herroelen est membre à partir de 1980 et devient vice-président en 1983.

Le CIPO tombe en désuétude après la seconde guerre mondiale, il redevient de nouveau actif en 1983 avec l’embauche d’un premier directeur salarié.

Toutes les associations pouvaient faire partie du CIPO, mais cette situation, avec le temps, est devenue ingérable. C’est pourquoi, en mars 1993, il est décidé qu’une seule association par pays sera représentée au Comité. En 1995, le CIPO est devenu BirdLife. Actuellement, il y a 117 partenaires de BirdLife répartis dans autant de pays, qui totalisent des millions de membres.

De 2003 à 2006, Birdlife International a, par exemple, activement défendu l’idée que les oiseaux migrateurs n’étaient pas le premier risque pour la diffusion de la grippe aviaire, mais que l’industrie avicole pouvait être à la source du problème et de sa diffusion, probabilité que la FAO a officiellement reconnue le 22 mai 2006 (Wikipédia).

Actuellement, la Princesse Takamado du Japon a remplacé la reine Noor de Jordanie à la présidence de Birdlife.

Le CIPO et la Ligue : une histoire mouvementée

1935
Les 11 et 13 juin, le Comité International pour la Protection des Oiseaux se réunit à Bruxelles où la Belgique est représentée par la Marquise de Pierre, présidente LBPO, par Charles Dupond représentant un certain Comité pour la Protection des Oiseaux, par le Docteur J. Jacobs de la Société Zoologique de Belgique, par le Professeur Victor Van Straelen du Musée Royal d’Histoire Naturelle et par Louis Giltay, Docteur en sciences, conservateur-adjoint puis directeur du Musée d’Histoire Naturelle. À l’ordre du jour, il y a la modification de la Convention de Paris de 1902. Cinq associations ayant remis des dossiers (Association Belge pour l’Étude et la Protection des Oiseaux – LBPO – Musée Royal d’Histoire Naturelle – SRPA – Société Royale Zoologique), seul le projet de la Ligue est radical. Il demande la suppression totale de la tenderie et la protection de tous les oiseaux, tandis que les autres demandent des améliorations à la législation, parfois dans le mauvais sens, ou simplement le statu quo. Étonnant, pour des défenseurs de l’avifaune ! C’est cette même année que, sous l’impulsion de la Marquise de Pierre, le 13 décembre, est créée la section belge du CIPO.

1938
Un grand malaise est apparu lors de la réunion de la Section continentale européenne du CIPO, tenue à Vienne, en Autriche, du 3 au 6 juillet, où la Ligue Belge pour la Protection des Oiseaux est représentée par la Marquise de Pierre. Le principal grief de la Ligue contre le CIPO est d’accueillir en son sein des éléments indésirables ou qui le sont devenus…

Deux exemples :
• Jean Delacour, Président de la LPO (France), nommé président de la Section française puis président pour l’Europe du CIPO, est aussi propriétaire du parc zoologique de Clères qui vend régulièrement toutes sortes d’animaux exotiques par l’intermédiaire du bulletin «La Terre et la Vie» publié par la Société d’Acclimatation de France.

• Léon Lippens, Secrétaire de la Section belge du CIPO est chasseur et membre du Conseil supérieur de la Chasse et même membre du Comité d’honneur de l’Association ornithologique de Belgique (association de tendeurs). «Lippens n’est pas un protecteur, mais un arriviste très «fêté» en ce moment par une revue qui s’intitule «Zoo-Monde» écrit Madame H. Renard, le 4 août 1938, à la présidente de la Ligue. Ce périodique, qui en est à son quatrième numéro, glorifie les cirques, les ménageries, les zoos, les marchands d’oiseaux et de la faune, et défend la vivisection. Il attaque systématiquement la Ligue dans chacune de ses éditions.

Miss Speedwell Massingham du «Plumage Act Group» qui fait partie de la RSPCA de Londres écrit le 17 mai à notre Présidente : «Je me bats tout le temps contre les gens du Comité (ndlr:CIPO) s’ils ont un intérêt quelconque dans le commerce, la capture, la destruction, la collection d’oiseaux, de plumes, d’œufs ou de nids, car il me semble que ces gens se moquent du Comité de protection auquel ils participent».

La réaction ne se fait pas attendre. Léon Lippens écrit à la Ligue que le CIPO section belge, en sa réunion du 30 mars, a décidé que seuls les nationaux belges, résidant en Belgique, peuvent avoir le droit de siéger dans la Section nationale belge du CIPO. Dès lors, la présidente de la Ligue, française par son mariage et habitant en France, ne peut plus participer aux réunions du CIPO. Par conséquent, elle n’est même pas invitée au prochain Congrès de Rouen. C’est une manière habile pour écarter une Ligue gênante d’un Comité de protection !

La réunion du CIPO à Rouen, du 6 au 8 mai, et le Congrès ornithologique de la même ville, du 9 au 13 mai, sont ceux de toutes les absurdités. Les chasseurs y sont conviés officiellement ainsi que les directeurs des zoos, les cercles d’amateurs d’oiseaux de cages, les commerçants…
Bref, tous ceux qui ont un «intérêt dans les oiseaux» comme le précise l’invitation ! A cette réunion, Jean Delacour réussit à se faire nommer président mondial du CIPO en remplacement du Docteur Gilbert T. Pearson fondateur du CIPO et dont l’intégrité ne fut jamais mise en doute. «Il fut le président idéal, sachant allier à sa grande bonté la fermeté indispensable lorsqu’on défend une cause aussi souvent trahie que celle des oiseaux» écrit la Marquise de Pierre. La Belgique est représentée officiellement par Charles Dupond, de la Société Royale Zoologique, Administrateur du Cercle Ornithologique de Bruxelles (Protecteur des oiseaux en cage), et par Monsieur Dupire du même cercle. Néanmoins, la Marquise ne s’avoue pas vaincue, elle réussit à se faire inviter au Congrès et à y prendre la parole pour, une fois de plus, dénoncer la dérive de ceux qui ont réussi à infiltrer le milieu protectionniste pour mieux orienter les décisions dans le sens de leurs intérêts personnels. Elle veut que le CIPO soit réorganisé. Son intervention a eu beaucoup de succès, dit-on. Mais l’arrivée des hostilités va arrêter net toutes décisions et actions, qu’elles soient dans le bon ou dans le mauvais sens de la protection des oiseaux.

1975
«Le CIPO – section belge ne s’est plus réuni depuis 1968. Cette situation est ridicule ! Il est heureux que, pendant ce temps, deux ou trois sociétés se sont occupées activement de protection des oiseaux et de bien faire avancer les choses» (D’après une lettre du Dr Rappe, Président d’Aves au Président de la Section belge du CIPO, Mr Kesteloot).

1977
La section belge du CIPO, dont le secrétaire adjoint n’est autre que le Président de la Ligue, Roger Arnhem, se réunit en avril. L’un des points à l’ordre du jour est le ramassage des œufs de vanneaux qui se pratique surtout aux Pays-Bas. Chaque année, cent mille œufs sont récoltés.

1978
La communautarisation est en marche. Le professeur Jean-Claude Ruwet (service d’éthologie et psychologie animales de l’Université de Liège) demande au Président du CIPO, le Professeur Antoon De Bont de provoquer une réunion pour scinder le Comité en deux ailes «communautarisées», l’une néerlandophone et l’autre francophone à l’image de la nouvelle Belgique.

1979
Après une léthargie de plusieurs années, et après sa récente restructuration, la section belge du CIPO, sous la co-présidence des Professeurs Antoon De Bont et Jean-Claude Ruwet, et sous l’impulsion du secrétaire Roger Arnhem, a analysé la situation des oiseaux dont la chasse est admise et a émis des propositions aux ministres responsables. Ces mesures visent à interdire la chasse le long des voies de migration (Oie cendrée, Sarcelle d’été, Pluvier doré), pendant l’hivernage (Oie rieuse), à supprimer totalement la chasse (Bécassine des marais), à raccourcir la période de chasse (Canard siffleur, Bécasse des bois). Grâce à l’avis du CIPO et à la coopération unanime de toutes les associations belges pour la défense de l’environnement et d’études ornithologiques, quatre autorités ministérielles régionales et une nationale ont signé six arrêtés concernant la chasse. Cette complication administrative, qualifiée de «chaos administratif» par Roger Arnhem, semble délibérée, chacun voulant faire cavalier seul pour se mettre en valeur. Toujours est-il que trois espèces sont à présent protégées. La Sarcelle d’été est retirée de la liste des oiseaux pouvant être chassés. Le Pluvier doré et la Bécasse des bois sont protégés uniquement en Flandre.

1980
Du 3 au 7 novembre, la XIIème conférence de la Section européenne du CIPO a lieu à Malte. Malte où les oiseaux sont massacrés en masse lors des migrations tant printanières qu’automnales. Notre Président Roger Arnhem y représente la Belgique. A cette occasion, la Ligue a remis un chèque de 13.650 £M au Fonds Ghadira de la section maltaise du CIPO, afin de renforcer leurs actions de protection dans l’île.

1992
La section belge regroupe des scientifiques et des représentants de plusieurs associations. Mais cela ne convient pas aux dirigeants du CIPO; il faut nommer pour chaque pays une seule organisation représentant le pays.

Pour la Belgique, le 6 janvier 1992, la Ligue pose officiellement sa candidature à la fonction de «Leading Organisation» du CIPO. Principal argument : la Ligue est la seule association nationale belge qui se préoccupe journellement de tous les problèmes relatifs à la conservation de l’avifaune, non seulement européenne, mais également exotique. Les Réserves Naturelles et Ornithologiques de Belgique (RNOB) sont également candidates. La candidature de la LRBPO est soutenue par le Wielewaal et par AVES.

Lors de sa réunion du 11 mars, la section belge du CIPO, qui comprend des représentants de toutes les composantes naturalistes et scientifiques du pays, discute des candidatures mais aussi de sa propre survie. Malheureusement, les membres de la section votent contre la candidature de la LRBPO. «Ces votes négatifs m’ont fortement ébranlé moralement, car j’ai cru, (naïvement), pouvoir compter sur la raison et l’amitié après 30 années de coopération amicale, dans le seul souci de mieux protéger notre faune sauvage…» écrit Roger Arnhem au Prof. J.-Cl. Ruwet et il ajoute: «Les RNOB tendent désespérément à établir un monopole insidieux sur toutes les facettes de la conservation de notre environnement, y compris la protection de l’Avifaune européenne.» S’ensuit un lobbying de la Ligue (et vraisemblablement aussi des RNOB). Toutes les sections européennes du CIPO sont contactées. Tout devrait se jouer à la 18ème conférence pour la section de l’Europe continentale du CIPO qui a lieu du 18 au 23 mai à Berlin. Notre président est présent. Aucune décision ne sera cependant prise. Dans un livret du CIPO, datant de juin 1992, la LRBPO est encore mentionnée comme unique société représentant la Belgique.

1993
Début 1993, on apprend que les RNOB ont agi en sous-main, donc à l’insu de la Ligue, et se sont octroyées le titre de «Leading organisation». Pour Roger Arnhem, c’est une trahison du responsable des RNOB.

1994
A la réunion du CIPO à Rosenheim (Allemagne) du 12 au 18 août 1994, la présence de la Ligue n’est pas souhaitée, malgré les nombreuses actions internationales qu’elle a lancées. La Ligue ne dérange pas seulement le monde politique mais aussi l’establishment international de la protection de la nature tout comme elle le faisait dans les années trente.

1995
Le CIPO devient Birdlife International.

1996
Le 2 juillet 1996, le Dr Houart, Administrateur des RNOB*, rencontre, à sa demande, notre président. La proposition est que la LRBPO devienne un membre associé (sans droit de vote) des RNOB au sein de Birdlife. La même proposition est faite au Wielewaal, à Ardennes & Gaume etc. Pour Roger Arnhem, ce n’est ni plus ni moins qu’une OPA. Les RNOB* veulent imposer leur hégémonie sur la protection de la nature dans notre pays.

Absurde n’est-il pas ?

Chaque pays est représenté dans Birdlife par une association. Tous ? Non ! Un seul a droit à deux représentants : la Belgique. Natuurpunt représente la Région flamande et Natagora la Région wallonne. Si on pousse le raisonnement jusqu’au bout, les Régions bruxelloise et germanophone devraient aussi avoir leur représentant. Et pourquoi pas un représentant pour chaque état des pays fédéralisés comme la Suisse, l’Allemagne, les Etats-Unis, le Canada, le Brésil etc.

Dans de nombreux pays, Birdlife flirte encore trop souvent avec les chasseurs. L’exemple le plus flagrant est le Liban où Birdlife s’est impliqué, depuis plusieurs années, avec les chasseurs. Ces derniers ont signé une déclaration dans laquelle ils s’engagent à ne plus piéger ni chasser les oiseaux migrateurs. Cela n’empêche pas les cinq cent mille chasseurs libanais de tuer des millions d’oiseaux chaque année: 2,6 millions en 2015, selon une étude de Birdlife; 15 millions chaque année selon l’ornithologue Ghassan Jaradi (l’Orient-Le Jour 28 avril 2021). Ce dernier chiffre me paraît beaucoup plus vraisemblable et encore en deçà de la réalité, car cela ne ferait que 30 oiseaux par chasseur et par an, ce qui est très peu. Birdlife milite pour une chasse durable au Liban. Mots vides de sens. Qu’estce qu’une chasse durable ? Tuer moins pour chasser plus longtemps ? Mais le plus hallucinant, c’est que la chasse est interdite au Liban depuis 1995. Allez comprendre.

*Aujourd’hui Natagora.