Ce matin, vous avez observé la présence d’un couple de pies, venues jacasser dans votre jardin. Et, vous craignez qu’elles vous dérobent quelque chose, puisqu’on les dit non seulement bavardes mais aussi voleuses. Quelques cerises peut-être ?
Pour vous en débarrasser, même si ce n’est qu’en prévision de quelques menus larcins, il suffit de vous adresser au Département de la Nature et des Forêts (D.N.F.). Après que vous aurez rempli un formulaire, très simple, ce service public de la Région wallonne vous autorisera, pour toute une année, à détruire le nombre que vous aurez demandé de ces oiseaux, bien qu’ils soient protégés, surtout en période printanière lorsqu’ils élèvent leurs petits. Si, en plus, vous êtes de ces tartarins chasseurs qui s’érigent en protecteurs des espèces en déclin, ce sera pratiquement en illimité. Un exemple : le 15 février dernier, la Direction du D.N.F. à Mons, n’a pas hésité à satisfaire l’un d’eux qui, au nom d’un groupement cynégétique, avait sollicité d’occire 2.500 pies bavardes et 12.000 corneilles noires. Ce printemps, ce sont ainsi plus de 70.000 de ces corvidés qui ont été octroyés à l’élimination, rien que par cette seule Direction du D.N.F.. Dire que le Département de la conservation de la Nature soit devenu un important destructeur d’espèces protégées ne semble, malheureusement, plus être de la fiction.
Ainsi, apparaissent de nombreuses illégalités que la Ligue va s’employer à faire disparaître :
- violation de l’article 5, § 1er, alinéa 2, de la loi sur la Conservation de la Nature, qui énonce que : « Sauf décision contraire du Gouvernement, la dérogation accordée est individuelle, personnelle et incessible » ;
- violation de l’article 5, § 2, de la loi sur la Conservation de la Nature, en ce que l’absence d’autre solution satisfaisante n’est nullement motivée dans les dérogations ;
- absence de motivation également sur le fait de ne pas mettre en danger la population d’oiseaux concernée, condition de fond à l’article 5, § 2, de la loi sur la Conservation de la Nature. Au contraire, les quantités autorisées défient la raison et constituent, à elles seules, une erreur dite d’appréciation. Il s’agit également d’une violation de l’AGW du 27 novembre 2003 fixant les dérogations aux mesures de protection des oiseaux qui stipule que la dérogation ne peut pas mettre en danger la population d’oiseaux concernée ;
- violation d’ordre public, pour incompétence de l’auteur de l’acte, en ce que l’article 5 de l’AGW du 23 novembre 2003 prévoit que c’est l’Inspecteur général et non le Directeur de centre qui statue ;
- violation de l’article 4, alinéa 2, de l’AGW du 27 novembre 2003 qui prévoit que l’Inspecteur général sollicite l’avis du pôle ruralité, Section Nature, ce qui ne semble pas avoir été le cas ;
- violation de la Directive européenne Etude d’incidences sur l’environnement dans la mesure où cette Directive prévoit en principe que toutes les autorisations susceptibles d’avoir des incidences sensibles sur l’environnement doivent faire l’objet d’une étude d’incidences. Ici, la quantité d’oiseaux, par rapport aux populations connues et recensées, laisse supposer une incidence importante et sensible, dont il n’a pas été permis d’évaluer les conséquences, car le Droit wallon ne soumet pas au régime d’évaluation des incidences sur l’environnement ce type d’acte administratif, ce qui devrait être jugé en soi comme une violation de la Directive ;
- violation de l’esprit de la Directive Oiseaux en ce que les dérogations sont conçues comme un pis-aller ponctuel et temporaire, alors qu’on se trouve ici dans un système de dérogations annuelles renouvelables et permanentes qui visent à vider de son contenu la protection accordée par la Directive à ces espèces.
Pour arrêter les cinq premiers recours au Conseil d’État, déposés par la Ligue Royale Belge pour la Protection des Oiseaux, la ministre Céline Tellier (ECOLO) s’est empressée de déclarer le retrait prochain des autorisations de destruction mises en recours. Nous attendons qu’elle fasse de même des 24 autres autorisations dont nous avons connaissance et également de toutes celles délivrées, tout aussi illégalement, dans les autres directions du D.N.F..