Il existe un lien entre la présence du renard et le moindre risque de contracter la maladie de Lyme.

Chélicères de la Tique du mouton (Ixodes ricinus).

Dans un article récent paru dans la revue Mens & Vogel1, Tim Hofmeester, écologue, présente le résultat d’une étude relative au rapport qui existerait entre la présence du renard, d’une part, et celle de tiques (acariens hématophages du genre Ixodes) contaminées par la bactérie responsable de la maladie de Lyme, d’autre part. 

Cette étude a été menée dans le cadre d’une thèse de doctorat de l’Université de Wageningen et du « Rijksinstituut voor Volksgezondheid en Milieu », aux Pays-Bas. Cette étude a également été publiée par la RSPB sous sa forme scientifique avec le titre « Cascading effects of predators activity on tick-borne disease risk ». 

Cet article fait référence à un autre article scientifique de Jana Heidrich, concordant, paru en Allemagne 2,3 

La maladie de Lyme, ou borréliose, est transmise par une tique infectée par une bactérie du complexe « Borrelia burgdorferi », lequel comporte différentes espèces. Pour survivre, cette tique a besoin d’un taux d’humidité élevé et vit sur les vertébrés et dans la végétation, principalement dans les forêts, lisières, taillis et bois. Elle est transportée par certains animaux sauvages et domestiques. Sa morsure, qui passe le plus souvent inaperçue au départ, transmet parfois à l’homme, par l’intermédiaire de la salive de la tique, des maladies infectieuses, comme la borréliose. Celle-ci est une affection bactérienne qui peut présenter différents symptômes et qui peut s’avérer fort grave et devenir chronique (conduisant à de l’arthrite, des troubles cardiaques et neurologiques ou de la vision, etc.) si elle n’est pas détectée et traitée. 

Borrelia burgdorferi, le parasite qui cause la maladie de Lyme a une forme serpentine et spiralée particulière, d’où son nom de spirochète.

Pour en savoir plus à propos de cette maladie, de sa transmission par une tique et comment s’en prévenir vous lirez avantageusement, par exemple, l’article des Cercles Naturalistes de Belgique « La maladie de Lyme – Mythes et réalités »4 de J-P. THYS, G. BIGAIGNON, Ph. MARTIN et/ou l’article paru dans Forêt et Nature « Lyme, l’incroyable méconnue » de Philippe MOËS .5

Selon Tim Hofmeester, la tique commune ou tique du mouton (Ixodes ricinus) connait trois stades actifs (la larve, la nymphe et la tique adulte) et trois hôtes successifs. Afin de survivre, la larve et la nymphe doivent se nourrir du sang d’un vertébré, alors que la tique adulte femelle recherche ce sang pour avoir l’énergie que nécessite l’élaboration de ses œufs. Les larves se nourrissent pour la plupart du sang de petits mammifères comme les rongeurs, tandis que les nymphes se nourrissent sur des oiseaux de taille moyenne, comme les merles, mais également sur des mammifères de diverses tailles. Quant aux adultes ils parasitent les mammifères de plus grande taille comme les sangliers, les chevreuils et les cerfs. En plus de ses hôtes porteurs, cette tique a besoin également d’un microclimat humide comme indiqué ci-dessus. Ces tiques ne naissent pas en étant porteuses d’une des bactéries de type Borrelia, mais elles sont contaminées par le sang d’un animal hôte déjà contaminé.

L’étude de Tim Hofmeester a porté plus particulièrement sur le Renard roux. Durant deux ans il chercha à établir un lien entre la présence et la densité de tiques et de mammifères, le renard en particulier, et la survenance des bactéries du complexe Borrelia burgdorferi. Pour ce faire il plaça des pièges photographiques dans 20 bois d’une surface d’un hectare, répartis dans toute la Hollande. Ces caméras détectent et filment ou photographient tout mouvement repéré par la chaleur émise par un mammifère de taille moyenne ou grande (de l’écureuil au cerf). Pour étudier la présence et la densité de plus petits mammifères comme les rongeurs (souris, mulots, Campagnol roussâtre) qui sont plus difficilement filmés, il installa des pièges (« live traps ») qui ne tuent pas l’animal mais qui permettent de le capturer pour le marquer, le relâcher ensuite et éventuellement le piéger à nouveau. Ces captures ont permis aussi de prélever et de compter les tiques présentes sur ces animaux et de les analyser en laboratoire pour constater si elles étaient infectées ou non. 

Les principaux enseignements de cette recherche particulière, qui s’inscrivait dans un cadre plus large, sont repris ci-après. 

• Il n’est pas connu à ce jour si un renard contaminé (dans une proportion de 7 renards contaminés sur 100 selon l’étude allemande de Jana Heidrich) est « capable » de transmettre la bactérie de la borréliose aux tiques qui se nourrissent de son sang. Mais Il semble en tous cas que le renard lui-même ne joue pas un rôle très important pour infecter les tiques.

• C’est la densité des petits rongeurs, qui est beaucoup plus élevée que celle du renard (de l’ordre de 1000 fois selon l’étude), qui forme le réservoir des acariens, contaminés ou non. 

• Le renard limite cette source de contamination par son action de prédation et de régulation de ses proies de rongeurs. 

• Les prélèvements de terrain de Tim Hofmeester indiquent qu’il y a moins de tiques dans l’environnement lorsque il y a plus de renards. 

• Ainsi, là où le renard a été photographié plus souvent, il y avait 4 fois moins de larves de tiques présentes sur les rongeurs et également moins de nymphes présentes dans la végétation (dans la litière par exemple), que là où il était absent. 

Il résulte donc de cette recherche que, lorsque le renard occupe naturellement sa niche écologique, le nombre de tiques, infectées ou non, présentes dans les biotopes étudiés est beaucoup plus faible. Autrement dit, il y a une corrélation négative entre le nombre de tiques, larves ou nymphes, infectées ou non par une bactérie du complexe Borrelia, et le nombre de renards. Le risque pour l’homme d’être piqué par une tique est donc relativement moindre lorsque le renard est bien présent dans un bois que lorsqu’il en est absent. 

Cela signifie qu’une contamination par une bactérie du type Borrelia afzelii, celle que portent les rongeurs forestiers, et le risque de contracter la maladie de Lyme augmente lorsque le renard est absent. 

Le renard doit donc être protégé, non seulement en raison de son rôle bénéfique aux équilibres des écosystèmes et à l’agriculture en général6, mais aussi pour des raisons sanitaires puisque le renard est predateur des petits rongeurs contaminés par des acariens qui peuvent eux-mêmes être porteurs d’une bactérie provoquant la borréliose. Ce statut d’animal protégé ne présenterait aucun inconvénient, sauf pour les chasseurs qui le déclarent nuisible afin de protéger leur gibier d’élevage. 

Il ne faut plus tuer systématiquement le renard dans le seul but de favoriser la chasse de loisir

Par ailleurs, nous savons que le régime alimentaire du renard est varié : cet animal est un omnivore généraliste. Il joue dans la nature un rôle de prédateur, entre autres et plus particulièrement, en limitant les populations des mulots et autres campagnols. Malgré ce rôle essentiel pour l’équilibre des écosystèmes, le goupil est, en Wallonie, tiré, piégé et pourchassé7 toute l’année, sans quota, et cela uniquement parce qu’il est considéré comme nuisible à leurs activités par les chasseurs de faisans et de perdrix. Pourtant le renard n’est susceptible que de prélever une infime partie de ce « gibier ». Assez paradoxalement, ces nemrods favorisent pourtant la présence de leur concurrent en garnissant son garde-manger par ces dizaines de milliers oiseaux d’élevage qui leur servent de cibles. 

En outre, lorsqu’un territoire se libère par la mort de son occupant il est rapidement reconquis par un autre renard. Ce brassage forcé des populations a d’ailleurs pour effet négatif, selon les milieux scientifiques, de favoriser la dispersion des maladies infectieuses qui atteignent les animaux et qui peuvent être transmises à l’homme (zoonoses)8. 

D’aucuns dans les milieux cynégétiques proclament pourtant que le renard est en surnombre. Mais connait-on seulement le nombre de renards tués par an en Wallonie par le tir et le piégeage et le nombre de ceux qui sont accidentés sur les routes ? Et connaissons-nous avec plus ou moins de précision la taille de sa population ? Dire qu’il y a trop de renards c’est un peu comme dire qu’il y a trop de mésanges dans les bois… 

En Flandre, il est question, selon l’article de Mens & Vogel d’une population régionale de l’ordre de 11.000 renards dont un tiers serait tuée chaque année par les chasseurs ! 

En France également le renard est exterminé sans raison autre que celle de la chasse et sous le prétexte fallacieux de préservation de la santé publique, « alors que la faculté d’autorégulation de cet animal, en fonction des ressources alimentaires disponibles, est citée régulièrement dans la littérature scientifique et que le Ministère de l’Ecologie y rapporte que « les processus épidémiologiques sont tels qu’il n’est pas justifié sur un plan scientifique d’invoquer cette maladie {échinococcose alvéolaire} pour classer le renard nuisible … et que de récentes recherches ont démontré scientifiquement qu’une forte pression de la chasse sur les populations de renards augmentait le risque sanitaire pour les populations humaines en termes d’échinococcose alvéolaire. Irions-nous vers un nouveau scandale sanitaire ? »9.

Conclusions : le Renard roux doit être protégé plutôt que chassé

Le renard limite, lorsqu’il n’est pas systématiquement éliminé, le risque de morsure par des tiques et la propagation des zoonoses par son action de prédation sur les populations de rongeurs. Il régule ceux-ci en éliminant les plus faibles, les malades, les blessés… 

Le lien qu’établit Tim Hofmeester entre la présence du renard et la moindre présence de tiques, et donc aussi le moindre risque pour l’homme de contamination par la bactérie Borrelia, ne devrait-elle pas inciter la Région wallonne à revoir, pour des raisons de santé publique, la politique d’extermination, autorisée et favorisée par la réglementation, que mènent les chasseurs contre le renard ? Et aussi de revoir et d’interdire les pratiques de nourrissage du sanglier, dans les bois et forêts, qui favorisent l’augmentation artificielle des populations de ce suidé et leur dispersion, d’autant plus qu’elles favorisent aussi, en même temps, la propagation des rongeurs porteurs de tiques qui profitent eux aussi de ces nourrissages artificiels ? Corrélativement, l’arrêt des lâchers d’oiseaux d’élevage (faisans, perdrix) dans le seul but de les chasser doit être interdit, pour toutes les raisons déjà évoquées dans de précédents articles, mais aussi parce qu’ils favorisent une surpopulation de renards … qui sont ensuite exterminés

RÉFÉRENCES

1 Tim Hofmeester. Mens en Vogel. 55ste jaargang. Nr 2. April-mei-juni 2017. Vossen en Lyme.
2 Hofmeester TR, Jansen PA, Wijnen HJ, Coipan EC, Fonville M, Prins HHT, Sprong H, van Wiesen SE. 2017. Cascading effects of predators activity on tick-borne disease risk. Proc R. Soc. B 284: 20170453. http://dx.doi.org/10.1098/rspb.2017.0453
3 Jana Heidrich. « Untersuchungen zur Prävalenz von Borrelia burgdorferi sensu lato beim Rotfuchs in Ostbrandenburg ».
4 http://www.cercles-naturalistes.be/Publications/Publicationstelechargeables/2004/Lyme1-2004.pdf
5 Forêt et Nature. N° 139. Avril-Mai-Juin 2016
6 Les exemples de limitation ou d’interdiction de la chasse au Grand-duché de Luxembourg ou dans le canton de Genève en témoignent.
7 http://www.wallonie.be/sites/wallonie/files/publications/depliant_chasse_2016-2021_final.pdf
8 Conseil Scientifique Régional du Patrimoine Naturel Grand Est. « Motion relative à l’autorisation du tir de nuit du Renard roux dans le Département de la Moselle. Conséquences écologique et sanitaire. » Avis 2016-10
9 « Lettre ouverte à l’ensemble de la classe politique française ». Collectif Renard Grand Est. 2017.