Les oiseaux disparaissent : il est temps d’agir

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Fin septembre, l’association BirdLife International a publié l’édition 2022 de son rapport de référence “L’État des Populations d’Oiseaux dans le Monde”. Peu après, début octobre, est paru le nouveau rapport “Planète Vivante” du WWF. Ces publications confirment une fois de plus l’état alarmant de la biodiversité dans le monde, et suggèrent des actions à prendre de toute urgence pour freiner le déclin en cours. Enfin, au niveau wallon, un rapport de nos confrères de Natagora décrit la situation de l’avifaune des milieux agricoles.

Les oiseaux, indicateurs de biodiversité

Le rapport de BirdLife analyse l’évolution de l’avifaune dans le monde, mais dépasse le cadre des seuls oiseaux car ceux-ci constituent un excellent indicateur de l’état de la biodiversité en général. Les oiseaux sont étudiés et protégés par des associations depuis plus d’un siècle. De plus, il existe une masse d’information considérable disponible sur les oiseaux, grâce notamment aux sciences participatives. Classés en un grand nombre d’espèces, présents dans presque tous les habitats aux quatre coins du globe, en nombres importants, les oiseaux permettent l’observation de tendances représentatives.

Les populations d’oiseaux sont en déclin, et de nombreuses espèces risquent l’extinction

Environ une espèce d’oiseaux sur huit est menacée à l’échelle mondiale. © BirdLife International

Au total, les populations de 49% des espèces d’oiseaux dans le monde sont en déclin. Ce sont les espèces des milieux agricoles (voir encadré) et les grands migrateurs qui paient le plus lourd tribut. Les déclins de populations ne concernent pas uniquement les espèces rares et menacées, mais également les oiseaux communs.

Le nombre d’espèces d’oiseaux menacées d’extinction s’élève à une espèce sur huit (1409 espèces ayant un statut vulnérable, en danger, ou en danger critique selon l’Union internationale pour la conservation de la nature, UICN). Depuis 1988, le statut de 436 espèces a changé vers une catégorie de plus grand danger. A l’inverse, le statut de 93 espèces seulement s’est amélioré.

En raison de l’expansion des activités humaines, une grande partie (environ 45%) des zones importantes pour la conservation des oiseaux identifiées par BirdLife sont dans un mauvais état.

Les activités anthropiques menacent les populations d’oiseaux dans le monde

Pressions sur les espèces d’oiseaux menacées dans le monde. © BirdLife International

Les menaces qui pèsent sur les populations d’oiseaux sont toutes liées aux activités humaines: l’agriculture, l’exploitation forestière, les espèces exotiques envahissantes, la chasse et le piégeage, les prises accessoires de la pêche, le changement climatique, le développement résidentiel et commercial, les incendies, et la production d’énergie. Certains exemples sont repris ci-dessous.

Le rapport souligne également les conséquences de nos modes de vie sur la destruction de la nature à l’autre bout de la planète. Par exemple, 33% de la dégradation de la biodiversité en Amérique centrale et en Amérique du Sud est dûe à la consommation sur d’autres continents. L’ensemble de nos choix de consommation mérite donc réflexion.

L’expansion et l’intensification de l’agriculture entraînent la dégradation et la perte des habitats

En Europe, les oiseaux communs des milieux agricoles ont diminué de 57% entre 1980 et 2020, correspondant à une perte nette de 600 millions d’oiseaux environ. L’agriculture est la première cause de diminution des populations d’oiseaux: elle impacte 73% des espèces menacées dans le monde, soit un millier d’espèces. La perte d’habitats due à l’expansion des surfaces dédiées à l’agriculture et la pollution résultant de l’intensification des pratiques agricoles expliquent cette diminution.

Les espèces exotiques envahissantes et la surexploitation sont des menaces considérables

Les espèces transportées et introduites par l’homme sur d’autres continents sont la principale cause des extinctions d’oiseaux connues à ce jour (46%), et constituent un risque majeur pour 567 espèces menacées.

Par ailleurs, “l’exploitation” (la chasse et le piégeage pour l’alimentation ou la domestication) des oiseaux par l’homme est la menace la plus étendue géographiquement. La chasse constitue un danger pour plus de 500 espèces menacées et a déjà contribué à l’extinction d’au moins 50 espèces d’oiseaux ces 500 dernières années. En région méditerranéenne, entre 11 et 36 millions d’oiseaux sont tués illégalement chaque année.

Ampleur du massacre illégal d’oiseaux en Europe, en Méditerranée, dans le Caucase et dans la péninsule arabique. © BirdLife International

Le changement climatique posera encore plus de défis à l’avenir 

Certains effets du dérèglement climatique sont déjà perceptibles: l’aire de répartition de certaines espèces a subi des modifications, et des déclins importants de populations sont observés. Mais les menaces liées au climat vont surtout s’accroître dans les décennies à venir. On estime que le dérèglement climatique pourrait toucher 97% des espèces d’oiseaux des États-Unis si la température globale augmente de 3°C d’ici 2100.

Quels moyens d’action ?

Le constat dressé par BirdLife est peu encourageant mais des solutions efficaces existent. Le rapport liste une série d’actions à entreprendre pour enrayer le déclin des populations d’oiseaux. Certaines de ces actions consistent à lutter directement contre les menaces spécifiques listées plus haut, telles que les espèces exotiques envahissantes, la chasse, les prises accessoires de la pêche. D’autres mesures suggérées sont plus globales; certaines d’entre elles sont décrites dans les paragraphes suivants.

Protéger et gérer efficacement les sites importants pour les oiseaux et la biodiversité

Il est capital de préserver et restaurer les habitats. BirdLife souligne que, pour que la création ou la conservation d’aires protégées soit la plus efficace possible, il faut cibler des territoires prioritaires pour la sauvegarde de la biodiversité. L’UICN a créé une norme internationale pour identifier de tels sites, appelés zones clés pour la biodiversité (Key Biodiversity Areas, KBA).

Eduquer et sensibiliser pour intégrer la biodiversité dans la société

Estimation de l’augmentation de la satisfaction de vie en fonction du nombre d’espèces d’oiseaux, d’après les données de plus de 26 000 citoyens européens. © BirdLife International

Les services écosystémiques (c’est-à-dire les services rendus à la société par la biodiversité) sont encore trop méconnus et donc peu souvent pris en compte dans les projets d’expansion des activités humaines. Les données de biodiversité doivent être considérées de manière systématique, afin de préserver cet irremplaçable patrimoine commun.

BirdLife insiste sur l’importance de l’éducation et de la sensibilisation. Il est plus facile d’obtenir l’adhésion du grand public à la protection de la nature si celui-ci est conscient de l’importance de la biodiversité. A l’heure où une portion toujours croissante de la population vit dans les villes, l’éducation à la nature s’avère être un enjeu majeur de changement.

L’importance de la récolte de données

La récolte de données figure parmi les actions importantes pour la conservation de la nature. En effet, ce sont les associations, les scientifiques et les observateurs passionnés qui génèrent les données nécessaires aux travaux tels que le rapport « L’État des Populations d’Oiseaux dans le Monde” et bien d’autres. A leur tour, ces travaux permettent d’orienter les efforts de conservation, et d’informer les responsables politiques, les médias, et le grand public.

Les mesures de conservation sont efficaces, mais il est urgent d’agir

En combinant plusieurs approches, les oiseaux peuvent être sauvés de l’extinction et les populations peuvent se rétablir. Le déclin des populations de certaines espèces a été ralenti, et le taux d’extinction global a pu être réduit de moitié. Mais une inversion totale de la tendance ne sera possible que si nous agissons immédiatement. Le rapport BirdLife appelle aux décisions et aux actions fortes, dans la décennie à venir.

Etat des populations d’oiseaux des milieux agricoles en Wallonie

Évolution de l’indice des oiseaux communs spécialistes des milieux agricoles en Wallonie (FBI-W) entre 1990 et 2021. La zone grisée correspond à l’intervalle de confiance à 95%. © Natagora – AVES

Une étude menée par nos confrères de Natagora dresse le bilan de l’évolution des populations de 17 espèces d’oiseaux inféodés aux milieux agricoles en Wallonie, depuis 1990. Cette étude est basée sur des données standardisées récoltées sur le terrain par des ornithologues volontaires. 

Parmi les espèces faisant l’objet de l’étude, 4 sont en augmentation, 2 sont stables, et les 11 autres sont en diminution. Les tendances les plus marquées sont une augmentation forte des effectifs de Tarier pâtre et de Pie-grièche écorcheur, et une diminution de plus de 80% pour le Bruant proyer, la Perdrix grise, la Tourterelle des bois, le Moineau friquet, et le Pipit farlouse. Les données des 17 espèces considérées sont regroupées pour calculer un indice appelé FBI (Farmland Bird Index). Cette compilation montre une diminution globale de 59,4% des populations depuis 1990, soit une perte de 2,7% par an.

Ce rapport souligne lui aussi l’urgence de prendre des mesures courageuses, mais insiste également sur l’existence de solutions. En particulier, le milieu agricole pourrait être restauré de manière rapide (beaucoup plus que les forêts par exemple), si les actions adéquates étaient entreprises, soulignant une fois de plus l’importance d’une politique agricole commune (PAC) respectueuse de la biodiversité.

 

Rapport planète vivante WWF

Le rapport Planète Vivante 2022 émis par le WWF en octobre dernier dresse le bilan des populations de vertébrés de la planète. Le constat est similaire à celui du rapport BirdLife sur les oiseaux, et les causes sont également semblables. Ici aussi, l’association souligne que tout espoir n’est pas perdu, mais qu’il est grand temps d’agir. Extraits.

Nous sommes aujourd’hui confrontés à deux urgences provoquées par l’homme et intrinsèquement liées, celle du changement climatique et celle de la perte de biodiversité. Notre avenir dépend étroitement de l’état de la biodiversité et d’un climat stable.

Aujourd’hui, le changement d’utilisation des terres demeure la plus grande menace pour la nature, détruisant ou fragmentant les habitats naturels de nombreuses espèces végétales et animales sur terre, en eau douce et en mer.

Toutefois, si nous ne parvenons pas à limiter le réchauffement à 1,5 °C, le changement climatique deviendra sûrement la principale cause de perte de biodiversité au cours des prochaines décennies. La hausse des températures entraîne déjà des phénomènes de mortalité massive, ainsi que les premières extinctions d’espèces. 

Évolution moyenne de l’abondance relative de 31 821 populations représentant 5 230 espèces. La ligne blanche indique les valeurs de l’indice et les zones colorées l’intervalle de confiance entourant la tendance (95 % d’intervalle de confiance). © WWF

Cette édition montre une chute de 69 % en moyenne de l’abondance relative des populations d’animaux sauvages suivies dans le monde entre 1970 et 2018. L’Amérique latine présente le plus grand déclin régional de l’abondance moyenne des populations (94 %), tandis que les populations d’espèces d’eau douce ont connu le plus grand déclin à l’échelle mondiale (83 %).

Des évolutions profondes seront essentielles pour changer la donne. Nous devons modifier à l’échelle du système tout entier nos modes de production et de consommation, les technologies que nous utilisons, ainsi que nos logiques économiques et financières. Pour favoriser ces changements, il faut tendre vers une nouvelle approche, basée sur des valeurs et des droits dans l’élaboration des politiques, ainsi que dans la vie quotidienne…

Cette dernière édition du Rapport Planète Vivante confirme l’ampleur des crises que nous traversons mais elle conforte aussi l’idée que nous avons encore une chance d’agir. Cela va au-delà de l’effort de conservation. Pour parvenir à un bilan “nature” positif, nous avons besoin de changements transformateurs, dans notre façon de produire, de consommer, de gouverner et de financer.

Conclusion

Les rapport cités dans cet article dressent un bilan sans appel de l’état des oiseaux et de la biodiversité sur notre planète. Il est grand temps d’agir, mais heureusement, des pistes de solutions sont identifiées, ne demandant qu’à être appliquées. C’est au niveau national et supranational que des décisions courageuses doivent être prises de toute urgence. Mais chaque individu peut aussi s’engager pour la préservation de la biodiversité, à la mesure de ses moyens. Et plus que jamais, nous devons prendre conscience des conséquences de nos choix de consommation et de nos modes de vie sur la biodiversité, chez nous ou à l’autre bout de la planète.

Bibliographie

BirdLife International. (2022). State of the World’s Birds 2022: Insights and solutions for the biodiversity crisis. https://www.birdlife.org/wp-content/uploads/2022/09/SOWB2022_FR_compressed.pdf

WWF. (2022). Rapport Planète Vivante 2022 – Pour un bilan « nature » positif. https://wwf.be/sites/default/files/2022-10/LPR_2022_FR.pdf?utm_source=website&utm_medium=landing%20page&utm_campaign=LPR22_report_FR&utm_id=LPR22

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