En automne 2019, étaient posés les premiers jalons d’un projet visant à installer, au nord de Bruxelles, un double caisson-nichoir pouvant héberger près de septante couples d’hirondelles de rivage sur une berge du Canal, et d’un autre projet visant à placer soixante nids artificiels pour hirondelles de fenêtre sur le bâtiment « Silo » (anciennes brasseries Meudon). En mars 2021, ces projets se sont concrétisés, juste avant le retour des oiseaux migrateurs dans nos contrées.
Une collaboration entre plusieurs acteurs, gage de la réussite de ces projets
Ces deux réalisations s’inscrivent dans le cadre du projet « Le Canal, un corridor au cœur de Bruxelles », coordonné par Escaut sans Frontières (et soutenu par la Région Bruxelloise) visant à promouvoir la fonction écologique du canal, et du projet coordonné par la Ferme « Nos Pilifs » (et soutenu par Cap48 et Pairi Daiza Foundation) développant des actions concrètes favorables à la biodiversité sur le territoire de Neder-Over-Heembeek. Ces deux projets fédèrent des associations soucieuses de protéger et de développer la nature en Région bruxelloise. Parmi celles-ci, le Groupe de Travail «Hirondelles de Natagora», dont l’expertise et les conseils furent, du début à la fin, précieux pour mener à bien cette aventure. La bonne volonté et l’enthousiasme du Port de Bruxelles (propriétaire et gestionnaire de la berge du Canal sur laquelle a pris place le double caisson-nichoir) et de Silo (propriétaire et exploitant des anciennes brasseries Meudon, où ont été fixés les nids artificiels) furent aussi déterminants.
L’Hirondelle de rivage de retour en région Bruxellloise !
L’Hirondelle de rivage, dont le plumage est dominé par le brun et le blanc, est un peu plus petite que l’Hirondelle de fenêtre. Elle doit son qualificatif de ‘rivage’ aux lieux qu’elle fréquente et qu’elle habite en colonie, à savoir les talus et les berges meubles à la pente raide souvent situés sur les rives des cours d’eau et des mers. Comme le Martin-pêcheur, elle y creuse une galerie, qui se termine par une petite chambre où elle installera son nid.
Cette Hirondelle est parfois observée sur le Canal à Bruxelles, volant au ras de l’eau, en train de chasser des insectes. Une colonie très importante revient chaque année au bois d’Aa à Zemst, à une dizaine de kilomètres au nord de la frontière régionale, près du Canal qui constitue un couloir de déplacement intéressant pour cet oiseau. Elle y occupe une ancienne sablière où elle niche en nombre. L’entretien régulier de celle-ci, par des bénévoles d’une section locale de Natuurpunt (débroussaillage, reprofilage des parois de sable …) , permet à l’Hirondelle de rivage de s’y maintenir, mais aussi d’accroître la colonie. Notons aussi la découverte fortuite, en 2021, d’une petite colonie qui a élu domicile sur un imposant tas de sable à l’abandon, à Vilvorde, à un peu plus de 4km de l’endroit où le Canal quitte Bruxelles pour entrer en Flandre.
En Région bruxelloise, une nidification d’un couple d’hirondelles de rivage n’avait plus été observée depuis près de 40 ans … jusqu’au mois d’avril 2021, lorsque des ornithologues ont constaté que deux ou trois couples s’étaient installés dans des anfractuosités d’un mur de berge du Canal pour y nicher, en aval du pont Buda. Les oiseaux ont plus que probablement été attirés par le double caisson nichoir et le système de repasse intégré dans celui-ci (diffusant le chant de cet oiseau), installés à proximité au mois de mars de la même année. Sept nichées ont ensuite été observées, en amont du pont Buda cette fois, toujours dans des cavités présentes dans des murs de berge …, et on soupçonne que certaines d’entre elles aient déjà été occupées en 2020.
Les murs de berge du Canal, faits de pierres ou de béton, ne permettant pas, de par leur nature, à une colonie d’hirondelles de rivage d’y creuser leurs galeries, le placement de ce dispositif artificiel est indispensable pour que ces oiseaux puissent nicher en nombre sur les rives de la voie d’eau. Les caissons-nichoirs font chacun près de 2,5m de large pour une hauteur de +/- 65cm, et une profondeur de +/- 80cm. On y compte, au total pour les deux, pas moins de 69 galeries artificielles constituées de tuyaux en PVC remplis à moitié de sable. Ces caissons ont été réalisés par des menuisiers, en situation de handicap, de la Ferme «Nos Pilifs», sur base d’un modèle développé par un passionné en Angleterre, il y a déjà plusieurs années.
Le fait que ces couples d’hirondelles ne se soient pas établis dans une des galeries d’un des deux caissons n’est pas inhabituel. En effet, il arrive souvent que les premiers arrivants ‘snobent’ les nichoirs artificiels proposés pour s’installer à proximité, dans un endroit plus naturel. En suivant ce couple pionnier, d’autres individus pourraient occuper le nichoir au cours des prochaines années.
Etendre la colonie d’hirondelles de fenêtre présente chez Ceres
Présente chez nous dès le mois d’avril, l’Hirondelle de fenêtre nous quitte en septembre pour prendre ses quartiers d’hiver au sud du Sahara. Elle présente un plumage aux couleurs contrastées : plumes blanches sur le dessous, noires sur le dessus. Nichant, à l’origine, sous les surplombs des falaises, elle a su apprivoiser nos constructions, sur lesquelles elle accroche son petit nid, maçonné avec de l’argile, à l’extérieur, sous les corniches ou encore sous les embrasures des fenêtres, et ce jusqu’au cœur des villes.
Pour différentes raisons, cette espèce d’Hirondelle a vu ses effectifs baisser de façon inquiétante, durant la seconde moitié du 20ème siècle, à Bruxelles (à l’instar de nombreuses régions d’Europe Occidentale). En 2002, on n’y recensait plus que trente-deux couples nicheurs. Si le placement de nids artificiels a depuis lors permis de reconstituer, en Région bruxelloise, une partie des effectifs de la plus citadine de nos hirondelles, il faut aussi souligner l’installation spontanée et le développement d’une belle colonie, le long du Canal, sur le bâtiment industriel de la meunerie Ceres, où elles peuvent construire leur nid naturel. Le nombre d’oiseaux y est en constante augmentation. En 2020, près de deux cents nids avaient été recensés, ce qui en faisait la colonie la plus grande de Belgique !
L’idée de départ du projet était de faire essaimer cette colonie sur un immeuble proche et présentant les mêmes caractéristiques, par le placement de nids artificiels. Le choix se porta sur le bâtiment industriel des anciennes brasseries Meudon à Neder-Over-Heembeek, occupé depuis quelques années par la société Silo qui l’a réaménagé. Soixante nids artificiels y ont été fixés en mars, sous le débordement d’une façade orientée vers le Canal, à une hauteur importante. Vu l’impossibilité d’amener un élévateur à cet endroit, les nids furent finalement accrochés par des professionnels de la société Acrotechnologie, solidement encordés et dans le vide ! Un système dit de ‘repasse’ diffusant le chant des hirondelles a également été installé dans le but d’y attirer plus sûrement les premiers individus. Ce projet, tout comme l’autre, constitue aussi un exemple de cohabitation réussie entre écologie et activités économiques.
Soulignons enfin le rôle joué par la Senne qui, ici, s’écoule à proximité directe du Canal et dont la qualité de l’eau s’est fortement améliorée ces dernières années. Les hirondelles de rivage et de fenêtre, mais aussi les martinets noirs, sont très nombreux à venir s’y nourrir d’insectes, ce qui indique bien la forte synergie existante entre la rivière et la voie d’eau.