Depuis le début du siècle précédent, la question éthique du positionnement de la LRBPO face aux établissements détenant des animaux non domestiques se pose légitimement. Le choix de la Ligue repose ainsi sur une longue expérience du dossier.
Depuis sa création, la LRBPO n’a cessé de se battre contre les conditions inacceptables de captivité dont beaucoup d’animaux furent et sont encore victimes. De même, elle est en première ligne pour endiguer les trafics en tout genre (notamment par Internet) qui réduisent l’animal à un objet corvéable (et si possible rentable !). Dans le même temps, certaines associations ont collaboré avec quelques établissements zoologiques qui ont incontestablement contribué à développer des programmes de conservation sans lesquels la préservation de certaines espèces n’aurait pu être engagée (WWF,…).
Reconnaissons d’emblée que le rôle et les exigences de bien-être animal ont considérablement évolué en quelques dizaines d’années. Les lois successives sur le bien–être animal ont influencé favorablement le statut des animaux détenus. Le nombre d’espèces autorisées a été fortement réduit et les conditions de détention sont beaucoup plus drastiques qu’auparavant. Les expositions itinérantes d’animaux (les cirques) sont désormais interdites. On ne connait plus la situation alarmante des années 80 où n’importe qui pouvait acheter et détenir n’importe quel animal exotique ou non. A l’époque les mini-zoos, les safaris parcs, les parcs de toutes sortes et les ménageries détenaient bien souvent des espèces issues du trafic international de la faune sauvage dans des conditions de captivité désastreuses. Au point que des associations (Wildpeace, Veeweyde, Gaia, LRBPO…) s’étaient mobilisées pour racheter des animaux de zoos en faillite, des animaux abandonnés à leur triste sort, sans soins, sans hygiène, dans des cages exiguës, ne tenant pas compte des besoins élémentaires de l’espèce (espace, vie sociale, comportement…). Souvenons-nous du zoo de Zwartberg en 1994. Quand la situation financière de ces zoos est bonne, les animaux n’ont pas trop à souffrir, mais quand les finances sont mauvaises, ce sont les animaux qui souffrent.
De nos jours, le Centre de Soins de la Faune Sauvage de la Ligue Royale Belge pour la Protection des Oiseaux intervient régulièrement, à la demande des autorités, pour sauver et pour récupérer des animaux exotiques en détresse détenus par des particuliers, des commerçants ou confisqués par les autorités judiciaires.
Dans ses statuts les plus anciens, la Ligue s’est engagée à préserver l’oiseau libre et sauvage. Pour autant, la situation des animaux détenus en captivité et victimes de mauvais traitements ne l’a jamais laissée indifférente.
La détention et la présentation d’espèces sauvages ne répondent pas à l’objectif de la LRBPO : agir pour l’oiseau, la faune sauvage, la nature et l’homme et lutter contre le déclin de la biodiversité, par la connaissance, la protection, l’éducation et la mobilisation. Néanmoins, certains parcs zoologiques peuvent aujourd’hui contribuer directement à la sensibilisation à la perte de biodiversité et à la nécessité de la protéger afin de la conserver.
C’est en prenant en compte toutes ces évolutions et aussi en étudiant la position de la Ligue Française pour la Protection des Oiseaux (LPO) sur le sujet (après un long travail du « groupe de réflexion », porté par Pierre Maigre*, au sein du Conseil National, et avalisé par le Conseil d’administration, de la LPO France) que notre Ligue a statué sur cette question. Vous en trouverez, ci-après, la synthèse qui vise, comme vous le constaterez, à l’exception plus qu’à la norme.
Portée
Le présent positionnement de la Ligue sur les parcs zoologiques ne concerne pas les éleveurs « d’oiseaux de cage », ni les établissements de vente d’animaux (animaleries), bien que la législation relative à la protection de la faune et au bien-être animal puisse aussi les concerner, au moins partiellement, selon les espèces (ou leur nombre) détenues. Les concernant, la LRBPO se réserve la possibilité d’intervenir en cas de mauvais traitements ou en présence d’espèces protégées dont la détention et/ou la vente sont interdites.
Définition
Les « parcs zoologiques » publics ou privés peuvent revêtir des appellations variées : zoos, parcs animaliers, safaris-parcs, aquariums, delphinariums, insectariums, reptilariums voire vallée des singes, bioparc, parc à loups, monde sauvage, zoorama, volerie de rapace etc.… Ils ont tous pour objet principal la présentation au public d’animaux non domestiques et/ou domestiques.
Rappel du cadre juridique
Ces types d’établissements doivent être agréés et tombent dans le champ d’application de l’arrêté royal du 24/07/2018 relatif à l’agrément des parcs zoologiques. Depuis sa mise en place, une quarantaine de parcs ont introduit une demande d’agrément en Belgique et une vingtaine l’ont reçu en Wallonie.
Les prescriptions légales relatives aux conditions d’hébergements, aux soins des animaux, à l’équipement et à l’hygiène doivent être respectées. Des normes minimales de détention tenant compte à la fois du bien-être des animaux et de la présentation au public sont reprises dans différents arrêtés :
- Mammifères : arrêté ministériel du 03/05/1999
- Oiseaux : arrêté ministériel du 07/06/2000
- Reptiles : arrêté ministériel du 32/06/2004
En cas de non respect de la loi et de ses arrêtés d’exécution, le ministre compétent peut retirer l’agrément d’un parc zoologique ou encore suspendre une partie de ses activités.
Exposé du positionnement de la LRBPO
Jusqu’à la fin du 20ème siècle, les parcs animaliers ont sans nul doute participé , par des prélèvements d’animaux effectués en milieu naturel, à l’appauvrissement des populations de certaines espèces sauvages. De plus les conditions de détention et de présentation au public étaient trop souvent de piètre qualité, quand elles n’étaient pas scandaleuses.
Les prélèvements en milieu naturel sont désormais heureusement interdits.
De plus, les exigences biologiques connues de certaines espèces sont telles que leur détention, encore aujourd’hui, est injustifiée (à l’exception éventuelle de programmes de conservation). C’est le cas par exemple des dauphins, grands félins, ursidés, éléphants, grands singes etc… dont les besoins physiologiques et psychologiques sont très difficilement satisfaits en captivité.
*Président de la LPO de l’Hérault.
Concernant le choix des espèces présentées
La LRBPO dénonce les aménagements insuffisants ou inadaptés de certains parcs zoologiques ne permettant pas à la faune captive de vivre dans des conditions acceptables et engendrant ainsi des comportements très éloignés de ceux de l’animal libre. Elle demande une véritable prise en compte des exigences biologiques des espèces de la part des zoos, quitte à devoir renoncer à présenter certaines d’entre elles.
Concernant le rôle pédagogique des parcs animaliers
Les parcs zoologiques sont pour de nombreuses familles (environ 70%) leur premier contact avec la faune sauvage. Des programmes de sensibilisation mis en place par certains parcs zoologiques visent réellement à une meilleure information du public, à son information sur les menaces pesant sur la biodiversité et sur la nécessaire protection des espèces. D’autres établissements assurent un service minimum pour être en conformité avec la réglementation et devraient en tout état de cause renforcer leur action dans ce domaine.
Concernant le rôle de conservation des parcs animaliers
La Ligue reconnait que certains parcs zoologiques prennent en considération la sauvegarde des espèces menacées et contribuent, par la mise en place de programmes de reproduction en captivité (EEP) (Programme européen pour les espèces menacées), à la conservation de ces dernières, voire à leur réintroduction en milieu naturel (Bison d’Europe, Vautours fauve et moine, Gypaète barbu, Grue de Manchourie, Grue à cou blanc de Sibérie, Cheval de Przewalski…). Parallèlement des initiatives de terrain sont entreprises par certains parcs zoologiques pour sauvegarder, voire restaurer en milieu naturel, les populations animales (création ou participation au financement de parcs naturels et réserves, sensibilisation et aide aux populations locales, financement de programmes locaux, …).
Concernant les possibilités de partenariat entre la LRBPO et des parcs animaliers
Compte tenu de ce qui précède, La Ligue approuve le travail effectué par certains parcs zoologiques développant des programmes de sensibilisation et de conservation exigeants. Toute infraction à la réglementation existante (qualité des infrastructures et des conditions de détention/présentation des animaux, absence de tout prélèvement d’animaux dans la nature etc.) rendrait cette approbation caduque.
Un partenariat éventuel entre la LRBPO et un parc animalier pourrait être envisagé et axé sur les points suivants :
- L’éducation et la sensibilisation du public par la réalisation et la diffusion de documents de la Ligue portant sur les atteintes faites à la biodiversité, la préservation de la faune sauvage et de la nature en général, l’information sur les programmes de préservation, l’organisation d’animations ayant ces objectifs
- Le financement de projets initiés par la LRBPO pour :
- L’information relative aux activités de notre association
- Les soins à la faune sauvage en détresse et l’acheminement vers un centre de soins agréé
- La création de réserves naturelles
Toute décision de partenariat avec un parc animalier devra faire l’objet d’une décision formelle du Conseil d’administration de la LRBPO.