Les Belges rejettent massivement la chasse et s’expriment très favorablement en faveur d’une réforme radicale de la loi, ce que préconise également la Ligue Royale Belge pour la Protection des Oiseaux.
Alors que la crise de la peste porcine africaine, les dérives de la chasse « business » comme le nourrissage intensif des sangliers ou leur importation, l’effondrement de la biodiversité (habitats, faune et flore), la disparition dramatique des oiseaux des plaines, … se retrouvent quotidiennement parmi les sujets d’actualités, notre association a voulu en savoir plus sur l’avis des belges francophones par rapport à la chasse. La Ligue avait déjà commandé un sondage d’opinion au bureau DIMARSO en 1998. Et en France un sondage équivalent a également été effectué en 2018, ce qui permet des comparaisons.
Conformément à ses statuts, la LRBPO s’oppose à la pratique de la chasse et à ses excès. La Ligue a, entre autre, pour objet de défendre et de protéger l’avifaune, ainsi que, d’une manière plus générale, les habitats de la faune et de la flore. Cela signifie qu’elle combat les actes causant inutilement et volontairement de la souffrance aux animaux sauvages et qu’elle s’oppose aux destructions ou à l’artificialisation des milieux naturels et aux multiples causes qui sont à l’origine de l’effondrement de la biodiversité.
Dans ce cadre et afin de connaître l’avis de la population francophone à propos de la chasse et de mesurer le besoin qu’exprime la collectivité de faire évoluer la loi sur la chasse, notre association a demandé à l’institut Listen de réaliser un sondage relatif à la chasse auprès d’un échantillon représentatif de la population francophone (Régions de Bruxelles et de Wallonie).
Actualités relatives à la chasse
Différents événements de l’actualité récente ont, d’une part, rappelé que la chasse était une activité très controversée et, d’autre part, mis au jour la grande influence que le monde de la chasse exerce sur les autorités afin de favoriser certaines pratiques cynégétiques néfastes pour la faune et la flore et qui sont contraires à une saine gestion écologique des milieux naturels.
Ainsi, en août 2018, la presse1 dénonce le puissant lobby de la chasse. En septembre 2018, la crise de la peste porcine africaine (PPA) se déclare dans la région d’Etalle, en Province du Luxembourg. Une zone de 63.000 ha est concernée. La suspicion d’importation de sangliers2 et le nourrissage intensif avéré des suidés par les grandes sociétés de chasse, qui provoquent volontairement une surdensité3 du gibier afin d’accroître les tableaux, et favorisent une contamination virale rapide, sont pointés du doigt. A ce jour la zone géographique concernée a été étendue et la contamination progresse et approche de la frontière française. La France a de son côté pris des mesures drastiques afin d’éviter que la contamination ne déborde sur son territoire.
En France, en août 2018, le Ministre Nicolas Hulot démissionne à la suite d’une réunion à laquelle participe, sans avoir été invité, un lobbyiste représentant la plus grande association de chasse du pays. Toujours en France, touchée par une quinzaine de morts chaque année du fait de la chasse, un sondage IPSOS indique en octobre 2018 que plus de 80 % de la population française rejette la chasse et ses abus et demande de pouvoir se promener sans danger dans la nature.
En Wallonie, les chasseurs représentent moins de 0,3 % de la population. Pourtant, ils y sont plus influents auprès des décideurs politiques à propos de la nature que les promeneurs, les naturalistes et les membres des associations de protection de l’environnement.
dérives de la chasse
Cela fait des décennies que les dérives de la chasse en Région wallonne sont dénoncées par la LRBPO, ainsi que par d’autres associations de protection de la nature :
• gibier artificialisé par les pratiques de la gestion cynégétique
• chasse « business » qui procède au nourrissage intensif du grand gibier et favorise son surpeuplement (sanglier)
• dégâts aux cultures et aux forêts (sangliers)
• lâcher pour le tir de petit gibier ou de gibier d’eau issus d’élevages ou importés, massacre des petits prédateurs afin de protéger le petit gibier d’élevage et l’usage de pièges pour les capturer
• tir autorisé d’espèces en fort déclin (Sarcelle d’hiver, Bécasse des Bois, Perdrix grise)
• maltraitance animale inutile du fait de pratiques cynégétiques peu efficaces et peu sélectives (battue à cor et à cri, piégeage)
• disparition due à la surdensité du gibier de la petite faune sauvage (oiseaux, reptiles, batraciens) et de la flore du sol, etc.
résultats du sondage
Méthodologie
L’enquête a été menée auprès d’un échantillon de 1000 personnes, et est représentatif de la population belge francophone (Wallonie-Bruxelles) de 18 à 65 ans et plus. Un tel échantillon nous permet d’assurer la certitude de nos résultats sous réserve d’une marge de variation de 3,1 %. La représentativité est quant à elle assurée grâce aux quotas croisés, une méthode consistant à affecter à un échantillon une distribution populationnelle similaire à la population source en termes de sexe, d’âge et de province. Ces critères sont aussi bien considérés séparément que conjointement. Par exemple, si les hommes de 18 à 34 ans de la province du Hainaut représentent 4 % de la population Wallonne, il faudra que l’échantillon de 1000 personnes comprenne 40 personnes de cette catégorie.
Opinion vis-à-vis de la chasse
A la question cruciale de ce sondage « Comment vous positionnez-vous vis-à-vis de la pratique de la chasse ? », trois personnes sur quatre ont répondu y être opposées !
1998 : 68 % des personnes interrogées étaient contre la chasse, ce chiffre a donc encore augmenté en 2019.
Les femmes sont davantage contre que les hommes : 79 % s’insurgent contre cette pratique, alors que les hommes sont 68 % à se prononcer contre.
Seul 1 francophone sur 10 se déclare favorable à la pratique de la chasse, ce qui paraît être un enseignement important à tirer de ce sondage !
Ce résultat est, entre autres, attribuable au manque de sécurité ressenti par les promeneurs. En effet, 70 % des belges francophones pratiquent des activités en extérieur (balades, sports) au moins une fois par mois mais seuls 10 % d’entre eux se sentent réellement en sécurité les jours de chasse !
A la question « Considérez-vous l’animal (domestiqué et à l’état sauvage) comme un être sensible ? » 8 personnes sur 10 ont répondu oui, soit 78% !
Les femmes semblent plus sensibles à la cause animale. En atteste leur plus grande propension à juger la chasse comme étant une pratique cruelle envers les animaux. En outre, près de la moitié des personnes questionnées considèrent que la chasse perturbe la faune et la rend plus farouche. Ces personnes estiment que la chasse est une pratique d’un autre âge, réservée aux plus aisés. Elles soulignent que la chasse n’est pas nécessaire pour se procurer du gibier et pensent que la chasse ne fait pas l’objet de suffisamment de contrôles.
65 % des personnes interrogées sont conscientes du danger que représente le saturnisme (intoxication par le plomb) pour l’environnement. Il faut savoir que chaque année 40 000 tonnes de plomb sont utilisées par les chasseurs et les tireurs sportifs en Europe, ce qui provoque la mort d’au moins 2 millions d’oiseaux (soit par ingestion directe du plomb, soit, pour les rapaces, par ingestion d’une proie contaminée). (*)
Actualisation de la loi sur la chasse
8 personnes sur 10 sont favorables à une actualisation de la loi sur la chasse. Une même proportion se déclare en faveur d’une interdiction de la chasse les dimanches et jours fériés. Cette volonté de modification de la loi concorde avec le constat déjà évoqué qui montre que près d’une personne sur deux considère la chasse comme une pratique archaïque.
Plus précisément, une forte majorité des personnes interrogées souhaite :
• Interdire la chasse des espèces rares ou en voie de raréfaction (91 %)
1998 : 89 % des personnes souhaitaient déjà interdire la chasse de la Bécasse des bois ou encore de la Sarcelle d’hiver
• Instaurer une visite médicale obligatoire pour l’obtention du permis de chasse (80 %)
• Interdire la chasse avant le lever et après le coucher du soleil (79 %)
• Interdire l’utilisation de pièges par les chasseurs et leurs gardes pour capturer et ensuite tuer les prédateurs naturels (72 %)
1998 : 62 % des personnes sondées affirmaient être contre cette pratique
• Interdire le lâcher du gibier d’élevage pour la chasse (67 %)
1998 : la pratique d’élevage du gibier pour la chasse était déjà condamnée par 76 % des participants
• Interdire les méthodes de chasse comme la « battue à cor et à cris » (65 %)
• Interdire la chasse des espèces qui n’occasionnent pas de dommages aux cultures et aux forêts (61 %)
• N’autoriser que les modes de chasse les plus silencieux qui tuent avec le moins de souffrance (60 %)
• Interdire le nourrissage du grand gibier en dehors des périodes de disette hivernale (52 %)
conclusions
Les résultats de ce sondage indiquent de façon très claire qu’un changement radical s’opère dans l’opinion publique et ils attestent du désir de nos concitoyens de voir la règlementation sur la chasse modifiée. La loi sur la chasse en Wallonie date de 1882. La LRBPO est également d’avis que cette législation doit être revue en profondeur pour tenir compte tant de la dégradation actuelle de l’environnement et de la biodiversité que de l’évolution des mentalités par rapport à la maltraitance des animaux sensibles.
La LRBPO dénonce régulièrement les dérives de la chasse. Elle prône un espace naturel partagé, dans le respect mutuel de ses utilisateurs (laquelle appartient à tous), et, comme l’ensemble des Belges, demande une réglementation plus stricte de la chasse, voire l’interdiction de la chasse de loisir et d’un grand nombre de pratiques actuelles. Il est temps que nos dirigeants se mettent au diapason. Nous vivons en démocratie et devons faire face à des urgences environnementales importantes, la voix des défenseurs des animaux et de la nature doit être respectée, elle résonne dans le cœur et la raison de chacun de nous.
Tableau comparatif des trois sondages EFFECTUÉS en belgique et en france
Voici les principaux chiffres des enquêtes faites en 1998 et 2018 en Belgique par la LRBPO et celle réalisée par One Voice en France, également en 2018. Comme on peut le constater, les chiffres se tiennent, et donc les avis convergent.
Documents à télécharger : Communiqué de presse, Synthèse des résultats, présentation des résultats du sondage, sondage complet, les dérives de la chasse en Wallonie, la chasse « business ».