Une grande figure de la Protection des Oiseaux : Roger Arnhem. Il y a des rencontres qu’on oublie et d’autres, comme celle de Roger Arnhem, qui vous enrichissent.
Né à Ixelles, le 19 décembre 1925, Roger Arnhem passe sa jeunesse dans la boucherie et charcuterie de ses parents au 314 rue Gray à Ixelles. Le 22 août 1951, il épouse Georgette Wouters (1925-2015) qui lui donne trois enfants : Patrick, né en 1953, Dominique, né en 1956 et Louis-Philippe, né en 1963.
La passion des airs
Passionné dès sa plus tendre enfance par les avions, il rêve de voler. Le 14 août 1944, il avait entrainé son petit-cousin Paul Weets sur l’aérodrome de Melsbroek (Batavia) pour photographier les avions allemands. Arrêtés par la Gestapo, ils sont heureusement relâchés après 5 jours d’interrogatoire. En 1946, il fonde et rédige la première revue mensuelle d’aéronautique d’après-guerre: «PILOTE». Tout naturellement, il entame une carrière de pilote à l’armée belge. Il obtient successivement les brevets de pilote AIR O.P (Auster IV) à la 15ème Escadrille (1954); de pilote Dornier DO27 (1960); de pilote d’Hélicoptère AL II (1966) et de pilote privé (1967). En 1971, il est commandant en second de la 16ème Escadrille à Butzweilerhof.
La passion des oiseaux
Roger Arnhem est fou des avions mais aussi de tout ce qui vole (sauf les voleurs). Les oiseaux ont toujours eu une grande place dans son cœur. Il lit tout ce qui a trait aux oiseaux et apprend l’ornithologie sur le tas.
Dès 1949, il collabore à l’Œuvre Belge du Baguage et est nommé en 1964, directeur de celle-ci pour la province d’Anvers et ce jusqu’en 1979. Il est l’auteur avec son frère Jean Arnhem du «Guide du bagueur » édité en 1968 par le Patrimoine de l’Institut Royal des Sciences Naturelles de Belgique (IRSNB). Ce guide sera aussi édité en Italie. «Avant 1960, beaucoup de bagueurs provenaient du milieu de la tenderie et baguaient les oiseaux qu’ils ne gardaient pas pour la cage. Ainsi, certains conservaient les pinsons mâles et relâchaient seulement les femelles après les avoir baguées… Les espèces baguées étaient essentiellement des «oiseaux de tenderie» : pinsons, linottes, verdiers et autres Fringilles. En 1958 – 1960, sous l’impulsion de Roger Arnhem, ce système a été complètement réorganisé» selon Pierre Colette dans Aves contact n° 2/97.
Début des années soixante, il participe intensivement à la première émission de la télévision flamande «S.O.S. Natuur» (communication de M. Verbruggen). Et en 1965, il collabore à «Natuur en Stedenschoon» pour l’étude: «Protection des oiseaux et législation». Il collabore au «Gerfaut » – bulletin de l’Institut Royal des Sciences Naturelles de Belgique – de 1957 à 1970.
En mai 1967, Roger découvre le premier cas de nidification de la Grive litorne en petites «colonies» ou «clans» à Elsenborn (lettre R. Arnhem à J. Tricot du 16 juillet 1967). C’est là, une des découvertes de cet ornithologue de terrain dont les activités se sont dirigées, par la suite, exclusivement vers la défense des oiseaux.
Les expéditions Antarctique
Fin 1967, Roger, volontaire pour piloter le «Cessna 180» de l’expédition Antarctique belgo-sud-africaine, est invité à rencontrer le Baron de Gerlache qui lui confirme sa sélection pour participer à deux campagnes, SANAE 9 du 28 décembre 1967 au 27 mars 1968 et SANAE 11 du 3 janvier au 13 mars 1970. Sa mission est la photogrammétrie verticale réalisée par des survols linéaires parallèles dans le Queen Maud Land, en vue d’établir une «mosaïque» destinée à l’Institut Géographique National. Jacques-Yves Cousteau décrivait, en 1997, l’Antarctique comme: «un immense continent d’une blancheur éternelle, où la vie se cramponne aux limites de la vie. Des heures de calme ensorcelant et de soleil absolu sont balayées par des blizzards déchaînés qui ne pardonnent que rarement aux intrus. » Le quotidien, c’était la vie sous la tente, le café gelé dans la tasse, le «white out », cette brume blanche qui se confond avec la neige glacée et enlève toute notion de distance et de forme, la visibilité est réduite à vos pieds. Il y a la crainte perpétuelle de se perdre en vol, mais aussi le beau temps clair, les paysages sublimes, les mirages… C’est par un exploit sportif que Roger et cinq de ses compagnons ont terminé la première expédition. Ils ont effectué, du 11 au 27 mars 1968, le raid Cape-town / Bruxelles à bord de leur petit avion en 85 heures de vol et 23 escales.
Grosse frayeur, lors de la seconde expédition, quand l’avion dans lequel a pris place Roger se « crashe» à l’atterrissage et prend feu. Heureusement plus de peur que de mal à part la barbe et les sourcils roussis.
Des expéditions où l’observation et la photographie des oiseaux tiennent une grande place. Pour l’anecdote, mais oh combien, révélatrice : le 22 février 1970, de l’Antarctique, Roger Arnhem envoie un télégramme au Ministre Charles Héger en lui demandant de supprimer la tenderie.
Le CCPO, la Ligue et le combat contre la tenderie
En 1962, Roger Arnhem crée le Comité de Coordination pour la Protection des Oiseaux pour grouper toutes les forces vives de la protection des oiseaux qui sont, à l’époque, dispersées dans des organismes différents, mais dont les buts sont pourtant identiques ou connexes. «Dans notre pays la tenderie a été supprimée. Ce résultat a pu être obtenu grâce aux efforts conjugués des sociétés de conservation de la nature où Roger Arnhem et le CCPO ont joué un rôle déterminant », écrivait André Rappe en 1977. En 1964, la Ligue Belge pour la Protection des Oiseaux (LBPO) adhère au CCPO et le 29 septembre 1975, la Ligue fusionne avec le CCPO et Roger Arnhem devient président de la Ligue.
«Souvent, la vie est constituée de périodes de révolte, puis des périodes où l’enthousiasme fléchit et enfin la résignation. Roger Arnhem a toujours gardé sa faculté d’indignation» écrivait François Roelants du Vivier lors de la cérémonie du jubilé de la Ligue à Nassogne en 1987.
En 2004, Albert Demaret, Ancien président d’Aves écrit un bel hommage à Roger «On n’imagine pas le nombre de lettres, de communications téléphoniques, de communiqués de presse, d’interviews, de participations aux débats publics, aux émissions de radio et de télévision, d’interventions auprès des autorités politiques et d’autres actions en faveur des oiseaux dont Roger Arnhem, parfait bilingue, fut l’infatigable auteur. Roger Arnhem est un de nos héros de la protection de la nature. On ne l’oubliera pas ».
Un autre texte d’Albert Demaret montre son admiration pour le courage de Roger : «Roger… c’est ton courage qui m’a impressionné le plus dans toutes tes actions. Je n’oublierai jamais, entre autres exemples, l’aplomb avec lequel tu as tenu tête à des tendeurs devenus réellement menaçants sous la houlette de Docquier, au terme d’une séance de projection de dias à Embourg, où ils étaient dix fois plus nombreux que les quelques ornithologues présents. »
«Roger Arnhem a eu une influence importante sur moi. J’avais mené avec Roger Arnhem une campagne intensive contre le commerce des oiseaux exotiques capturés à l’état sauvage dans les années 90. Je perds aussi un grand ami. C’est en partie grâce à lui que GAIA a pu commencer et que nous avons pu continuer à nous développer. Roger a toujours soutenu GAIA. Avec lui, j’ai vécu des moments d’action inoubliables, comme lorsque côte à côte nous avons sauvé, une nuit à Zaventem, style Mission impossible, des milliers d’oiseaux victimes du commerce d’animaux sauvages ». Michel Vandenbosch, Président de GAIA.
Des livres, des études, des revues
Ornithologue de première force, il est l’auteur de très nombreux articles, études, rapports dans le domaine de l’ornithologie et de la protection des oiseaux. Roger Arnhem est aussi un bon vulgarisateur. Son livre «Oiseaux d’Europe» paru en 1979, traduit en néerlandais et en allemand, a reçu les éloges de la presse. «C’est un ouvrage nouveau dans le texte. Nouveau dans l’illustration. Le résultat ? Un livre…
qui est un guide et une porte ouverte sur la protection des oiseaux » écrit J.-Cl. Van Troyen dans « Le Soir » du 22 mars 1979. «Paul Géroudet, cet ornithologue universellement connu, fait l’éloge de l’ouvrage en disant que son auteur a voulu dépasser la portée des livres-guides classiques. Roger Arnhem a voulu fournir une information substantielle sur la vie elle-même des oiseaux… et démontrer qu’il faut les protéger ». E. Désirant dans « La Libre Belgique» du 8 mai 1979.
Mais ce dont il peut être le plus fier est sans conteste la publication des périodiques qui demande un travail de tous les instants. Au départ, c’est la simple feuille de contact stencilée du CCPO, pour en arriver, des années plus tard à la revue tout en couleur «L’Homme et l’Oiseau» et ceci dans les deux langues nationales, ce qui ne simplifie pas la tâche.
Une reconnaissance
Secrétaire de la Section belge du Conseil International pour la Protection des Oiseaux à partir de 1977 jusque 1989, cofondateur du Fonds d’Intervention pour les Rapaces et d’Inter-Environnement (national) en 1979, il est nommé expert CITES le 5 novembre 1996. Administrateur en 1976 puis vice-président en 1978, il devient président de la SRPA Veeweyde en 2001. Et bien sûr, il a été président national de la Ligue Royale Belge pour la Protection des Oiseaux (LRBPO) de 1976 à 2003. En 1984, il fonde, avec d’autres, TRAFFIC (Belgium) *. Il est aussi Administrateur de l’Entente Nationale pour la Protection de la Nature (ENPN) de 1984 à 1993, membre de l’Association Nationale des Sociétés de Protection Animale – ANSPA-NAVED de 1982 à 1986 et membre du Conseil National de la Protection Animale (CNPA-NCDB). Il devient Président de la section «Animaux d’agrément» du Conseil Supérieur du Bien-être Animal de 1990 à 1997. Enfin il est représentant pour la Belgique de l’association «Orgambideska Col Libre» de 1987 à 1990.
Au niveau international, il reçoit l’Insigne d’or de la «Deutscher Bund für Vogelschutz» remis par son Président le Dr Claus König le 1er octobre 1972 à Stuttgart, la «Gouden Lepelaar» (La Spatule d’or) de la «Nederlandse Vereniging tot Bescherming van de Vogels» le 20 avril 1974, la Croix de Chevalier de l’Ordre de la Nature au titre de la Conservation de la Nature, remise à Paris à la Maison de l’UNESCO par la Ligue des Droits de l’Animal le 18 octobre 1980 et enfin, pour couronner le tout, il est nommé Commandeur de l’Ordre de la Couronne, remis des mains du Prince Laurent en 2002.
Roger Arnhem s’est éteint le 13 avril 2006 après une vie bien remplie au service de la nature et des oiseaux.