Les personnes sensibles à la cause animale ont, depuis toujours, essayé, tant bien que mal, de soigner les oiseaux en perdition qu’ils découvrent. Par contre, soigner les oiseaux d’une manière professionnelle date du siècle passé. A notre connaissance, diverses initiatives ont eu lieu.
Les origines
A Paris, l’Association Française pour la Défense des Animaux crée, en 1932, un dispensaire pour soigner les animaux et les oiseaux gratuitement.
En 1937, en Grande-Bretagne, à East Molesey dans le Surrey, le «Caged Bird Poster Fund» de la «Royal Society for Prevention of Cruelty to Animals » (RSPCA) inaugure la première «Flying School ». Un centre dont l’idée revient à Miss Margaret Bradish, qui recueille les oiseaux sauvages encagés, abandonnés par des particuliers. On réapprend à ces oiseaux à voler et à se débrouiller seuls afin de les relâcher dans la nature.
La même année, en Suisse, «Le Petit Ami des Animaux», organe des «Jeunes Protecteurs», crée les «Volières Libératrices» à Serrières-lez-Neuchâtel, dans la propriété princière «le Minaret». Le propriétaire, Hermann Russ, grand mécène, voue sa vie aux oiseaux. «Cette installation est organisée comme un hôpital: propre, hygiénique, sérieux. Dans les trois volières, plus de mille oiseaux sont en revalidation. Une des volières est si grande, que le treillis est caché par la cime des grands arbres. On y empêche les oiseaux de se reproduire».
La Ligue Belge pour la Protection des Oiseaux n’est pas en reste, déjà dans les années trente et cinquante, le secrétaire Monsieur Edmond Docclot recueille les oiseaux de tenderie qu’il achète et qui sont en mauvais état pour les revalider et les relâcher. Au total, depuis 1933 jusque dans les années soixante, ce sont quelques 20.000 oiseaux qui sont soustraits au commerce, soignés et remis en liberté.
Georges Decrem de l’Institut des Sciences Naturelles, est l’un des précurseurs en matière de revalidation d’oiseaux sauvages handicapés. De 1965 à 1983, il a soigné et souvent relâché, 745 oiseaux.
Au 15 mars 1979, en Belgique, seules dix personnes ont l’autorisation officielle de soigner les oiseaux protégés afin de leur rendre la liberté. Mais ces gens très individualistes, dont les buts ne sont pas toujours les mêmes (certains ne recueillent que les rapaces, d’autres refusent les petits oiseaux) se concurrencent souvent. De plus, leurs moyens sont limités.
La Ligue et les Centres de revalidation
Dès 1981, notre association a su regrouper les personnes détentrices d’une autorisation de détenir des oiseaux protégés. Elles acceptent de collaborer ensemble, sous la supervision de la LRBPO.
Le 11 décembre 1982, une première réunion est organisée à Namur par Jean-Claude Beaumont. C’est à cette occasion qu’est adoptée l’appellation «Centre de Revalidation pour Oiseaux Handicapés (C.R.O.H.)» et l’emblème: le Hibou à l’aile bandée dessinée par Raymond Beys. Une charte de bonne conduite est établie de commun accord et est signée par tous les adhérents. En contrepartie, la Ligue s’engage à effectuer la coordination entre les centres, à les aider financièrement, et à en assurer la publicité. Chaque année, un bilan est publié dans la feuille de contact de la Ligue «Le Rouge-gorge». Les néerlandophones, en réunion à Anvers, décident aussi d’adopter la même collaboration avec notre association, le même emblème et la dénomination «Vogelasiel ».
En 1982, les centres de Bruxelles et de Wallonie recueillent 233 oiseaux, 580 en 1983. De nombreux centres sont financés par notre association. Certains d’entre eux n’auraient pas pu voir le jour sans l’aide de la Ligue, comme par exemple le Centre de Revalidation d’Opglabbeek ou de Verviers. Pour d’autres, il s’agit d’achat de congélateurs, de matériel pour construire les volières, de nourriture ou de médicaments comme, par exemple, pour le centre d’Attert, de Wildpeace, de Merelbeke et de Denderleeuw.
Le Centre de revalidation de la Ligue
En 1990, 1991 et 1992, le trafic international de la faune sauvage, et particulièrement des oiseaux exotiques, est florissant. Des dizaines de milliers d’oiseaux arrivent chaque semaine à l’aéroport de
Zaventem. Des conditions de transport souvent déplorables, des réglementations de transport (IATA) non respectées, des oiseaux protégés dissimulés dans des faux compartiments, ont amené les autorités, avec l’aide de la LRBPO, à saisir des milliers d’oiseaux. En 3 ans, ce sont près de 15.000 oiseaux saisis. Que faire avec ces oiseaux ? Ils furent répartis dans différents CROH. Mais ce n’était pas suffisant, c’est pourquoi la Ligue a décidé de créer son propre centre de revalidation à Bruxelles.
Au siège de la Ligue à Anderlecht, dans les anciens bâtiments de la SRPA Veeweyde, il existe une infrastructure abandonnée pour recueillir chiens et chats, la solution est trouvée d’y aménager un centre de revalidation. Pour ce faire, Jean-Claude Beaumont, architecte d’intérieur, a été mandaté pour exécuter – bénévolement – les plans, le cahier des charges et les demandes de prix. Grâce à un subside de la Région bruxelloise, un don et un prêt de la SRPA Veeweyde et un don de «Natura Belgica», les travaux commencèrent début 1992.
Après près d’un an de travaux, fin 1992, le Centre de Revalidation pour Oiseaux Handicapés de Bruxelles-Capitale appartenant à la LRBPO est enfin opérationnel. L’inauguration officielle a lieu le 11 septembre 1993. Ce centre met en évidence la protection des oiseaux au quotidien. C’est un centre qui se veut exemplaire tant au point de vue technique, qu’au point devue éthique. Il veut être une vitrine de ce qu’on peut faire de mieux dans ce domaine pour sensibiliser les autres centres de revalidation mais aussi le grand public et les responsables politiques.
Des opérations exceptionnelles
Il figure dans le livre noir de la Ligue comme le plus catastrophique transport aérien de tous les temps : le vol de la compagnie aérienne «Egypt Air» du dimanche 12 mai 1991 avec, à son bord, plus de 7000 oiseaux en provenance de Tanzanie. 220 d’entre eux, qui ont survécu, sont rapatriés le 5 août 1995 en Afrique. Six chaînes de télévision, belges et néerlandaises, ainsi que la presse écrite sont présentes rue de Veeweyde avant le départ vers Amsterdam d’où les oiseaux doivent «s’envoler» vers le Zimbabwe. Arrivés sur place, ils sont pris en charge par le Centre «Chipangali Wildlife Trust», à Bulawayo. Ce Centre s’est engagé à héberger les oiseaux, dans de vastes volières, afin qu’ils puissent se réacclimater après quatre ans de captivité en Europe. C’est là une des plus grandes opérations de sauvetage du Centre de Revalidation de la Ligue. Il y en a d’autres, moins spectaculaires, comme le rapatriement de cinq aigles des steppes en Israël (1985), d’un Grand Héron américain à Cuba (1995), de cinq harfangs des neiges en Finlande (2001), d’une Buse féroce au Maroc (2002) …
Le 13 décembre 1999, une nouvelle catastrophe pétrolière se déroule au large de Belle-Île-en Mer (Bretagne). Le pétrolier Erika s’est brisé en deux et a aussitôt sombré en perdant environ 10.000 tonnes de fuel lourd. Le lundi 27 décembre, en matinée, la Direction de la LRBPO contacte le Centre de soins de Lorient, dans le Morbihan, afin de prendre des nouvelles des opérations de nettoyage des oiseaux mazoutés recueillis le long des côtes. Le responsable local de la Ligue Française pour la Protection des Oiseaux (LPO) explique qu’ils sont débordés par le nombre d’oiseaux en détresse. Il demande notre aide et une opération d’envergure est organisée. Le mercredi 29 décembre, un avion, affrété par la Préfecture du Morbihan, transporte, en trois voyages, 884 oiseaux (une grande majorité de guillemots de Troïl et quelques pingouins tordas) jusque l’aéroport de Gosselies où ils sont pris en charge par la Ligue. Ces oiseaux sont rapidement répartis dans différents centres de revalidation pour oiseaux handicapés et aussi dans un Centre de crise organisé par le Département Nature et Forêt de la Région wallonne à Erpent.
C’est l’effervescence à la Ligue ! En attendant les oiseaux, il faut faire appel aux bénévoles, aux différents fabricants pour obtenir des produits et du matériel nécessaire pour nettoyer les oiseaux. Il faut établir une procédure. La Ligue n’a jamais connu un branle-bas de combat aussi important! L’élan de solidarité est extraordinaire. En 48 heures, la LRBPO reçoit pas moins de 1200 appels téléphoniques. Sur l’ensemble de l’opération, c’est plus de 2000 personnes qui manifestent leur solidarité. Même l’acteur Jean-Paul Belmondo, de passage à Bruxelles, apporte son soutien.
Rapidement, la machine se met en marche et la procédure est suivie avec discipline. Les oiseaux passent d’abord chez le vétérinaire qui prend la température, les pèse, leur administre du charbon actif, un réhydratant et divers médicaments, puis recouvrement de l’oiseau avec une couche d’argile verte; ensuite, plusieurs nettoyages à l’eau entrecoupés de plusieurs rinçages, séchage sous lampe UV puis gavage. Des bassins, remplis d’eau salée, sont aménagés afin que les oiseaux puissent améliorer l’état de leur plumage et retrouver leurs sensations aquatiques. 58% des oiseaux recueillis sont sauvés. C’est une grande réussite, connaissant leur très mauvais état à l’arrivée!
Les interventions journalières
Mais à côté de ces opérations exceptionnelles, il y a les interventions journalières, moins spectaculaires mais tout aussi importantes. Les causes de handicap des oiseaux et des mammifères sauvages que nous accueillons sont multiples : les maladies et pollutions (botulisme, empoisonnement), les collisions (trafic routier, vitres, lignes électriques à haute et basse tension), la détention (abandon, maltraitance, saisies judiciaires, commerce illégal, hospitalisation ou détention du propriétaire),
la prédation humaine (braconnage, chasse, piégeage), la prédation animale (chat, chien), les accidents (cheminée, piscine), les faillites (oisellerie, mini-zoo…) mais aussi des oiseaux et des animaux perdus en-dehors de leur milieu naturel comme : des bécasses en ville ou un Chevreuil égaré dans les
rues de Saint-Gilles.
Les espèces accueillies sont diverses: oiseaux sauvages indigènes et exotiques, oiseaux domestiques, mammifères sauvages, reptiles, batraciens, NAC (nouveaux animaux de compagnie) …, et parfois exceptionnelles : comme ce Castor recueilli dans le port de Bruxelles.
En 2012, le Centre de Revalidation accueillait 1593 animaux, dont 82 % d’oiseaux, 11 % de mammifères, 6 % de reptiles et 1 % de poissons. En 2021 : c’est 3357 animaux, dont 83 % d’oiseaux,15 % de mammifères, et 2 % de reptiles, des chiffres en constante augmentation.
Merci à tous les vétérinaires bénévoles qui nous ont aidés au cours de toutes ces années : Jean-Michel Guilmot, Arnaud Van Wettere, Caroline Falmagne, Fabienne Bedet, Françoise Henin, Sandra De Smedt, Yvan Beck, et actuellement: Nathalie Lemmens et Justine De Leneer.
Merci aux centaines de bénévoles, aux dizaines de stagiaires et aux employés de la Ligue qui ont œuvré au jour le jour pour soigner nos petits protégés.
Merci enfin à vous, membres de la Ligue qui nous soutenez, et donateurs ponctuels pour votre aide précieuse. Sans vous, nous ne pourrions pas acheter le matériel nécessaire pour secourir des milliers d’animaux chaque année, ni maintenir le centre de soins en bon état de fonctionnement.
Afin de pouvoir poursuivre notre travail, nous avons besoin de votre générosité pour nous aider à assurer le bon déroulement des activités du centre de soins.