Comment collaborer face aux risques sanitaires chez la faune sauvage en Belgique ? Le 25 février dernier se tenait le symposium 2022 des centres de soins pour la faune sauvage de la région flamande (*VOC).
Il s’agit d’un rassemblement regroupant des représentants de chaque centre de soins, au cours duquel les participants ont l’opportunité d’aborder différentes thématiques liées à la prise en charge de la faune sauvage. Cet événement est organisé par notre association sœur « Vogelbescherming Vlaanderen » qui coordonne les VOC*, et coordonné par Evy Ampoorter, que nous remercions chaleureusement pour cette initiative.
Pour la première fois, les soigneuses du centre pour la faune sauvage de Bruxelles y ont été conviées par l’intermédiaire de Claude Velter, directeur du centre de soins d’Ostende et avec qui les collaborations sont fréquentes. En effet, certaines espèces que nous recevons à Bruxelles ont des besoins très spécifiques, comme les oiseaux marins mazoutés, et il n’est pas possible de les soigner correctement sans des infrastructures spécialisées et du personnel formé à cet effet.
La formation des soigneurs, c’est justement l’une des missions du symposium. Cette année les conférences portaient essentiellement sur la surveillance des maladies chez la faune sauvage. Les animaux sauvages sont porteurs de nombreuses pathologies. Certaines sont connues et étudiées depuis des années, par exemple la grippe aviaire. Même si les risques pour l’homme sont réduits, il existe une centaine de variantes et la surveillance de ce virus est obligatoire dans tous les pays membres de l’Union européenne.
En revanche, certaines pathologies observées en centre de soins commencent seulement à être identifiées. Alors que le « pic » d’accueils entre avril et novembre était d’abord attribué aux tondeuses automatiques, des lésions inhabituelles et récurrentes chez un grand nombre de hérissons, ont attiré l’attention des soigneurs et des scientifiques. Il s’agit de plaies infectées essentiellement autour de la tête, des oreilles, des pattes et de la queue et ne répondant pas aux traitements habituels. Les analyses réalisées sur des individus décédés ont mis en évidence une bactérie commune chez la majorité des hérissons : la bactérie ulcérante Coryna. Les causes exactes et moyens de propagation de cette bactérie n’ont pas encore pu être déterminés.
Ce qui est sûr, c’est que le nombre de hérissons amenés aux centres de soins a drastiquement augmenté depuis 2018, tant en Flandre qu’en Wallonie. Malgré les données dont nous disposons aujourd’hui, il n’existe aucun traitement pour soigner efficacement les individus présentant des symptômes avancés de la bactérie. De plus, cette dernière s’avère extrêmement contagieuse entre hérissons et tout doit être mis en œuvre pour préserver les individus « sains » présents dans la même structure.
La covid-19, elle aussi, fait l’objet de récentes études afin de déterminer les espèces à surveiller, les risques de transmission ou encore les possibles mutations chez les animaux sauvages.
Dans un contexte sanitaire en pleine évolution, les soigneurs sont en première ligne pour détecter et prévenir la propagation de ce genre de pathologies. Différentes actions sont déjà mises en place en collaboration avec les pôles scientifiques, telles que le prélèvement nasal, anal ou fécal chez certaines espèces ou encore le transfert de cadavres vers les laboratoires de recherche.
Les centres de soins ont donc un rôle essentiel dans la surveillance sanitaire, mais le manque de moyens limite fortement le personnel dans leurs actions. Les maladies évoluent d’années en années et les traitements aussi. Les soigneurs doivent donc être informés de ces changements afin d’adapter leurs protocoles et de prendre en charge les animaux dans les meilleures conditions sanitaires possibles, autant pour les patients que pour les humains.
Par exemple, la mise en place d’une quarantaine demande de l’espace, du temps et du matériel, sans parler du coût des traitements médicamenteux. Malheureusement, les soigneuses de la Région bruxelloise déplorent l’absence de structure capable de centraliser ce genre d’informations et de communiquer des directives claires aux centres de soins francophones. Il n’y a pas non plus de budget prévu pour que le personnel puisse assister à des formations, ne fût-ce qu’une fois par an. À titre d’exemple, le Centre de Bruxelles dispose actuellement de 2 soigneuses (avec un renfort partiel d’une troisième) pour plus de 3000 animaux par an, ce qui ne laisse pas le temps de s’absenter pour assister à des formations. Soulignons aussi que les soins sur les animaux sauvages sont, jusqu’à ce jour, très peu connus et étudiés, contrairement aux domestiques. Les soigneurs doivent donc se contenter de manuels inadaptés et désuets pour prendre en charge l’intégralité des espèces vivant à l’état sauvage dans leur région.
De plus, en ce qui concerne le Centre de Bruxelles, celui-ci est installé dans un ancien refuge pour chiens et chats. L’espace y est donc très limité pour isoler des animaux en cas d’épidémie. C’est particulièrement le cas pendant la période de nidification, durant laquelle nous accueillons parfois plus de 50 animaux par jour. Cette situation est similaire dans les centres de soins de toute la Wallonie. Même si la région flamande dispose d’une meilleure coordination entre ses centres, le symposium 2022 a mis en évidence un certain paradoxe; malgré le risque sanitaire élevé lié à la prise en charge d’animaux sauvages, les centres de soins sont seuls pour protéger leurs patients et leur personnel.