2022, la Ligue Royale Belge pour la Protection des Oiseaux a 100 ans
Antonia, Marquise de Pierre, n’aurait pas imaginé, ou alors dans ses rêves les plus fous, que cent ans plus tard, sa très chère Ligue Belge pour la Protection des Oiseaux existerait toujours.
De même, notre Présidente fondatrice n’aurait certainement pas imaginé la situation catastrophique dans laquelle se trouvent actuellement notre avifaune et la biodiversité en général. L’urbanisation, qui va de pair avec une démographie toujours plus galopante, qui rétrécit l’espace vital de notre faune sauvage, nos champs et nos cultures industrielles (qui sont plus que jamais de grands déserts biologiques), les pollutions diverses qui empoisonnent nos sols et nos rivières, le danger des migrations avec les millions de chasseurs et de tendeurs qui tuent et capturent autant de millions d’oiseaux dans le sud de l’Europe et en Afrique du Nord, et par-dessus tout, la terre qui n’arrête pas de se réchauffer. On enregistre des records de chaleur chaque année et aussi des catastrophes et des pandémies à répétition, pas toujours « naturelles ».
Tout ne va pas très bien sur cette terre, Madame la Marquise. Mais, votre combat, nous le continuerons avec toutes les armes légales mises à notre disposition, avec tous les moyens techniques dont nous disposerons et avec des moyens humains qui sont sans cesse croissants, tant qu’il y aura des animaux sauvages et des milieux menacés.
Des projets, nous en avons beaucoup. Le plus important, et qui résume le tout, c’est d’améliorer encore et toujours ce que nous faisons. Améliorer notre communication, améliorer nos publications, améliorer notre savoir-faire en devenant le plus professionnelles possible. Nous devons être partout où les décisions se prennent, partout sur le terrain, partout dans les médias.
Le projet de création d’un nouveau Centre de Soins pour la Faune Sauvage s’inscrit dans cette logique. Un outil moderne, disposant des techniques les plus récentes, pour soigner les animaux. Mais aussi un Centre pour sensibiliser les visiteurs : avec une préférence pour les jeunes, car nous, adultes, avons une dette énorme à leur égard. L’état du monde que nous leur léguons est bien pire que celui que nous avons reçu.
Tout va bien pour notre association, mais tout va mal pour le monde… La population semble bien informée et sensibilisée aux problèmes environnementaux. La prise de conscience mondiale des problèmes, liés à l’environnement, est un grand pas vers la reconnaissance et l’amélioration de ces problèmes.
Les conseils en la matière, et les remèdes, sont nombreux et multiples : gaspiller moins, recycler plus, utiliser les circuits courts, préférer le bio, éviter les produits phytosanitaires, promouvoir le jardin naturel et/ou sauvage, isoler les bâtiments, favoriser les transports en commun… Mais cela sera-t-il suffisant ? Nous ne le pensons pas, car l’industrie ne suit pas ou alors uniquement pour faire du greenwashing. Le politique, au-delà des discours, est trop occupé à régler les problèmes quotidiens et est incapable d’une vision à long terme.
On nous demande de ne pas gaspiller, mais on autorise le suremballage ; on nous conseille les achats de proximité, mais on signe des contrats de libre-échange avec des pays lointains; on nous demande de respecter la nature, mais on autorise la chasse et les pesticides… Pourtant les autorités politiques ont le pouvoir de faire changer les choses.
D’un point de vue strictement biodiversité, ce n’est pas la priorité pour ceux qui nous gouvernent. On nous promet la création de 1000 ha de réserves naturelles par an ; on nous promet 4000 km de haies, on nous promet la plantation d’un million d’arbres. Ces objectifs seront loin d’être atteints. Même s’ils le sont, ce n’est encore qu’une goutte d’eau dans la mer. Il faut plus que ça pour sauver notre biodiversité et notre planète. Jusque maintenant, la priorité a été à l’humain, sa subsistance, ses déplacements, ses loisirs, son « bonheur ». Je pense que dans le futur, il faudra replacer l’homme dans son contexte, c’est-à-dire une espèce parmi tant d’autres. Une espèce qui évolue, avec et pas contre son environnement. Une espèce qui admet que tous les autres êtres vivants sont doués, eux aussi, de sensibilité. Qu’ils soient reconnus comme personnalités juridiques et qu’ils aient les mêmes droits fondamentaux.
A propos des oiseaux, voici ce qu’écrivait un ornithologue Tchèque dans les années trente : « A mesure que les conditions d’existence des oiseaux deviennent de plus en plus mauvaises et que tant de nouveaux dangers les menacent, qui n’existaient pas auparavant, il devient nécessaire d’éviter, autant que possible, tout ce qui peut gêner leurs conditions d’existence. Ce qui jadis pouvait être toléré est maintenant intolérable ». Cette réflexion est toujours d’actualité aujourd’hui, demain et après-demain.
JEAN-CLAUDE BEAUMONT, PRÉSIDENT