L’hiver approche et les soigneuses du Centre de Soins pour la Faune Sauvage de Bruxelles vont enfin pouvoir souffler après une haute saison mouvementée. Enfin, c’est ce que nous pensions jusqu’à l’arrivée, ce 12 octobre dernier, d’un renardeau… galeux. Âgé d’à peine quelques mois, il était atteint par la gale à un stade tellement avancé qu’il était presque difficile de déterminer qu’il s’agissait bien d’un renard !
Ce dernier fut amené par des membres du refuge « Le Rêve d’Aby » situé à Gembloux, où il avait d’abord été pris en charge après avoir été signalé par des habitants alors que son état s’aggravait. Le plus dur ne fut pas de le capturer, mais bien de lui procurer les soins adéquats au vu de son état de santé et des risques sanitaires que cela impliquait.
Qu’est-ce que la gale chez le renard ?
La gale qui atteint le renard, appelée la gale sarcoptique, est un parasite de type acarien (sarcoptes scabiei) qui prolifère en creusant des galeries microscopiques dans l’épiderme de l’animal (4). Bien que la gale du renard ne survive pas chez l’homme, elle est hautement transmissible aux autres renards ainsi qu’aux chiens, spécialement via des contacts directs (3). Parmi les symptômes, l’animal atteint souffre d’intenses démangeaisons accompagnées d’un épaississement, de croûtes et de pertes de poils au niveau de la couche externe de la peau, allant jusqu’à provoquer des lésions. Cela touche essentiellement les oreilles, l’abdomen, les flancs et les coudes (4). En plus du risque d’infection, ces symptômes peuvent affaiblir considérablement la condition physique de l’animal et le rendre excessivement maigre (1) (2). C’est exactement ce que les soigneuses ont pu observer chez le nouveau pensionnaire.
Comment prendre en charge un renard galeux ?
Le parasite de la gale peut être éradiqué par un traitement antiparasitaire. Á un stade aussi avancé, un brossage régulier du renard fut également nécessaire afin d’éliminer du pelage les croûtes et peaux mortes accumulées et de permettre à la peau et au poil de se régénérer. Il est à noter pour ce renardeau provenant de la Wallonie, qu’il peut également être porteur de l’échinococcose. Il s’agit d’une maladie parasitaire, qui n’est pas présente au sein des populations de renards à Bruxelles, et qui peut s’avérer très dangereuse si elle se développe dans l’organisme humain.
Pour ces différentes raisons sanitaires, il a fallu mettre en place un protocole très stricte afin d’éviter tout risque de contagion lors des contacts rapprochés avec l’animal. Les sessions de brossage étaient donc accompagnées d’une tenue vestimentaire couvrant les soigneuses de la tête aux pieds, sans oublier les gants en cuir car même petit et galeux, un renard sait se servir de ses crocs ! Cet agréable moment se terminait par un nettoyage et une désinfection intégrale du matériel et des infrastructures. Pour un résultat optimal, l’opération était à répéter deux à trois fois par semaine. Autant dire que cet automne ne fut pas de tout repos pour le personnel du centre de soins, ni pour le renardeau…
Traitement et évolution du protégé
Le renardeau pesait moins de 3 kilos lorsqu’il est arrivé et sa croissance fut probablement perturbée par le développement de la maladie, qui l’avait fortement affaibli. De nombreuses zones de son corps étaient dépourvues de poils, surtout au niveau du dos, des oreilles et de la queue, où des croûtes et des lésions sanglantes s’étaient formées.
Heureusement, une amélioration put être observée très rapidement grâce au traitement antiparasitaire et au brossage. Après deux semaines, la plupart des irritations avaient disparu et son pelage devenait dense et soyeux, à l’exception des oreilles et de la queue. De plus, le petit protégé avait très bon appétit et une fervente envie de vivre, ce qui s’est traduit par une prise de poids de deux kilos en à peine quelques semaines ! Après un mois de soins méticuleux prodigués au Centre, les lésions cutanées avaient entièrement disparu. Il n’était donc plus nécessaire de le brosser.
Pire que la gale, l’imprégnation
Au vu de l’absence de signes de gale, le renardeau fut transféré dans un enclos plus grand. L’objectif était de limiter au maximum les contacts avec l’homme afin de préparer sa future remise en liberté. Pouvoir envisager sa remise en liberté après tout ce parcours est un véritable exploit pour le personnel du centre de soins. En effet, l’enjeu majeur était de soigner correctement l’animal tout en limitant les risques d’imprégnation, c’est à dire un processus d’attachement envers et de reconnaissance de l’homme comme individu de son espèce. Un animal imprégné tentera constamment de s’approcher de l’homme, ce qui menace ses chances de survie dans la nature au sein d’une population de son espèce. Ce changement de comportement irréversible est souvent le résultat d’un contact rapproché et régulier avec l’homme, d’autant plus lorsque l’animal est jeune.
Bien que peu réactif à son arrivée, le renardeau a très vite retrouvé un comportement normal, méfiant et hostile envers les professionnels du centre de soins. Il s’agissait là d’un signe positif en cours de traitement démontrant non seulement que sa condition physique s’était améliorée, mais également qu’il n’avait pas perdu son instinct d’animal sauvage.
La sonnette d’alarme
Même si cette histoire connaît une issue positive, il est nécessaire d’insister sur la complexité d’accueillir un tel cas clinique dans un centre de soins en manque de moyens. Cela implique énormément d’efforts en matière de temps, de personnel, de matériel et d’espace pour un seul individu. Le renard galeux est d’ailleurs arrivé au Centre de Soins pour la Faune Sauvage de Bruxelles en dernier recours car les autres centres CREAVES étaient complets ou n’étaient pas en mesure de le prendre en charge.
Á l’heure où la réponse immunitaire des espèces sauvages est incertaine face aux nombreuses transformations de l’environnement et où le risque d’épidémie s’accroît, les centres de soins pour la faune sauvage risquent de ne pas pouvoir répondre à l’ampleur de la demande. De fait, le 4 décembre 2020, le centre de soins de Bruxelles a atteint la barre des 3000 animaux pris en charge pour l’année 2020, un triste record bien au-delà des années précédentes alors que celle-ci n’est pas encore finie. Même si le manque de moyens destinés à la protection de la vie sauvage ne date pas d’hier, ces chiffres expriment la nécessité actuelle de soutenir les acteurs qui se battent pour que la faune sauvage garde sa place à Bruxelles et en Belgique. Cela passe non seulement par la sensibilisation du public et l’aménagement d’espaces urbains adaptés à la faune, mais aussi par le renforcement des structures existantes ayant pour missions le soin et la revalidation de la faune sauvage.
Zoé Duvivier
Bibliographie
- Scott A., Baker R., Tomlinson A., Berg M.J., Charman N. & Tolhurst B.A. (2020). Spatial distribution of sarcoptic mange (Sarcoptes scabiei) in urban foxes (Vulpes vulpes) in Great Britain as determined by citizen science. Urban Ecosystems, 23, pp. 1127-1140. En ligne : https://doi.org/10.1007/s11252-020-00985-5
- Alasaad S., Permunian R., Gakuya F., Mutinda M., Soriguer R.C. & Rossi L. (2012). Sarcoptic-mange detector dogs used to identify infected animals during outbreaks in wildlife. BMC Vet Res, 8, 110 p. En ligne : https://doi. org/10.1186/1746-6148-8-110
- Arlian L. & Morgan M.S. (2017). A review of Sarcoptes scabiei: past, present and future. Parasit Vectors 10 (1), 297 p. En ligne : https://doi.org/10.1186/s13071- 017-2234-1
- Clinique Veterinaire (n.d.). La gale sarcoptique canine. Consulté le 15 décembre 2020 sur https://www.veterinaire-evolia.com/veterinaire-dermatologie-clinique-evolia-isle-adam-gale-sarcoptique_169.aspx?me=201