Communiqué de presse collectif – auteur principal IEW
L’arrivée de la Peste porcine africaine en Wallonie était annoncée de longue date par les scientifiques et les naturalistes. Le triplement des densités induit par les pratiques de chasse et du nourrissage artificiel y rendent en effet la situation particulièrement explosive. Cet état de fait résulte de la délégation de la gestion des populations de sangliers aux seuls chasseurs. Leur responsabilité dans le risque de diffusion de l’épidémie est totale. Ils doivent l’assumer pleinement. Les associations environnementales dénoncent l’arrogance des chasseurs et appellent à la mise en place urgente de mesures préventives sur toute la Wallonie afin de réduire très fortement les densités et les risques d’extension de la peste porcine. Et au-delà, une révision en profondeur de la politique de la chasse en concertation avec l’ensemble des acteurs du monde rural.
Après une longue période indemne de sa présence en Europe, le virus de la Peste porcine africaine a été signalé en Lituanie en 2014 et s’est répandu dans les États baltes. L’été 2017, il était en République tchèque puis, en novembre de la même année, près de Varsovie en Pologne. L’Allemagne et le Danemark, deux grands producteurs de porcs étaient particulièrement inquiets. Sa présence est aujourd’hui avérée en Wallonie. Les risques pour l’élevage porcin belge sont colossaux. Il n’existe à ce jour ni traitement ni vaccin.
De nombreuses publications scientifiques et autres rapports sur l’état de la faune sauvage wallonne ont clairement établi depuis 2008 les éléments suivants :
le nourrissage artificiel du gibier par les chasseurs contribue à l’explosion des densités de celui-ci ;
le nourrissage après la récolte des cultures n’a pour autre fonction que de maintenir du gibier sur un territoire de chasse ;
le caractère soi-disant dissuasif (pour protéger les cultures agricoles) du nourrissage artificiel, ne tient pas au regard des densités fortes connues en Wallonie ;
la promiscuité sur les points de nourrissage induit de manière évidente un risque sanitaire de survenance et de développement d’épidémies.
En 2012, ce risque sanitaire avait motivé l’adoption par le Ministre Di Antonio d’un plan de réduction des densités afin de mettre un terme aux dérives des chasseurs dans certains territoires. Ce plan a alors mobilisé contre lui les représentants des chasseurs, singulièrement le Royal Saint Hubert Club de Belgique (RSHCB).
En 2015, le Ministre Collin a mis un terme à la politique volontariste de son prédécesseur…
Par ailleurs, le RSHCB n’a eu de cesse de refuser toute mesure préventive destinée à limiter les risques et l’incidence d’une telle épidémie pourtant programmée. Dans leur revue de septembre, le « syndicat » des chasseurs annonçait leurs exigences avant même l’apparition de cette épizootie en Wallonie (indemnisation suite à la réduction de densité, renégociation du bail de chasse). Pour les associations, cette attitude est tout simplement scandaleuse et arrogante au regard de leur responsabilité dans cette crise sanitaire et de son impact économique sur l’agriculture, la filière bois, le tourisme, la trésorerie des communes forestières. Mais aussi de son impact sur les milliers d’utilisateurs de la forêt à des fins de loisirs.
Pour les associations environnementales, les chasseurs sont devenus les seuls « gestionnaires » des forêts sur fond de démission du politique qui leur a octroyé, sans que les autres acteurs de la ruralité n’aient droit au chapitre, tout ce qu’ils demandaient (autorisation du nourrissage artificiel, absence d’objectifs de régulation ou de densités cibles…). Les densités actuelles qui résultent de cette (non)politique sont particulièrement destructrices des écosystèmes forestiers, ouvrant largement la porte aux risques d’apparition et de développement d’épizooties comme celle que nous connaissons aujourd’hui.
Une révision en profondeur de la politique de la chasse, à l’instar de ce qui se fait au Luxembourg, est indispensable. Et ce, sans tarder et en concertation avec l’ensemble des acteurs du monde rural.
Dans l’immédiat, sans remettre en cause la gestion de la crise dans le territoire concerné, les associations environnementales appellent le Ministre à responsabiliser sans faillir le monde de la chasse. Il est essentiel de prendre des mesures d’urgence hors de la zone infectée comme cela aurait du être réalisé depuis des années. Les associations demandent l’application des dispositions préventives prônées par l’Agence Européenne de la Sécurité Alimentaire sur tout le territoire afin d’éviter l’extension de la contamination. Ces dispositions doivent être rapidement appliquées en vue d’un retour à une densité raisonnable et durable de gibier. Il s’agit :
d’interdire dès le 21 septembre toutes formes de nourrissage artificiel du sanglier en ce compris via les nombreuses cultures de maïs attenantes à la forêt et jamais récoltées ;
de fixer des objectifs de prélèvements afin de diviser par 3 les densités de sangliers, en attribuant des quotas aux différents secteurs des conseils cynégétiques ou autres subdivisions ;
de réaliser un suivi qualitatif et quantitatif des prélèvements réalisés par les chasseurs, via la tenue de carnets de tirs contrôlés par le DNF (Département de la Nature et des Forêts) ;
d’autoriser les gardes du DNF à procéder à des tirs éliminatoires dans les zones à forte densité pour diminuer la capacité de reproduction (cibler les laies les plus productives) ou de déléguer cette possibilité à des tiers.
Contacts presse :
IEW – Lionel Delvaux, Chargé de missions « ruralité » 0497 766 011
LRBPO – Pauline Legrand, Coordinatrice de projets 0460 95 55 06
Les associations signataires de ce communiqué :