A l’occasion de foires au thème médiéval, de fêtes au château, de marchés annuels ou d’autres événements publics à caractère commercial, de prétendus fauconniers1 procèdent à des « démonstrations » de rapaces et exposent à la vue des badauds des rapaces captifs, diurnes et nocturnes, déposent ces oiseaux sur le bras ou l’épaule d’un visiteur pour faire une photo, ou leur font exécuter un court vol en les attirant à l’aide d’un appât, etc.
Un manque d’encadrement légal favorise ces pratiques. C’est pourquoi la Ligue de Protection des Oiseaux demande depuis de nombreuses années l’interdiction de ces exhibitions. En effet, les rapaces ne sont pas des animaux domestiques. Ils ont besoin de beaucoup d’espace et de liberté de vol. Ils ne sont pas conçus pour être attachés et perchés à longueur de temps sur un support artificiel, à côté d’un bac en plastique contenant un peu d’eau.
Ces spectacles sont contraires aux principes élémentaires du bien-être animal 2 : emprisonnés et encagés à longueur de journée, les oiseaux sont soumis à un entraînement dégradant et privés de leur liberté d’agir et de voler. La vision de ces rapaces qui tentent de s’envoler et puis qui se blessent en retombant, car ils portent une chaine à une de leurs pattes, est affligeant et cruel. Et pourtant les rapaces requièrent des soins très spécialisés lorsqu’ils sont accueillis dans les centres de revalidation. Permettre la détention de rapaces par des particuliers, sous le prétexte qu’ils sont nés en captivité, c’est donc aussi favoriser la maltraitance animale.
En outre, les démonstrations de rapaces donnent à penser que l’homme a le droit de s’approprier la liberté d’un animal sauvage. Elles donnent l’envie au public de garder un rapace chez soi, comme un animal domestique, alors que l’origine des oiseaux détenus est toujours suspecte et qu’ils proviennent le plus souvent d’un commerce illégal et de pratiques interdites : récolte d’œufs sur les aires, prélèvements de juvéniles au nid, bagues truquées, transports traumatisants, maladies, etc. Et, il est encore trop facile de s’approprier3 un oiseau rapace, par exemple sur Internet, et de favoriser ainsi un commerce illégal.
Il est magnifique et plus instructif d’observer un rapace en liberté, dans son habitat, là où il peut se comporter naturellement, plutôt que de le voir soumis, enchaîné, à la curiosité malsaine de spectateurs non avertis. Par exemple, une Chouette effraie, dont l’envergure des ailes est de l’ordre du mètre, a besoin d’un territoire de chasse qui peut dépasser 200 hectares ! Imaginez-vous ce nocturne, confiné en plein jour dans une petite cage ou attaché à une chaîne, sans être en mesure d’exprimer son comportement naturel et de satisfaire ses instincts … Le spectacle qu’offrent les rapaces en liberté, et les oiseaux en général, ne nécessite absolument pas le recours à des démonstrations qui ne profitent qu’à leurs organisateurs.
« Il est magnifique et plus instructif d’observer un rapace en liberté »
En avril 2012, la Ligue avait adressé aux communes une lettre demandant l’interdiction de ces pratiques, mais sans grand succès. Le 3 juin 2015 elle remit, à ce sujet, au cabinet du Ministre wallon Di Antonio, une pétition signée par plus de 18.000 personnes. En 2016, un communiqué de presse, inspiré par la Ligue, était relayé par d’autres associations de protection de la nature. Malheureusement, toutes ces actions n’ont encore donné que trop peu de résultats concrets à ce jour.
Et pourtant les lignes commencent à bouger, mais c’est en Flandre. En effet, notre association sœur, Vogelbescherming Vlaanderen, nous informe que les grandes villes d‘Anvers, d’Ostende, de Saint-Nicolas, d’autres encore, et puis tout récemment, le 22 janvier dernier, la belle ville de Gand, ont interdit la pratique, sur leur territoire public, de toute exhibition d’oiseaux maintenus en détention, ainsi que le fait de parader en ville avec un rapace diurne ou un hibou ou une chouette, ou d’associer, d’une quelconque manière, ces animaux à toute manifestation à caractère public. Ces interdictions sont justifiées par le fait que la morphologie de ces oiseaux et leurs modes de vie nécessitent un milieu naturel spacieux et de qualité. Même les oiseaux nés en captivité ne sont pas faits pour être emprisonnés et attachés par une chaîne à un billot. Dans le cas des rapaces nocturnes le « mal-être » est encore aggravé par l’exposition à la lumière du jour, surtout par journée de grand soleil.
« Anvers, Ostende, Saint-Nicolas, Gand
ont interdit les démonstrations de rapaces »
En cette année électorale, la LRBPO relancera les villes et les communes wallonnes et bruxelloises afin d’interdire, à leur tour, comme en Flandre, ce genre de spectacle dégradant. Il sera demandé de reprendre dans un règlement communal qu’ « Il est interdit d’exhiber dans l’espace public des oiseaux de proie en captivité, en ce compris les hiboux et les chouettes, et d’y procéder à des démonstrations de rapaces ou à des parades, ou d’en faire usage d’une quelconque manière lors d’événements publics ». En outre, il sera demandé aux autorités régionales d’interdire le transport de ces oiseaux et de mettre en place des outils légaux encadrant strictement la détention de rapaces.
Rappelons, par ailleurs, que l’usage des animaux de la faune sauvage n’est plus toléré dans les spectacles de cirque. Il n’y a aucune raison de tolérer encore les expositions itinérantes de rapaces !
RÉFÉRENCES
1 La fauconnerie, en tant que forme de chasse ancestrale, a été reconnue par l’Unesco comme patrimoine immatériel de l’humanité. Les voleries et les démonstrations de rapaces en public n’ont rien de commun avec elle.
2 Le législateur exclut largement la faune sauvage de la législation sur le bien-être animal, manifestement pour protéger certains intérêts particuliers.
3 La législation relative au bien-être animal est fort complexe. La loi du 14 août 1986 et l’Arrêté du Gouvernement wallon du 23 mars 2017 fixant les règles de publicité à propos de la commercialisation d’espèces n’autorise en tous cas pas de faire de la publicité pour la vente de rapaces, sauf dans les revues et les sites spécialisés agréés et reconnus par la Région wallonne.