chouette cheveche

Chouette chevêche ou chevêche d’Athéna – Comment la reconnaître, la caractériser, la singulariser des autres nocturnes ? (1)

Un animal taillé sur mesure
Le plus petit rapace nocturne de chez nous inféodé au milieu agricole, à l’allure trapue, de taille inférieure à celle d’un pigeon domestique ( ± 20 cm), au poids de 200 gr en moyenne, d’une envergure de ± 60 cm.
Il s’agit d’un oiseau cavernicole qui dépose sa ponte à même le fond d’une cavité (arbre creux, trou dans la maçonnerie, espace dans un tas de bois, nichoir…, sans apport de matériaux dans le nid.
Son plumage est brun, moucheté de blanc sur les parties supérieures ; il est plus clair et longuement tacheté en dessous.

La vue, l’ouïe et le mimétisme
Le regard de l’oiseau est fixe, perçant ; des sourcils blancs accentuent encore davantage l’iris jaune d’or et la vue est remarquable, précise, grâce, notamment, à une mobilité de la tête jusqu’à 270° !

Une membrane nictitante protège l’œil lors de la chasse ou du nourrissage des poussins.

L’ouïe est hyper développée, comme chez les autres oiseaux de proie ; elle est favorisée par une asymétrie des trous auditifs, capables de capter des sons d’origines différentes et aidés en cela par une grande flexibilité des vertèbres cervicales.

La tête est aplatie et présente un faux visage à l’arrière, rappelant les sourcils frontaux : peut-être un leurre face aux prédateurs et, dans ce cas, un rare instrument de défense naturelle chez cette espèce, en plus de son mimétisme.

Le mode de vie, la communication, les déplacements
L’oiseau présente des mœurs presque aussi diurnes que nocturnes, notamment en période de nidification et spécialement lors des années pauvres en micromammifères.

Son répertoire vocal de chants et de cris est varié, davantage perfectionné que chez la plupart des autres rapaces nocturnes et faisant parfois penser à des miaulements de chat. Le chant peut être audible à plusieurs centaines de mètres.

Le vol est silencieux, le plus souvent à faible hauteur du sol, parfois en rase-mottes, généralement sur de courtes distances.

C’est un chasseur habile, à l’affût depuis un poste élevé (piquet de clôture, arbre, haie, cabanon…) ou au sol, dans la végétation rase.

© Etienne Bauvir

Le régime alimentaire, le domaine vital et de chasse, la longévité
Le spectre alimentaire est celui d’un « généraliste », très éclectique, composé d’une multitude de proies : campagnols, mulots, rats, musaraignes, insectes — particulièrement de grande taille, mais qui tendent à disparaître —, lombrics, chenilles…, par opposition au menu de l’effraie des clochers, par exemple, autre rapace nocturne du milieu agricole, « spécialiste », qui consomme essentiellement des micromammifères terrestres, rongeurs et insectivores.

Ce petit rapace est très vulnérable car il se situe dans le milieu de la chaîne trophique ; il est susceptible d’être prédaté à chaque instant ou d’être victime d’un accident, et son espérance de vie moyenne avoisinerait ainsi les 5 ans en milieu naturel, avec 3 valeurs extrêmes de 9 ans (1) et 12 ans (2) en Famenne-Calestienne. [2]

L’oiseau se contente d’un domaine vital assez restreint, mais variable au cours de l’année : de quelques ha (<6 ha) en période de nidification et jusqu’à 30 ha en automne/hiver. [3]

Il en résulte un certain « grégarisme » chez cette espèce, autorisant des sites de nidification parfois assez rapprochés l’un de l’autre (moins de 200 m), ce qui est plutôt exceptionnel chez les rapaces nocturnes.

Fidèle à son site de nidification et territoire de chasse, il ne le quitte qu’à la recherche d’un partenaire de remplacement, tandis que les jeunes oiseaux semblent se disperser à faible distance (<5 km en moyenne, avec quelques valeurs extrêmes de plusieurs dizaines de km, voire davantage) et dans toutes les directions. [4]

La chevêche préfère les campagnes de basses altitudes et craint les enneigements prolongés qui la privent de nourriture — mais pas autant que l’effraie des clochers — et les périodes de pluies prolongées, qui lui sont néfastes, surtout en période de reproduction.

Un bio-indicateur, un allié proche de l’homme
La chevêche fait partie des espèces dites « parapluies », indicatrices de la bonne santé de l’environnement : là où l’oiseau est encore présent, le biotope demeure généralement favorable à toute une série d’espèces et révèle une qualité biologique d’habitats relativement bien diversifiés et en bon état de conservation.

Elle est aussi un auxiliaire précieux pour le jardinier et l’exploitant agricole, qu’elle débarrasse des micromammifères (campagnols, mulots, rats) et autres insectes et larves ravageurs des cultures.

L’oiseau est plutôt sympathique par son comportement [regard, mouvements du corps style « lutin », vocalises variées], peu farouche, mais discret — fréquentant le voisinage des humains et côtoyant les animaux de la ferme – pour qui sait le contempler longuement, avec patience, discrétion et respect.

Et c’est probablement le rapace nocturne le plus connu et observé dans nos campagnes, stationnant souvent aux mêmes endroits, soit à l’abri des regards (sur un arbre, dans une cavité…) soit bien en vue (sur un poteau, un faîte de toit, une cheminée, un abri, une charpente en bois, un tas de bois, de pierres, un mur…)

Répartition paléartictique : européenne et évolution des effectifs en Europe


La chevêche d’Athéna est largement répartie dans l’écotone paléarctique, depuis la côte atlantique de l’Europe, à l’ouest jusqu’à la mer du Japon, à l’est.

Elle est également bien présente dans le nord de l’Afrique et au Moyen-Orient. Elle a été introduite au Royaume-Uni.

L’espèce est absente du nord de l’Europe, de l’Irlande et d’une grande partie de l’Europe centrale et de la Russie, tandis qu’elle abonde encore par endroits dans certains pays et îles du pourtour méditerranéen, là où le climat est plus chaud et l’agriculture encore localement extensive : Espagne, Portugal, Italie, Grèce, et Turquie.

© Etienne Bauvir

L’oiseau compte 12 (13) sous-espèces mondiales, dont 4 occupent l’Europe :

  • l’espèce nominale « noctua » : en Italie, Roumanie, Hongrie et le nord-est des Balkans ;
  • la sous-espèce « vidalii » : en Europe occidentale, du Danemark : au nord, à la péninsule ibérique : au sud : c’est la sous-espèce présente en Belgique et dans les pays voisins ;
  • la sous-espèce « indigena » : dans les Balkans, la Grèce et la Turquie ;
  • et la sous-espèce « lilith » : à Chypre et au sud-est de la Turquie.

Les effectifs européens de chevêches d’Athéna ne se portent pas bien, révélant une tendance au déclin marqué en Europe occidentale et centrale. C’est loin d’être encore actuellement un oiseau commun chez nous, de même que dans de nombreuses régions européennes.

C’est même l’espèce de rapace nocturne, par ailleurs très répandue, qui a le plus régressé au cours de ces 25 dernières années en Europe, bien davantage que l’effraie des clochers, par exemple, au statut de conservation pourtant également très précaire.

Les régressions d’effectifs les plus marquées sont surtout enregistrées en Europe centrale, entre autres, dans les États baltes, en Pologne, dans une partie de l’est et du sud de l’Allemagne et en République tchèque.

L’espèce est éteinte en Lituanie et pratiquement disparue du Danemark et de l’Autriche, tandis qu’il ne subsiste plus que quelques (dizaines de) couples en Lettonie, en Slovénie et au Grand-Duché de Luxembourg. Les effectifs de l’espèce ne sont guère plus étoffés en Europe occidentale, notamment en France où l’oiseau y est beaucoup moins réparti, (lors de l’enquête Atlas 2009-2013), par rapport aux précédents relevés des années 1977-1981. Une régression de l’effectif nicheur jusqu’à 50 % depuis 1970 serait mise en évidence dans les atlas ornithologiques régionaux français. Une estimation actuelle de 10 000 à 30 000 couples pour l’Hexagone. [6]

En Suisse, elle augmente de nouveau — après une quasi-extinction — entre autres dans le canton de Genève, grâce aux travaux de conservation mis en œuvre par le GOBG — Groupe Ornithologique du bassin genevois [7]

Des initiatives locales de conservation de l’oiseau et de son habitat, menées par diverses associations et groupements de biologistes et naturalistes, parviennent à maintenir ou à restaurer en partie des petits noyaux de population. [8]

Birdlife estime la population actuelle de chevêches de l’ensemble des pays de la Communauté européenne entre 160 000 et 430 000 couples. [6] L’espèce est en déclin presque généralisé et localement au bord de l’extinction.

Evolution du statut de conservation des chevêches en belgique

En 1950, les effectifs belges de chevêches d’Athéna étaient évalués à 12 000 couples [9] contre 7 300, fin des années 1980. [10] Plus récemment, en Wallonie, l’effectif nicheur est passé de 3 700 couples en 2001-2007 à 2000-2300 couples fin 2019, soit une régression de l’ordre de 40 % lors des quinze dernières années ; une évolution négative qui tend à s’accélérer encore davantage actuellement. [11]

En Flandre, un nouvel inventaire de l’oiseau est en cours ; il semble également révéler une régression des effectifs, localement parfois de manière très marquée, comme c’est le cas dans la région de Zomergem (Flandre orientale) par exemple. [12]

L’Atlas 2000-2002 des Oiseaux nicheurs de Flandre estimait la population de chevêches entre 6 000 et 10 000 couples. Probablement en nette diminution actuellement. [13]

Dans la plupart des cas, l’emprise croissante de l’agriculture intensive et l’urbanisation des campagnes sont pointées du doigt.

Carte d’identité

chouette cheveche idNom latin : Athene noctua

Ordre : Strigiformes

Famille : Strigidés

Taille : 22 cm

Reproduction : 3 à 5 œufs, une fois par an

Couvaison : 25 à 30 jours

Séjour au nid : quittent le nid à 35 jours environ mais ne volent que deux semaines plus tard.

Répartition : partout en Europe à l’exception du Nord

Statut en Région Wallonne : strictement protégée

Pour aller plus loin

Lire l’article – Statut de conservation de la Chevêche d’Athéna

 

Bibliographie :

[1] Th. Mebs & W. Scherzinger (2006) : Rapaces nocturnes de France et d’Europe, Delachaux & Niestlé, 398 p.

[2] Ph. Smets (Steenuilwerkgroep Natuurpunt) « 28 jaar steenuilonderzoek in Vlaams-Brabant » in Uilen n° 9 (décembre 2019) — pages 102-111.

F. Bathy et al. (2021) : rapport d’activité 2016-2020 sur la conservation de la chevêche d’Athéna en Famenne-Calestienne.

[3] M. Grüebler – Swiss Ornithological Institute (2015) : Survival, range use and dispersal of little owls in Southern Germany – New insights and implications for conservation, in : 6th International Little Owl Symposium – 20-22 03/2015 Nieuwvliet Zeeuws-Vlaanderen (Nederland) : annual variation in home-range size.

[4] Les observations relatives au déplacement des oiseaux sont issues de l’analyse des données du baguage et du contrôle des oiseaux en période de nidification (en Famenne-Calestienne). Cette méthode de marquage et de suivi des oiseaux qui nichent en nichoirs — et en particulier des chevêches d’Athéna — est très peu intrusive ; elle n’affecte en rien le bon déroulement de la nidification. Nous la pratiquons avec beaucoup de sérénité sur cette espèce particulièrement tolérante. Les bagues sont mises à disposition par l’IRSNB, organisme de certification des bagueurs. — Centre belge de baguage – BeBirds, que nous remercions, de même que les collaborateurs-bagueurs qui nous font part de leurs observations et participent au financement du système. L’autorisation de baguage en notre possession est délivrée par le SPW — Wallonie Environnement, à titre de recherche scientifique et, notamment, par dérogation à la loi sur la conservation de la nature.

[5] R. van Harxen, P. Stroeken & Th. Boudewijn, dans « V. Keller, S. Herrando, P. Vorisek & al. (2020) : European Breeding Birds Atlas 2 : Distribution, Abundance and Change. — European Bird Census Council & Lynx Edicions, Barcelona, 967 p.

[6] N. Issa & Y. Muller coord. (2015) : Atlas des oiseaux de France métropolitaine – Nidification et présence hivernale – LPO/SEOF/MNHM – Delachaux et Niestlé, Paris, 1408 p.

[7] Birdlife Suisse – https://birdlife.ch/index.php/fr/content/la-cheveche-dathena-se-retablit-en-suisse-grace-aux-efforts-coordonnes ; consulté le 05/07/21 à 16h05.

[8] En Alsace (LPO Alsace, B. Scaar et al.), dans le Bade-Würtemberg (NABU – Nature and Biodiversity Conservation Union) dans les Yvelines (ATENA 78 – Association Terroir et Nature en Yvelines, D. Robert et al.), dans la région de Charleroi (NOCTUA, J. Bultot, Th. Votquenne & al.), en Flandre (Steenuilwerkgroep Natuurpunt, Ph. Smets et al.), aux Pays-Bas (STONE Nederland, R. van Harxen et al.), en Famenne-Calestienne (projet en partenariat multiple) …

[9] L. Lippens & H. Wille, (1972) : Atlas des oiseaux de Belgique et d’Europe occidentale, Lannoo, Tielt.

[10] P. Devillers, W. Roggeman, J. Tricot, P. del Marmol, Ch. Kerwijn, J-P. Jacob, A. Anselin (1988) : Atlas des oiseaux nicheurs de Belgique — Institut Royal des Sciences naturelles de Belgique — Bruxelles.

[11] J-P. Jacob, C. Dehem, A. Burnel, J-L. Dambiermont, M. Fasol, T. Kinet, D. van der Elst

& J-Y. Paquet (2010) : Atlas des oiseaux nicheurs de Wallonie 2001-2007 — Aves & Région wallonne, Gembloux. 524 p. et comm. pers. Jean-Yves Paquet (2019) — COA Aves — Natagora.

[12] L. van de Velde — Vogelwerkgroep Zomergem (2019) : Inventarisatie steenuilen Zomergem 2014-2019 (- 50 % steenuilenterritoria tussen 2014 en 2019).

[13] G. Vermeersch, A. Anselin, K. Devos, M. Herremans, J. Stevens, J. Gabriëls

& B Van der Krieken. (2004) : Atlas van de Vlaamse Broedvolgels : 2000 – 2002 – Instituut voor Natuurbehoud, 498 p.

[14] CA. Hallmann, M. Sorg, E. Jongejans, H. Siepel, N. Hofland, Heinz Schwan, & al. (2017) :

More than 75 percent decline over 27 years in total flying insect biomass in protected areas.

in « https://journals.plos.org/plosone/article ? id=10.1371/journal.pone.0185809 » – consulté le 04/07/21 à 20 h 30.

[15] R. van Harxen & P. Stoeken (STONE Nederland) (2019) : « 2019, wat een steenuilenjaar ! » in Uilen n°9 (décembre 2019) – pages 90-97 ;

[16] R. van Harxen : (2015) : Overlevering van jonge steenuilen gedurende het eerste levensjaar in periode 1973-2009 – 6th International Little Owl Symposium – 20-22 03/2015 – Nieuwvliet Zeeuws-Vlaanderen (Nederland) – Little Owls in the Netherlands – Organization, Research and Protection – STONE Nederland.

[17] Roulex 45 — Wikipedia — Travail personnel, CC BY-SA 4,0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php ? curid=3531872, consulté le 07/07/21 à 20 h 40.

/et https://www.iweps.be/indicateur-statistique/densite-infrastructures-de-transport, consulté le 05/07/21 à 17h30

[18] M. Grüebler – Swiss Ornithological Institute (2015) : Survival, range use and dispersal of little owls in Southern Germany – New insights and implications for conservation, in : 6th International Little Owl Symposium – 20-22 03/2015 Nieuwvliet Zeeuws-Vlaanderen (Nederland) : « répartition des causes de mortalité de 180 chevêches retrouvées pendant la durée d’une étude de 2009 à 2013, dans le Wurtemberg ».

[19] J-P. Jacob & M. Paquay (1992) : Oiseaux nicheurs de Famenne — Atlas de Lesse et Lomme, Aves, Liège.

[20] Nous tenons bien volontiers les plans de construction de ce nichoir à disposition des personnes intéressées par la conservation de cette espèce — francis.bathy skynet.be.

[21] La fouine bénéficie d’un statut de semi-protection en Wallonie. En tout cas, contrairement à certaines croyances populaires, cette espèce ne peut être massacrée pour chaque petit acte de prédation ou dérangement qu’elle commet. Elle ne peut légalement être piégée ou tuée que dans des cas bien précis, après avoir tenté de l’éloigner sans lui nuire ! Une fouine, qui squatte un nichoir et/ou en détruit le contenu, ne peut donc pas être inquiétée ! À nous de concevoir des nichoirs qu’elle peut difficilement visiter…

[22] https://yesweplant.wallonie.be/home.html, consulté le 04/07/21 à 20 h 50.

[23] M. Juillard (1985) — La Chouette chevêche — Nos Oiseaux, Société romande pour l’étude et la protection des oiseaux, 243 p.

[24] Plainte a été déposée auprès de l’Unité Anti-Braconnage du Département de la Nature et des Forêts.