Implantation en Europe

Ce sont les introductions (volontaires ou involontaires) répétées dans plusieurs pays européens qui ont donné lieu à l’installation relativement récente de populations férales d’ouettes d’Égypte. Ainsi, cette espèce a été introduite en Grande-Bretagne dès la fin
XVIIe siècle et son expansion a été significative dès le XIXe siècle. Mais ce n‘est qu’à la fin des années 1980 que sa démographie a explosé, à la faveur d’hivers doux successifs. En Allemagne, elle s’est installée progressivement à la suite de son introduction, qui remonte au XVIIIe siècle. La population néerlandaise proviendrait quant à elle d’oiseaux échappés de captivité. Après un premier cas de reproduction en nature en 1967 dans ce pays, une accélération s’est opérée à partir d’une nouvelle évasion conséquente en 1981 (Wright, 2010).

Les causes

En raison de son comportement généraliste/herbivore, et du large éventail de sites de nidification qui lui convient, c’est une espèce qui s’adapte facilement aux nouveaux environnements. De plus, son corps robuste, son comportement non migratoire, sa défense territoriale agressive, sa grande taille, ses couvées multiples, ses prédateurs peu nombreux et la survie élevée des poussins contribuent à son potentiel élevé pour établir des populations à croissance rapide (Wright, 2010).

L’espèce est gardée comme oiseau d’ornement dans les zoos, les parcs, les jardins, les collections privées et les fermes d’élevage. L’Ouette d’Egypte se propage rapidement en Europe de nos jours, également dans les pays où les étés et les hivers sont plus froids que dans sa région d’origine, comme en Pologne, où l’espèce est également capable d’hiverner. Si le climat se réchauffe, il aura probablement un impact positif sur cette espèce qui pourrait en profiter en colonisant de nouvelles zones où les conditions climatiques actuelles sont trop dures (Gyimesi, 2010).

En Europe

L’oie égyptienne a été introduite comme espèce ornementale dans les parcs des Pays-Bas au cours du XXe siècle en raison de son plumage exotique. Les oiseaux échappés ont commencé à se reproduire dans la nature en 1967. À partir des années 1980, les oiseaux se sont propagés en Allemagne, puis au Danemark, tandis que les échappées des parcs de Bruxelles y ont établi des populations viables. Cependant, le taux de croissance a ralenti au cours des dix dernières années, probablement en raison de la saturation des sites de reproduction disponibles. La mortalité intra-saisonnière durant les hivers rigoureux a dépassé celle des hivers doux. Le succès de l’oie égyptienne peut probablement être attribué à l’abondance des zones d’eau douce disponibles à proximité des prairies avec peu d’arbres (Huysentruyt et al., 2010).

En Belgique

En 2002, le nombre de couples reproducteurs a été estimé entre 800 et 1100 (Banks et al., 2008) à 1 300 couples en 2005 en Flandre seulement (Anselin & Vermeersch 2005), et à 330-590 couples en 2007 seulement en Wallonie (Jacob et al., Sous presse).
Des couples installés dans un territoire peuvent y être longtemps fidèles. Ainsi, une femelle baguée a niché au moins 4 années d’affilée au lac de Louvain-La-Neuve (Sta & Vangeluwe, 2015). La population semble majoritairement installée dans la partie nord de la Belgique, autour de Bruxelles, où s’est installé le noyau historique, et le long de la frontière avec les Pays-Bas où l’espèce a connu une forte croissance de ses effectifs.

Impacts des populations férales Européenne


Peu de publications scientifiques apportent des données robustes sur l’impact réel des espèces d’oiseaux d’eau exogènes sur les écosystèmes naturels (Wright et al., 2010). L’impact de l’ouette d’Egypte est difficilement mesurable, il paraît cependant probable au regard d’autres anatidés allochtones qui possèdent des traits d’éco-éthologie comparables. Et il pourrait prendre rapidement de l’importance du fait de la rapidité d’expansion de l’espèce.

Impacts généraux

Au vrai, sa présence n’est pas sans risque, en particulier sur les cultures et sur la santé (avec les fientes et les mues), elles peuvent provoquer un risque sanitaire si elles stationnent dans les lieux publics, comme les parcs et les plans d’eau. Au même titre que la Bernache du Canada, les regroupements d’Ouette d’Egypte peuvent être responsables de l’eutrophisation des milieux aquatiques par défécation dans les eaux stagnantes lors des stationnements durables (Rehfisch, 2010).
Le manque d’études détaillées sur les niveaux actuels de menace de l’ouette égyptienne rendent difficile à déterminer les impacts réels et solides de l’espèce sur la biodiversité, mais sa présence en Europe n’est pas sans risque et ne laisse aucun doute qu’une fois établie, sa propagation incontrôlée pourrait augmenter l’impact actuel sur la biodiversité européenne.

Impacts sur l’environnement

Les grands troupeaux en phase de mue peuvent localement intensifier l’eutrophisation en déféquant dans de petits plans d’eau, ce qui déplace l’équilibre des éléments nutritifs vers un rapport P/N élevé. Cela peut déstabiliser l’équilibre des nutriments. Ce rapport a des valeurs supérieures à 6 peut augmenter les chances de développement d’algues bleues et de charges bactériennes (Anselin & Devos, 2007 ; Gyimesi & Lensink, 2010). Le piétinement, l’encrassement et le comportement agressif sont également une nuisance sur les terrains et dans les parcs en Europe. Une autre étude faite en 2010 affirme que les grands troupeaux d’ouettes égyptiennes peuvent être une nuisance en raison de la défécation sur les routes publiques et dans les zones de loisirs près des réservoirs d’eau. Bien que l’on ne dispose pas de données sur les ouettes d’Egypte attaquant l’homme, l’espèce est connue pour être agressive (Gyimesi & Lensink, 2010).

Impacts sanitaires

Bien que l’espèce ne soit pas connue pour effectuer des mouvements sur de longues distances, elle pourrait être un vecteur potentiel de l’influenza aviaire. Les rassemblements de mues en été et les grands troupeaux se nourrissant en hiver peuvent augmenter le risque de propagation facile de la maladie, en particulier si ces concentrations se trouvent à proximité des fermes avicoles (Sneep, 1999, Anselin et Devos, 2007 ; van der Have et al., 2015).

Impacts sur les espèces indigènes

Les impacts négatifs de cette espèce sur les espèces natives sont mal connus, mais pourraient passer par la compétition, de par son comportement agressif en période de reproduction (Dubois, 2007), peut-être le broutage (Owen, 2003) et le vol de nids (Pieterse et Tamis, 2005). L’espèce s’empare également des sites de nidification des tadornes de Belon et des canards colverts (Lensink, 1996). Les ouettes égyptiennes peuvent commencer à se reproduire dès février, reprenant ainsi les sites de nidification les plus appropriés avant que les autres espèces ne commencent leur période de reproduction. C’est son agressivité en période de reproduction qui peut poser un problème vis à vis de l’avifaune indigène, que ce soit lors du choix des nids ou lors de la défense de son territoire, dans ce cas, il y a une possible interaction négative avec les divers oiseaux d’eau locaux (Van den Bergh, 1993 ; Lensink, 1996). En Belgique, il existe des preuves et des études que les ouettes égyptiennes peuvent entraîner une réduction du nombre d’autres oiseaux d’eau, par leur comportement agressif à leur égard (Sneep 1999, Anselin et Devos 2007, van der Have et al., 2015). Bien que le caractère envahissant de l’ouette égyptienne soit souvent suspecté, la rareté des études détaillées de l’impact de cette espèce dans son aire de répartition introduite ne permet pas de confirmer ces affirmations.
Le risque d’hybridation induit par l’ouette d’Égypte est relativement faible, en raison de l’absence d’espèces proches dans l’avifaune indigène.

Références

Banks, A.,Wright, L., Maclean, C. & Rehfisch, M., (2008). Review of the status of introduced non-native waterbird species in the area of the African-Eurasian Waterbird Agreement : 2007 update. Norfolk. British Trust for Ornithology Report

Gyimesi, A. & lensink, R., (2010). Risk analysis of the Egyptian Goose in The Netherlands. Bureau Waardenburg bv / Ministry of Agriculture, Nature and Food Quality, Invasive Alien Species Team. Wageningen. 78-80 p.

Wright, L., Banks, A. & Rehfisch, M., (2010). The status of introduced non-native waterbirds in Eurasia and Africa in 2007. Proceedings – The Impacts of Non-native Species. B.T.O., The Nunnery, Thetford, Norfolk IP24 2PU (UK)